
Première lecture
En ce jour-là, le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé.
Et ce jour-là, on dira : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! » Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne.
Psaume
J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.
Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer.
Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom.
Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure.
Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.
Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.
Deuxième lecture
Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force. Cependant, vous avez bien fait de vous montrer solidaires quand j’étais dans la gêne. Et mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus.
Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles. Amen.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux anciens du peuple, et il leur dit en paraboles : « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : “Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.” Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : “Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.” Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Il lui dit : “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ? ” L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.” Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »
Méditer avec les carmes
Une fois de plus Jésus propose à ses auditeurs une parabole sur l’accueil et le refus.
Il en va du Royaume des cieux comme d’un roi qui fit pour son fils un festin de noces. Déjà l’AncienTestament déjà aimait la comparaison des noces et du mariage pour exprimer les relations de Dieu avec la communauté de l’Alliance. Le Roi, ici, désigne Dieu, et son fils n’est autre que le Messie, Jésus, son Envoyé. La fête que Dieu a préparée, et de longue date, c’est la réconciliation de toute l’humanité par Jésus Messie et en Jésus Messie. Comme souvent, les détails de la parabole peuvent s’entendre à plusieurs niveaux. Ainsi les divers groupes de serviteurs, que le roi envoie successivement pour avertir les invités, peuvent renvoyer :
soit aux prophètes de l’Ancien Testament, si souvent contestés par leurs contemporains ;
soit aux apôtres et aux missionnaires chrétiens, envoyés eux aussi à Israël, et dont le message est repoussé, tantôt avec dédain, tantôt avec violence.
Une chose est claire, c’est que le roi ne laissera pas se perdre le festin qu’il a préparé. Ainsi ni le mépris ni la force ne feront échec au plan de Dieu. Si les premiers appelés (l’Israël dépositaire des promesses) font la sourde oreille, les apôtres iront sur les chemins du monde païen et aux carrefours de sortie des grandes villes, et le tout-venant des hommes de bonne volonté se précipitera vers le festin du salut.
Sévère pour les incrédules, pour les hommes du refus, - quand le refus est coupable, bien entendu -, la parabole de Jésus apparaît extrêmement tonique pour ceux qui acceptent de lui faire confiance.
Elle souligne tout d’abord que l’appel de Dieu le Père est une invitation à la joie et à une joie partagée. Nul n’est invité seul. Certes, chacun doit donner librement sa réponse irremplaçable, mais il doit en même temps accepter le coude à coude du banquet.
Tonique, la parabole l’est encore parce qu’elle rappelle la gravité de l’enjeu et l’importance d’une réponse généreuse à l’invitation du Seigneur. À tout âge on peut être tenté de louvoyer devant l’appel... L’un s’en va à son champ, à son loisir, à son sport, l’autre à son commerce, à son métier, à ses études, toutes choses valables, certes, mais que nous faisons toujours passer après certaines invitations. L’invitation de Dieu serait-elle à ce point négligeable ? Et la refuser, n’est-ce pas passer à côté du vrai bonheur ? Nous-mêmes parfois semblons bien peu pressés de rejoindre le festin du Père, et pourtant face aux largesses de Dieu, que valent nos excuses ?
Heureusement, l’invitation de Dieu le Père embrassait l’espace et le temps ; elle reste valable tout au long de l’histoire humaine et tout au long de notre histoire personnelle. En un sens nous avons toute une vie pour répondre, mais non pas toute une vie pour faire attendre Dieu, car, dans la pensée de Jésus, chacune de nos journées pourrait être une réponse totale.
Enfin cette parabole est tonifiante parce qu’elle nous oblige à voir grand et à voir loin. Elle nous fait dépasser nos réflexes de privilégiés et les étroitesses de notre cœur pour nous ouvrir à la mission universelle de Jésus ; car l’onction de l’Esprit Saint fait de nous, à notre tour, des messagers de la joie de Dieu, des porteurs d’invitations pour ceux qui sont près comme pour ceux qui sont loin.
L’Église, c’est cela : le rassemblement des appelés, le peuple qui se sent responsable de transmettre l’invitation, et qui, à chaque Eucharistie, anticipe le festin éternel où chacun entrera après avoir ici-bas revêtu le Christ et ses réflexes. Dès maintenant, tous pauvres, tous graciés, venus de tous les carrefours du monde, nous entrons ensemble dans la joie du Christ et de l’Église-Épouse, une joie si dynamique et purifiante qu’elle peut triompher de toutes nos divergences et de toutes nos allergies. Quand on a dit oui à l’invitation de Dieu, on devient soi-même accueillant.
C’est une des manières de s’habiller pour la noce, et Dieu y veille. Car si sa miséricorde ouvre à tous la salle du banquet, nul n’est dispensé de faire effort pour changer sa vie. L’entrée est gratuite, mais il faut toujours changer de cœur en passant la porte.
J’admets volontiers tout cela, direz-vous, mais un détail me reste en travers de la gorge quand je lis cette parabole. Le roi fait inviter au dernier moment des hommes rencontrés au carrefour, puis il ordonne d’expulser de la salle un homme qui est entré sans l’habit de noces !
Nous réagissons immédiatement avec notre logique d’occidentaux : à quoi pense ce roi ? Que veut-il donc exactement ? Nous réagissons ; c’est justement le but de ce petit détail illogique, invraisemblable, exagéré : nous amener à réfléchir sur la bonté de Dieu et sur notre propre responsabilité. Tous nous sommes de ces invités de dernière heure que Jésus lui-même est venu à appeler aux carrefours du monde. Mais il nous appartient de répondre personnellement à l’invitation : nul n’est forcé d’entrer au festin contre son gré, et de chacun est attendu un minimum de loyauté et de bonne volonté.
C’est le sens de l’habit de noces réclamé de chacun des convives. Pour entrer aux noces de Jésus avec l’humanité, point n’est besoin d’un habit de riche ni d’un habit de pauvre, car l’habit qui nous est réclamé ne s’achète pas chez les marchands de ce monde. Il s’agit de revêtir le Christ, le destin du Christ, les réflexes du Christ. Il suffit d’entrer avec un cœur nouveau, et ce cœur nouveau, c’est Dieu qui nous le donne.