Sainte Thérèse mène François Tagnard à la Trappe
En novembre 1930, dans le sud de la France, François Tagnard se rétablit dans une maison de santé. Cela fait douze ans qu’il s’est éloigné de la foi catholique. Mais, la présence d’une chapelle dans l’établissement le conduit à y mettre les pieds, un peu par hasard et un peu malgré lui. À partir de là, c’est sainte Thérèse de Lisieux, morte trente-trois ans plus tôt, qui se chargera d’être le guide de sa conversion. À peine quatre ans plus tard, en 1934, celui qui considérait autrefois les prêtres « comme des gens dangereux » entre au monastère trappiste d’Aiguebelle.
Les raisons d'y croire
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François Tagnard est franc-maçon depuis plusieurs années. La spiritualité véhiculée par la franc-maçonnerie et le relativisme religieux qu’elle promeut éloignent de l’Église. À ce moment de sa vie, il est donc très loin de la foi chrétienne.
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Pourtant, il est témoin dans la chapelle d’une scène qui le bouleverse. « Une jeune fille admirablement belle s’y tient agenouillée, un voile noir sur la tête qui est légèrement rejetée en arrière. Ses yeux brillants et d’une profondeur inconnue regardent en haut. » Leurs regards se croisent et François témoigne d’être « remué d’une façon curieuse et inexplicable ».
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François décide de questionner le prêtre au sujet de la jeune fille : la chapelle n’étant pas très fréquentée, il devrait savoir de qui il s’agit. Pourtant le prêtre n’a vu personne ce jour-là, et la description donnée par François ne lui évoque personne en particulier.
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Le lendemain, François rend visite à un résident de la maison de santé. C’est la première fois qu’il entre dans cette chambre, et c’est donc aussi la première fois qu’il voit le grand tableau qui décore un des murs. Une « religieuse idéalement pure, tenant dans ses bras un crucifix qu’elle entoure de roses », y est représentée. François, ébahi, s’exclame : « Mais la voilà, ma jeune fille ! »
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À cette époque, François ne connaît pas sainte Thérèse de Lisieux. Il ne sait quel nom associer au portrait qu’il découvre. Puisqu’il n’est pas familier de la physionomie de la religieuse, il n’aurait pas pu halluciner une vision d’elle en train de prier.
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Il serait étrange que François se soit trompé en croyant reconnaître en ce portrait une autre jeune fille bien réelle, car le souvenir est tout frais. François ne montre d’ailleurs pas la moindre hésitation ; son exclamation est immédiate et sincère. Comme François est tout le contraire d’un croyant exalté, ce serait étonnant sur le plan psychologique que son esprit lui joue un tour pareil.
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François est donc convaincu qu’il s’agit d’une apparition, et il débute là son chemin de conversion : prière, lecture de l’Évangile, etc. Il rencontre des difficultés personnelles importantes – sa femme le quitte, il perd sa fortune –, sans que cela remette en cause son chemin vers le Christ, ce qui est gage de l’authenticité de sa conversion.
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Il est fatigué de se voir retomber sans cesse dans ses travers malgré son aspiration à mener une vie vertueuse. Après avoir lu l’autobiographie Histoire d’une âme, il choisit de se mettre à l’école de sainte Thérèse en suivant sa « petite voie ». Il ne cherche plus à lutter avec ses propres forces et met toute sa confiance dans le Seigneur. François décrit un « déclic spirituel » qui est commun à beaucoup d’autres personnes qui ont choisi de suivre la spiritualité thérésienne vers Jésus.
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François décide de se consacrer entièrement aux œuvres de Dieu. Cette radicalité dans le don témoigne à la fois de la véracité de sa conversion et de la beauté du christianisme, qui est une religion d’amour. Un chanoine témoigne à propos de François : « Il s’est dépouillé de tous ses biens et vit pauvre au service des vieux prêtres » dans une maison de retraite pour prêtres de la région de Toulon
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François Tagnard devient frère convers en août 1934. Le fait qu’il entre dans un monastère renforce la crédibilité d’un parcours spirituel sincère, et donc la réalité de l’apparition qui a déclenché sa conversion, qui était sinon hautement improbable.
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Il témoigne de son amitié spirituelle avec sainte Thérèse de Lisieux, qui le guide au quotidien. « Il m’arrive fréquemment dans un de mes emplois d’avoir des travaux mécaniques assez difficiles pour moi, qui suis très maladroit ; je n’y arrive que lorsque je lui ai demandé de m’aider […]. Si, par hasard, j’agis seul, et veux faire l’indépendant, sans lui avoir demandé de m’aider, je suis certain de me tromper ou de faire une maladresse. J’oublie ce que j’ai à faire, mais, après, elle me montre très simplement. »
En savoir plus
François Tagnard interprète la vision de sainte Thérèse comme un véritable appel. « Elle voulait me montrer d’une façon précise que je ne devais plus m’attacher en rien aux choses de la terre, mais au contraire ne plus penser qu’à celles de Dieu, et que là seulement étaient le vrai bonheur et la vraie joie. » Secoué par cette expérience intérieure, il se met à prier et entreprend une démarche de conversion profonde.
Il reconnaît d’ailleurs que c’est Thérèse elle-même qui joue un rôle déterminant dans son retour à Dieu. Pour lui, la jeune carmélite devient une présence active et familière sur son chemin de foi.
Docteur de l’Église depuis 1997, sainte Thérèse de Lisieux l’est devenue en raison de la profondeur théologique et de la clarté spirituelle de ses écrits, accessibles à tous malgré leur densité. Sa célèbre « petite voie » consiste à chercher la sainteté non par de grandes œuvres spectaculaires, mais dans les petits actes du quotidien, accomplis avec amour, humilité et confiance absolue en la miséricorde de Dieu. Pour les croyants et pour François, cette voie simple ouvre une spiritualité universelle : elle montre que la sainteté se vit au cœur même de la vie ordinaire, dans la confiance enfantine et l’amour offert à chaque instant.
Soutenue par cette présence spirituelle, la vie de François prend un tournant décisif. En août 1934, il rejoint le monastère trappiste Notre-Dame d’Aiguebelle. Avec le recul, il comprend que c’était là que Thérèse voulait le conduire : « Je le vois maintenant, elle me voulait dans la vie religieuse, revêtu du saint habit de bure, et acquérant par mes vœux un trésor dans le Ciel. Je ne pourrai jamais assez lui prouver ma reconnaissance. »
Thérèse n’a pas seulement guidé François Tagnard vers la conversion et la découverte de sa vocation religieuse : il va continuer de prier sa « chère petite sainte » plusieurs fois par jour, trouvant en elle un soutien constant et fidèle.
Solveig Parent
Au delà
De nombreux témoignages, anciens et contemporains, rapportent les grâces et les conversions attribuées à l’intercession de Thérèse. Le carmel de Lisieux, à travers un patient travail d’archives, rassemble une documentation impressionnante : lettres, récits, expériences spirituelles provenant du monde entier. Cet ensemble montre, avec une remarquable cohérence, combien la figure de Thérèse continue d’inspirer, de consoler et de transformer des vies.
Aller plus loin
Camille Burette, Pluie de roses, les plus beaux miracles de Thérèse de Lisieux, tome 2, Éditions de l’Emmanuel, 2025.
En complément
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L’article d’Aleteia : « François Tagnard, de la franc-maçonnerie à la Trappe après une vision de sainte Thérèse ».
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Le site très riche des archives du carmel de Lisieux .
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