
Samedi 23 août 2025
« elle est plus Mère que reine »
Mise en contexte
Avec une grande liberté de ton, Thérèse confie l’essentiel de ce qu’elle saisit du mystère de la Vierge Marie. A un mois de sa mort, il s’agit du testament oral de Thérèse après sa dernière poésie évoquée d’ailleurs par elle-même dans ces paroles du 21 août 1897.
Thérèse me parle
Que j'aurais donc bien voulu être prêtre pour prêcher sur la Sainte Vierge ! Une seule fois m'aurait suffi pour dire tout ce que je pense à ce sujet.
J'aurais d'abord fait comprendre à quel point on connaît peu sa vie.
Il ne faudrait pas dire des choses invraisemblables ou qu'on ne sait pas ; par exemple que, toute petite, à trois ans, la Sainte Vierge est allée au Temple s'offrir à Dieu avec des sentiments brûlants d'amour et tout à fait extraordinaires ; tandis qu'elle y est peut-être allée tout simplement pour obéir à ses parents.
Pourquoi dire encore, à propos des paroles prophétiques du vieillard Siméon, que la Sainte Vierge, à partir de ce moment-là a eu constamment devant les yeux la passion de Jésus ? « Un glaive de douleur transpercera votre âme » avait dit le vieillard. Ce n'était donc pas pour le présent, vous voyez bien, ma petite Mère ; c'était une prédiction générale pour l'avenir.
Pour qu'un sermon sur la Ste Vierge me plaise et me fasse du bien, il faut que je voie sa vie réelle, pas sa vie supposée ; et je suis sûre que sa vie réelle devait être toute simple. On la montre inabordable, il faudrait la montrer imitable, faire ressortir ses vertus, dire qu'elle vivait de foi comme nous, en donner des preuves par l'Evangile où nous lisons : « Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait. » Et cette autre, non moins mystérieuse : « Ses parents étaient dans l'admiration de ce qu'on disait de lui. » Cette admiration suppose un certain étonnement, ne trouvez-vous pas, ma petite Mère ?
On sait bien que la Sainte Vierge est la Reine du Ciel et de la terre, mais elle est plus Mère que reine, et il ne faut pas dire à cause de ses prérogatives qu'elle éclipse la gloire de tous les saints, comme le soleil à son lever fait disparaître les étoiles. Mon Dieu ! que cela est étrange ! Une Mère qui fait disparaître la gloire de ses enfants ! Moi je pense tout le contraire, je crois qu'elle augmentera de beaucoup la splendeur des élus.
C'est bien de parler de ses prérogatives, mais il ne faut pas dire que cela, et si, dans un sermon, on est obligé du Commencement à la fin de s'exclamer et de faire « Ah ! Ah ! », on en a assez ! Qui sait si quelque âme n'irait pas même jusqu'à sentir alors un certain éloignement pour une créature tellement supérieure et ne se dirait pas : « Si c'est cela, autant aller briller comme on pourra dans un petit coin ! »
Ce que la Sainte Vierge a de plus que nous, c'est qu'elle ne pouvait pas pécher, qu'elle était exempte de la tache originelle, mais d'autre part, elle a eu bien moins de chance que nous, puisqu'elle n'a pas eu de Sainte Vierge à aimer ; et c'est une telle douceur de plus pour nous, et une telle douceur de moins pour elle !
Enfin j'ai dit dans mon Cantique : « Pourquoi je t'aime, ô Marie ! » tout ce que je prêcherais sur elle.
CJ 21.8.3
Je comprends
Thérèse offre ici un enseignement tout à fait décalé par rapport aux représentations mariales de son temps. En s’appuyant sur une lecture rigoureuse de l’évangile, notamment ici saint Luc (chap. 2, versets 33 et 50), elle anticipe la réflexion théologique du XX° siècle rappelant la proximité de Marie avec ses enfants.
Je prie et j'agis
Qu’est-ce que je retiens de ces enseignements de sainte Thérèse pour ma propre relation à Marie ?