
Première lecture
Bien-aimé, souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David : voilà mon Évangile. C’est pour lui que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! C’est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent, eux aussi, le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle.
Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même. Voilà ce que tu dois rappeler, en déclarant solennellement devant Dieu qu’il faut bannir les querelles de mots : elles ne servent à rien, sinon à perturber ceux qui les écoutent. Toi-même, efforce-toi de te présenter devant Dieu comme quelqu’un qui a fait ses preuves, un ouvrier qui n’a pas à rougir de ce qu’il a fait et qui trace tout droit le chemin de la parole de vérité.
Psaume
Seigneur, enseigne-moi tes voies.
Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve.
Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin. Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin.
Les voies du Seigneur sont amour et vérité pour qui veille à son alliance et à ses lois. Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ; à ceux-là, il fait connaître son alliance.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par l’Évangile. Alléluia.
En ce temps-là, un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. » Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger.
Méditer avec les carmes
Enfin un scribe capable de sympathie ! Il l’est, en tout cas, dans l’Évangile de Marc, et tranche, par là, sur les précédents interlocuteurs de Jésus.
Dans son chapitre douzième, Marc a entrepris de présenter quelques thèmes de l’enseignement de Jésus à Jérusalem, et il le fait sous forme de questions disputées. La première, concernant l’impôt dû à César, a été posée par les Pharisiens et les Hérodiens. Une autre question-piège a été concoctée par les Sadducéens, à propos de la femme aux sept maris. Et voici notre scribe qui s’avance. « Il les avait entendus discuter, explique Marc, et voyait que Jésus leur avait bien répondu ». C’est donc parce qu’il se sent d’accord avec Jésus que le scribe l’aborde pour une vraie question : « Quel est le tout-premier commandement, celui qui passe avant tout ? »
Jésus répond, en somme : « Il y a un premier, et il y a un second ». Il faut donc bien admettre une hiérarchie des devoirs. Mais Jésus précise : « Le premier, c’est : Écoute, Israël... » La phrase est brusque, et seul Marc cite ainsi le Shema‘ Israël, l’exhortation venue du Deutéronome (6, 4), avant de continuer : « Tu aimeras ».
« Écoute, Israël... tu aimeras » : le précepte s’adresse à la fois au peuple et à chaque individu, à la personne au sein du peuple.
« Écoute, Israël : le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est unique ! » C’est cette révélation, cette proclamation monothéiste et cette référence à Dieu comme notre Dieu qui vont légitimer le précepte : « Tu aimeras ». Le même appel adressé au peuple entrant dans la terre promise, sera repris, bien des siècles après, par le prophète Zacharie, annonçant les temps messianiques : « Le Seigneur deviendra Roi sur toute la terre : en ce jour-là le Seigneur sera unique et unique son Nom ! " (Za 14, 9).
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et cet amour prendra tout ton être. Tu l’aimeras de tout ton cœur, qui rassemble tout ce qui est en toi compréhension, conscience, sentiment et vouloir. Tu l’aimeras de toute ton âme, avec tout ce qui en toi vit et veut vivre. Tu l’aimeras de toute ton intelligence, sans jamais te lasser de penser Dieu. Tu l’aimeras avec toutes les ressources de ta personne, sans crisper les mains sur ce que Dieu t’a donné. Tu l’aimeras parce qu’il est Dieu, parce qu’il est l’Unique, parce qu’il a parlé à son peuple et qu’il t’a parlé au sein de son peuple. Tu aimeras ton prochain en espérant pour lui ce dont tu rêves pour toi-même ; et c’est d’un même élan que tu aimeras ton Dieu et ton frère. Il n’y a pas de précepte plus grand que ce double amour pour un même cœur.
« Maître, tu as dit vrai », répond le scribe ; et, avec les mots des prophètes, il tire les conclusions ultimes de la pensée de Jésus pour sa foi de fils d’Israël : « Cela vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices ! »
La loyauté du scribe reçoit immédiatement sa récompense : il a reconnu comme vraie l’intuition de Jésus, il a fait sienne son interprétation libérante de la Loi ; Jésus, à son tour, loue sa sagesse et l’encourage : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ! » ; sous-entendu : « il te reste seulement à reconnaître son Envoyé. »
L’acquiescement d’un scribe au message de Jésus prend de court ses opposants. Aucun d’entre eux n’ose plus l’interroger, puisqu’un homme sorti de leurs rangs lui a donné raison.
La portée missionnaire de ce ralliement n’a pas échappé à l’évangéliste saint Marc : ce pas qu’un scribe de Palestine a su faire vers la nouveauté messianique, pourquoi les croyants de la diaspora ne le feraient-ils pas ?
En tout cas, vingt siècles après, l’adhésion de ce scribe à un programme de vie basé résolument sur l’amour vient contester nos lenteurs de disciples du Christ.
Qu’avons-nous soustrait, de notre cœur, de notre pensée, de nos ressources humaines, à l’amour du Maître qui devait tout prendre ?
Mais aussi, de quels sacrifices rêvons-nous, de quelles prestations pour le Royaume, de quelles œuvres mesurables, si nous avons cessé de rêver au bonheur du frère tout proche ? Disciples du Christ, nous savons non seulement quel est le nom de Dieu, mais jusqu’où est allé pour nous l’amour du Dieu unique. Le commandement d’aimer nous parvient maintenant par la voix de Jésus, qui s’est livré pour nous. À chaque Eucharistie, c’est le Ressuscité qui nous réunit et qui dit à chacun : « Tu aimeras ; les paroles que je te prescris aujourd’hui resteront dans ton cœur ».
Frères et sœurs, la liberté et l’allégresse que nous apporte l’Esprit Saint doivent nous aider à réentendre le premier appel, la voix du Dieu Unique intensément présent à l’histoire, à notre histoire. Aujourd’hui encore, pour nous détacher des idoles de nos mains ou de notre cœur, le Seigneur nous redit ce qu’il proclamait par le prophète Osée :
« C’est moi qui te réponds et te regarde, c’est moi qui te donne ton fruit ! " (Os 14, 9) Comment pourrions-nous faire attendre son amitié ? Comment pourrions-nous rester loin du Royaume ?
Aujourd’hui comme au premier jour un chemin nous est offert pour lui répondre : le sentier de la fidélité, que saint Paul, il y a un instant, résumait ainsi pour son cher Timothée :
« Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme qui a fait ses preuves, comme un ouvrier qui n’a pas à rougir, et qui trace tout droit le chemin pour la parole de vérité » (2 Tim 2, 15).