
Première lecture
Ainsi parle le Seigneur : Oui, j’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils. C’est moi qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras, et il n’a pas compris que je venais à son secours. Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. Mais ils ont refusé de revenir à moi : vais-je les livrer au châtiment ?
Non ! Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer.
Psaume
Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut !
Voici le Dieu qui me sauve : j’ai confiance, je n’ai plus de crainte. Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut.
Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! Redites-le : « Sublime est son nom ! »
Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence, et toute la terre le sait. Jubilez, criez de joie, habitants de Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !
Deuxième lecture
Frères, à moi qui suis vraiment le plus petit de tous les fidèles, la grâce a été donnée d’annoncer aux nations l’insondable richesse du Christ, et de mettre en lumière pour tous le contenu du mystère qui était caché depuis toujours en Dieu, le créateur de toutes choses ; ainsi, désormais, les Puissances célestes elles-mêmes connaissent, grâce à l’Église, les multiples aspects de la Sagesse de Dieu. C’est le projet éternel que Dieu a réalisé dans le Christ Jésus notre Seigneur. Et notre foi au Christ nous donne l’assurance nécessaire pour accéder auprès de Dieu en toute confiance. C’est pourquoi je tombe à genoux devant le Père, de qui toute paternité au ciel et sur la terre tient son nom. Lui qui est si riche en gloire, qu’il vous donne la puissance de son Esprit, pour que se fortifie en vous l’homme intérieur.
Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour. Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… Vous connaîtrez ce qui surpasse toute connaissance : l’amour du Christ. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. Alléluia. (Mt 11, 29ab)
Jésus venait de mourir. Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus. Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.
Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé. Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.
Méditer avec les carmes
Les crucifiés restaient parfois plusieurs jours avant que la mort intervienne ; c’est pourquoi l’on avait pris l’habitude de leur briser le corps, surtout les jambes. Primitivement geste de cruauté, le brisement des jambes, malgré sa barbarie, était voulu souvent comme un coup de grâce, car il hâtait la mort, par suffocation. Jésus n’y aurait pas échappé si le soldat, pour tester ses réactions, n’avait percé son côté d’un coup de lance.
Tout commence donc au niveau d’une violence insoutenable. Et pourtant, même cet épisode brutal et sanglant débouche sur la vie et l’amour, sur l’amour qui donne la vie, car du corps de Jésus, qui vient de mourir, jaillissent le sang et l’eau.
Jésus avait prédit que de lui-même jaillirait une eau vive, lorsqu’il avait crié dans le Temple, au beau milieu de la fête des Huttes : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi ; qu’il boive, celui qui croit en moi. Comme l’a dit l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vivante ! » Et la remarque de l’Évangéliste qui commente cette parole de Jésus éclaire également l’épisode du coup de lance : « Il désignait ainsi l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jn 7, 39).
Au temps de Jésus, les rabbins, à propos du livre des Nombres (Nb 20, 11), disaient : « Moïse a frappé le rocher deux fois, parce que, la première fois, du sang est sorti, puis, la seconde fois, de l’eau ». Le Christ, Rocher de notre foi (1 CO 10, 4), a été frappé d’un seul coup de lance, et tout de suite l’eau vive a jailli, l’eau de l’Esprit Saint, l’eau qui fait vivre ceux qui croient en Jésus Fils de Dieu.
Pour le disciple que Jésus aimait, qui a tout vécu, près de Marie, au pied de la croix, cette blessure ouverte dans le côté de Jésus proclame aux croyants le sens de sa mort, la portée vivifiante de son sacrifice, celle-là même que le récit suggérait, quelques versets plus haut : « Dès qu’il eut pris le vinaigre, Jésus dit : ‘Tout est achevé’ ; et, inclinant la tête, il transmit l’Esprit« (v. 30).
Quant au sang qui sort, en même temps que l’eau, du côté blessé de Jésus, il atteste, justement, que tout est achevé, que Jésus est bien mort pour nous, qu’il nous a aimés jusqu’à l’extrême et qu’il peut nous transmettre l’Esprit, maintenant que, par sa mort, il a retrouvé auprès du Père la gloire qui était sienne avant que le monde fût (Jn 17, 5).
Réalité de la mort de Jésus, le Juste ; fécondité pour nous du don qu’il a fait de sa vie : l’Évangéliste a lu cela dans les Psaumes et les Prophètes.
“Tout cela, nous dit-il, est arrivé pour que s’accomplisse l’Écriture : “Pas un de ses os ne sera brisé”. Allusion, d’une part à l’agneau pascal, d’autre part au Psaume 34, le psaume de l’innocent fidèle à son Dieu dans la persécution : “Le Seigneur veille sur ses os : pas un ne sera brisé” (Ps 34, 21).
Une deuxième citation est amenée, à la manière des rabbins : “Il y a un autre passage de l’Écriture qui dit : ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé”. Ce n’est pas sans dessein que l’Évangéliste nous oriente ainsi vers le livre de Zacharie, car d’autres versets du même prophète éclairent des détails de la passion de Jésus, par exemple l’ânon sur lequel s’assied Jésus le jour des Rameaux (Za 9, 9), les trente pièces d’argent données à Judas (Za 11, 12), et la parole de Jésus : « Je frapperai le pasteur, et les brebis seront dispersées » (Za 13, 7 ; Mt 26, 31).
« Ils regarderont le transpercé », annonçait le prophète. En fait, dans l’évangile, deux groupes ont regardé mourir Jésus et l’ont vu transpercer par la lance du soldat.
D’abord ses ennemis, vaincus par cette mort qu’ils avaient voulue : ils avaient décider d’éliminer Jésus parce que tout le peuple courait après lui (Jn 12, 29), mais - ironie ! - en le crucifiant, ils ont accompli sa prophétie : élevé de terre, il attire maintenant à lui tous les hommes (12, 32).
Puis le groupe du Fiat : Marie, quelques femmes, et le disciple que Jésus aimait, qui est, pour le quatrième évangile, le disciple type. Eux regardent intensément Jésus qui vient de mourir par amour du Père et des hommes. Pour eux, et pour nous qui nous glissons parmi eux, Jésus est suspendu à la croix en accomplissement de ses propres paroles : « Il faut que soit élevé le Fils de l’Homme, pour que tout homme qui croit ait en lui la vie éternelle » (Jn 3, 14-15).
Frères et soeurs, en cette fête du Cœur du Christ, où Dieu notre Père « nous redit les merveilles de son amour pour nous » (oraison de la messe), rejoignons, par la foi, Marie, tout près de la croix. Avec elle, avec les disciples de tous les temps, recueillons le testament spirituel de Jésus, le double héritage que son amour nous a laissé : son sang versé pour nous, que l’Église célèbre en chaque Eucharistie, et l’eau vive de l’Esprit, qui devient « source d’eau pour la vie éternelle ».