
Première lecture
Frères, c’est la vérité que je dis dans le Christ, je ne mens pas, ma conscience m’en rend témoignage dans l’Esprit Saint : j’ai dans le cœur une grande tristesse, une douleur incessante. Moi-même, pour les Juifs, mes frères de race, je souhaiterais être anathème, séparé du Christ : ils sont en effet Israélites, ils ont l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né, lui qui est au-dessus de tout, Dieu béni pour les siècles. Amen.
Psaume
Glorifie le Seigneur, Jérusalem !
Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! Célèbre ton Dieu, ô Sion ! Il a consolidé les barres de tes portes, dans tes murs il a béni tes enfants.
Il fait régner la paix à tes frontières, et d’un pain de froment te rassasie. Il envoie sa parole sur la terre : rapide, son verbe la parcourt.
Il révèle sa parole à Jacob, ses volontés et ses lois à Israël. Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ; nul autre n’a connu ses volontés.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia.
Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient. Or voici qu’il y avait devant lui un homme atteint d’hydropisie. Prenant la parole, Jésus s’adressa aux docteurs de la Loi et aux pharisiens pour leur demander : « Est-il permis, oui ou non, de faire une guérison le jour du sabbat ? » Ils gardèrent le silence. Tenant alors le malade, Jésus le guérit et le laissa aller. Puis il leur dit : « Si l’un de vous a un fils ou un bœuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas aussitôt l’en retirer, même le jour du sabbat ? » Et ils furent incapables de trouver une réponse.
Méditer avec les carmes
Cela nous paraît évident : si un enfant ou un bœuf sont tombés dans un puits, un de ces puits à margelle basse comme on en voit dans les plaines d’Israël, il faut tout de suite tenter l’impossible, le dimanche comme en semaine.
C’était évident aussi pour la Loi juive, puisqu’on lit dans le Deutéronome : « Si tu vois l’âne de ton frère ou son bœuf tomber dans un puits, tu ne te déroberas pas à eux ; tu devras les relever avec lui » (Dt 22, 4).
Cela restera évident même pour les rabbins des premiers siècles. Selon eux, en effet, le danger pour la vie suspend le sabbat, par exemple pour la vie d’un nouveau-né (Tosepta Sabbat, X, 22 ; Mišna Yoma VIII, 7).
C’était bien clair aussi dans la pensée de Jésus. Mais alors qui pouvait interdire ce réflexe d’entraide élémentaire ?
Une secte le faisait, du temps de Jésus, des gens, hommes et femmes, qui vivaient en communauté près de la Mer morte, et dont la règle précisait : « Si une bête tombe dans une citerne ou dans une fosse, qu’on ne la retire pas le jour du sabbat » (CD XI, 13). Et certains rigoristes, parmi les Pharisiens, allaient dans le même sens ; au moins en théorie, car dans la pratique le bon sens prévalait, comme le remarque Jésus : « Si l’un de vous a son fils ou son bœuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas l’en tirer aussitôt, le jour même du sabbat ? »... et ses opposants n’ont rien pu répliquer.
Au fond, Jésus vise à la fois plusieurs déformations de la conscience :
d’abord le divorce entre ce qu’on dit et ce qu’on fait, entre ce qu’on impose aux autres et ce qu’on se permet à soi-même ;
ensuite la dureté du cœur, qui empêche de reconnaître les urgences, de réagir pour aider et sauver ;
mais surtout la trahison de la véritable religion, de l’authentique relation à Dieu, quand on se retranche derrière le service de Dieu ou derrière la fidélité à Dieu pour échapper à une solidarité élémentaire avec les hommes, comme si on pouvait regarder Dieu en détournant son regard des hommes que Dieu aime.
Le bœuf dans le trou : cela nous paraît loin de ce que nous avons à vivre ; mais allons au fond des choses : nous aussi, notre bonne conscience nous endort parfois, nous aussi, parfois, nous ne savons plus voir ni accourir.
Dans la pensée de Jésus, au contraire, plus nous essayons d’aimer Dieu, et plus il nous faut deviner les besoins de ceux que Dieu nous donne à aimer : il nous faut aller au-devant du gros homme hydropique mal à l’aise avec tout le monde, il nous faut tout tenter pour le frère rencontré par hasard.
Souvent, d’ailleurs, il nous faudra tout faire, tout comme, dans cet épisode de l’Évangile, Jésus est seul à agir : les Pharisiens critiquent et se taisent, l’hydropique se tait et se laisse faire ; Jésus, lui, parle et agit. Il guérit, et, pour commenter son geste, il fait les demandes et les réponses.
Oui, à la suite de Jésus il faut parfois tout faire si l’on veut faire assez ; mais cette exigence va dans le sens de notre joie, car rien ne nous rend si heureux que de donner du bonheur.