
Préparer la robe de noces
Mise en contexte
Dans cette lettre du dimanche 28 avril 1895, Thérèse écrit à sa sœur Léonie découragée dans sa vocation comme visitandine à Caen. Thérèse partage comment elle a vécu l’épreuve qui a précédé sa profession.
Thérèse m'écrit
« Oh ! comme je comprends que le retard de ta profession doit être une épreuve pour toi, mais c'est une si grande grâce que, plus on a de temps pour s'y préparer, plus aussi il faut se réjouir. Je me rappelle avec plaisir ce qui s'est passé dans mon âme quelques mois avant ma profession. Je voyais mon année de noviciat écoulée et personne ne s'occupait de moi (à cause de Notre Père Supérieur qui me trouvait trop jeune), je t'assure que j'avais bien de la peine, mais un jour le bon Dieu m'a fait comprendre qu'il y avait dans ce désir de prononcer mes Saints Vœux une grande recherche de moi-même ; alors je me suis dit : Pour la prise d'habit on m'a revêtue d'une belle robe blanche garnie de dentelles et de fleurs, qui donc a songé à m'en donner une pour mes noces ?... Cette robe c'est moi qui dois la préparer toute seule. Jésus veut que personne ne m'aide excepté Lui, donc avec son secours je vais me mettre à l'ouvrage, travailler avec ardeur... Les créatures ne verront pas mes efforts qui seront cachés dans mon cœur. Tâchant de me faire oublier, je ne voudrai d'autre regard que celui de Jésus... Qu'importe si je parais pauvre et dénuée d'esprit et de talents... Je veux mettre en pratique ce conseil de l'Imitation : "Que celui-ci se glorifie d'une chose, celui-là d'une autre, pour vous ne mettez votre joie que dans le mépris de vous-même, dans ma volonté et ma gloire" ; ou bien : "Voulez-vous apprendre quelque chose qui vous serve : Aimez à être ignoré et compté pour rien !..." En pensant tout cela j'ai senti une grande paix en mon âme, j'ai senti que c'était la vérité et la paix ! Je ne me suis plus inquiétée de la date de ma profession, pensant que dès le jour où ma robe de noces serait achevée Jésus viendrait chercher sa pauvre petite épouse... »
Je comprends
La métaphore de la « robe de noces », que Thérèse évoque comme un symbole de préparation intérieure, fait écho aux idées d’Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince. Saint-Exupéry nous rappelle que l'essentiel est invisible pour les yeux, et que c’est dans l’intimité de notre cœur que se tisse le véritable amour et l’engagement. La robe, ce doit être une œuvre d’art que nous brodons patiemment avec nos efforts, nos prières, notre volonté de nous effacer au profit d’un amour plus grand. La vision thérésienne de la vocation se conçoit comme un chemin d’acceptation et d’amour de soi, là où se mêlent humilité et abandon.
Le voyage de découverte d’un soi authentique rappelle les réflexions de Virginia Woolf dans Une Chambre à soi, où elle défend l’idée que le véritable épanouissement passe par un espace de solitude et de créativité, propice à l’introspection. Chaque lettre, pensée ou prière devient alors un pas, non pas vers l’approbation humaine, mais vers une rencontre authentique avec l’amour divin. Voilà la beauté de la vocation, cette robe que nous tissons avec sérieux, amour et silence.
Je prie et j'agis
Je cherche à aménager un espace propice pour accueillir la rencontre de l'amour de Dieu.