
La petite Thérèse et le grand criminel : victoire de la prière sur le mal
La sainteté de Thérèse de l’Enfant-Jésus a été reconnue par l’Église après un procès rigoureux, appuyé sur de nombreux miracles authentifiés. Canonisée en 1925, elle est à l’origine de conversions, de guérisons et de vocations innombrables sur tous les continents. À treize ans déjà, la jeune Thérèse décide d’offrir ses prières pour la conversion d’un meurtrier condamné à mort, Henri Pranzini. Animée d’une foi confiante et d’un amour brûlant, elle mobilise tous les trésors spirituels de l’Église pour sauver cette âme. Juste avant d’être exécuté, et contre toute attente, ce terrible criminel manifeste son repentir. Ce premier « enfant spirituel » inaugure une fécondité missionnaire exceptionnelle pour sainte Thérèse. Elle devient ainsi le témoin de la puissance de la prière et de la miséricorde divine. Comme celle de Jésus, sa vie manifeste que l’amour offert dans l’humilité peut vraiment sauver les âmes et changer le monde.
Les raisons d'y croire
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Les meurtres commis par Pranzini comptent parmi les plus atroces de la France du XIXe siècle. Le 17 juillet 1887, il est condamné pour avoir égorgé et mutilé deux femmes et une enfant pour leur voler des bijoux. Son attitude provocante et son absence de remords tout au long du procès montrent un homme endurci, froid et manipulateur.
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Avant son exécution, il refuse catégoriquement la confession et la communion, malgré la présence d’un aumônier, ce qui montre un endurcissement spirituel réel et profond.
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Thérèse n’éprouve pourtant ni haine ni désir de condamnation pour ce criminel notoire. Elle choisit au contraire de le confier au Seigneur dans sa prière, d’offrir pour sa conversion ses efforts quotidiens et de faire dire des messes pour lui. « J’entendis parler d’un grand criminel qui venait d’être condamné à mort pour des crimes horribles ; tout portait à croire qu’il mourrait dans l’impénitence. Je voulus à tout prix l’empêcher de tomber en enfer. » Elle montre ainsi que la miséricorde chrétienne n’a pas de limite et s’étend jusqu’aux situations les plus sombres.
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Devant l’échafaud, Pranzini effectue un geste spectaculaire : juste avant de mourir, il saisit et embrasse un crucifix qu’avait dans les mains un prêtre qui se tenait en retrait derrière lui. Le meurtrier, jusque-là imperméable à la grâce, se retrouve in extremis transformé par celle-ci.
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Ce geste, accompli sans contrainte, à la dernière minute et avec une forte charge émotionnelle, est reconnu comme un authentique acte de repentir. Or, précisément, Thérèse avait très humblement demandé à Dieu, avec confiance, un « signe » de la conversion de Pranzini. « Ma prière avait été exaucée jusqu’au détail », se réjouit Thérèse.
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Ce récit véridique illustre de manière exemplaire la doctrine catholique, selon laquelle les membres du Corps du Christ, unis dans la charité, peuvent intercéder les uns pour les autres, y compris pour ceux qui semblent perdus. C’est le dogme de la communion des saints. La prière fervente, unie à la messe et à l’offrande des mérites du Christ, obtient des grâces de conversion même pour les pécheurs les plus endurcis. Cela confirme la puissance spirituelle que l’Église attribue à la prière d’intercession.
En savoir plus
Voici l’histoire de la première « conquête spirituelle » de sainte Thérèse : un terrible criminel nommé Henri Pranzini. Âgé de trente-neuf ans, Pranzini séduit une femme parisienne, qu’il assassine, ainsi que sa petite fille, qu’il décapite. Il vole ses bijoux et prend la fuite. Quelques jours plus tard, il est arrêté dans une maison close, alors qu’il tente de payer avec les bijoux volés. Pranzini est alors condamné à mort et son histoire fait la une des journaux.
Pendant ce temps, Thérèse reçoit une grande grâce : « Ce fut le 25 décembre 1886 que je reçus la grâce de sortir de l’enfance, en un mot la grâce de ma complète conversion. En cette nuit de lumière commença la troisième période de ma vie, la plus belle de toutes, la plus remplie des grâces du Ciel… Comme ses apôtres, je pouvais dire au Seigneur : "Seigneur, j’ai pêché toute la nuit sans rien prendre" ( Lc 5,4-10 ). Plus miséricordieux encore pour moi qu’il ne le fut pour ses disciples, Jésus prit lui-même le filet, le jeta et le retira rempli de poissons… Il fit de moi un pêcheur d’âmes, je sentis un grand désir de travailler à la conversion des pécheurs. »
Devenue « adulte dans la foi », sainte Thérèse ressent au plus profond de son cœur l’appel adressé à tous les baptisés : travailler aux côtés du Seigneur au salut des âmes et à la conversion des pécheurs. D’une maturité spirituelle remarquable pour son âge, Thérèse comprend que, si cette mission est universelle, chacun y est appelé selon une voie propre. Quelques jours plus tard, la sienne commence à se préciser : « Un dimanche, en regardant une photographie de Notre-Seigneur en Croix, je fus frappée par le sang qui tombait d’une de ses mains divines ; j’éprouvai une grande peine en pensant que ce sang tombait à terre sans que personne ne s’empresse de le recueillir, et je résolus de me tenir en esprit au pied de la croix pour recevoir la divine rosée qui en découlait, comprenant qu’il me faudrait ensuite la répandre sur les âmes… » Telle est la mission de Thérèse : recueillir le sang rédempteur du Christ pour le répandre sur les âmes des pauvres pécheurs.
C’est alors qu’elle choisit la première personne qui sera l’objet de ses attentions spirituelles : Pranzini. « Afin d’exciter mon zèle, le Bon Dieu me montra qu’il avait mes désirs pour agréables. J’entendis parler d’un grand criminel qui venait d’être condamné à mort pour des crimes horribles : tout portait à croire qu’il mourrait dans l’impénitence. Je voulus à tout prix l’empêcher de tomber en enfer. Afin d’y parvenir, j’employai tous les moyens imaginables ; sentant que de moi-même je ne pouvais rien, j’offris au Bon Dieu tous les mérites infinis de Notre Seigneur, les trésors de la Sainte Église, enfin je priai Céline de faire dire une messe dans mes intentions, n’osant pas la demander moi-même dans la crainte d’être obligée d’avouer que c’était pour Pranzini, le grand criminel. Je ne voulais pas non plus le dire à Céline, mais elle me fit de si tendres et si pressantes questions que je lui confiai mon secret. Bien loin de se moquer de moi, elle me demanda de m’aider à convertir mon pécheur. J’acceptai avec reconnaissance, car j’aurais voulu que toutes les créatures s’unissent à moi pour implorer la grâce du coupable. Je sentais au fond de mon cœur la certitude que nos désirs seraient satisfaits, mais afin de me donner du courage pour continuer à prier pour les pécheurs, je dis au Bon Dieu que j’étais bien sûre qu’il pardonnerait au pauvre malheureux Pranzini, que je le croirais même s’il ne se confessait pas et ne donnait aucune parole de repentir, tant j’avais de confiance en la miséricorde infinie de Jésus, mais que je lui demandais seulement "un signe" de repentir pour ma simple consolation… »
La petite Thérèse s’efforce alors d’employer les moyens que le Seigneur a confiés à son Église pour obtenir des grâces : la prière et le sacrifice, en particulier le sacrement qui les unit de façon parfaite, la sainte messe. En récompense de ses efforts, et surtout de son amour pour le pécheur, Thérèse aura son signe.
« Ma prière fut exaucée à la lettre ! Malgré la défense que Papa nous avait faite de lire aucun journal, je ne croyais pas désobéir en lisant les passages qui parlaient de Pranzini. Le lendemain de son exécution, je trouve sous ma main le journal La Croix. Je l’ouvre avec empressement et que vois-je ? Ah ! mes larmes trahirent mon émotion et je fus obligée de me cacher… Pranzini ne s’était pas confessé, il était monté sur l’échafaud et s’apprêtait à passer sa tête dans le lugubre trou, quand, tout à coup, saisi d’une inspiration subite, il se retourne, saisit un crucifix que lui présentait le prêtre et baise par trois fois ses plaies sacrées ! Puis son âme alla recevoir la sentence miséricordieuse de celui qui déclare qu’au Ciel il y aura plus de joie pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence ! »
Thérèse de l’Enfant-Jésus est proclamée docteur de l’Église en 1997 pour la grandeur de sa doctrine spirituelle, centrée sur la « petite voie » de confiance et d’abandon. Cette approche rompait avec certains restes de jansénisme et a redonné à des millions de fidèles l’espérance d’une sainteté accessible à tous.
Pranzini fut loin d’être le dernier à bénéficier de l’intercession de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Jusqu’à aujourd’hui, sainte Thérèse ne cesse de prier pour nous et pour nos intentions. Des milliers de conversions, de vocations, de guérisons, de miracles intérieurs et extérieurs ont été obtenus par son intercession. Une véritable pluie de grâces s’est abattue sur l’Église, comme Thérèse elle-même l’avait annoncé : « Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre… Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. »
En Thérèse, le Seigneur offre une preuve vivante que la foi chrétienne est vraie et féconde : c’est la promesse du Christ qui continue de s’accomplir : la prière confiante et le sacrifice humble possèdent une puissance immense. L’amour offert, uni à la croix, sauve les âmes et transforme le monde, tel est le cœur du message de Jésus.
Antoine de Montalivet a étudié la philosophie et la théologie au séminaire diocésain de Fréjus-Toulon.
Au delà
L’histoire de Pranzini incarne cette parole de Jésus : « Il y aura plus de joie dans le Ciel pour un seul pécheur qui se convertit que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion » ( Lc 15,7 ). Elle témoigne aussi de cette vérité biblique : « Rien n’est impossible à Dieu » ( Lc 1,37 ).
Aller plus loin
Les manuscrits autobiographiques de la petite Thérèse peuvent être trouvés compilés dans Histoire d’une âme.
En complément
Dans le Catéchisme de l’Église catholique (CEC) :
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La miséricorde de Dieu et la prière pour les grands pécheurs : CEC 982, 1037, 2839.
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Le repentir de dernière minute : CEC 1470, 1035-1036.
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La communion des saints et l’intercession mutuelle : CEC 946-962, 957-958.
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La puissance de la prière, unie au sacrifice du Christ : CEC 2741, 2634, 1368.
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Le sang du Christ comme source de salut : CEC 601, 1365, 1425.