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© Shutterstock/Olena Kibryk
Les martyrs
Slovaquie
Nº 694
1888 – 1960

La fidélité incassable de Pavel Gojdic pour le Christ

Le bienheureux Pavel Gojdic, évêque grec-catholique slovaque, est un géant de la foi au cœur des ténèbres du XXe siècle. Moine humble et pasteur infatigable, il sauve des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, au péril de sa vie. Quand le régime communiste veut soumettre l’Église, il refuse de trahir Rome, acceptant l’humiliation, la torture et la condamnation à la prison à vie. Il meurt en détention le jour de ses soixante-douze ans, le 17 juillet 1960, en offrant tout par amour du Christ, comme le dit sa devise : « Dieu est amour, aimons-le ! » Il est béatifié en 2001 par le pape Jean-Paul II.


Les raisons d'y croire

  • Il est surnommé l’« homme au cœur d’or », car il est proche des plus nécessiteux, au niveau matériel et spirituel. Durant la Seconde Guerre mondiale, il s’active à protéger la population juive ; son engagement est reconnu puisqu’il sera honoré à titre posthume par Yad Vashem, le mémorial de la Shoah, comme « Juste parmi les nations ». La foi de Pavel est donc cohérente, incarnée dans une charité qui se vit de façon très concrète.

  • Après la guerre, ceux que Gojdic a sauvés comprennent qu’il sera persécuté par le régime communiste, et ils lui proposent de l’aider à fuir en Occident. Il refuse, choisissant de rester fidèle à sa mission d’évêque, coûte que coûte, car le pasteur n’abandonne pas son troupeau.

  • Lorsque le parti communiste prend le pouvoir, les autorités lui demandent de soumettre l’Église grecque-catholique à l’Église orthodoxe russe, contrôlée par le régime communiste. Devant son refus, par fidélité au pape, il est emprisonné et, en 1951, jugé pour haute trahison et condamné à perpétuité. Pavel Gojdic savait très bien ce que sa décision impliquait, mais il n’a jamais cédé. Personne n’accepterait la prison, l’isolement et la mort sans être fermement convaincu que l’Église catholique détient la plénitude de la vérité.

  • Durant ses treize années de détention, Pavel Gojdic ne renie jamais sa foi et persiste sans compromis dans sa fidélité au Christ. Il aurait pu sortir de prison bien des fois, comme lorsqu’on lui propose de devenir patriarche de l’Église orthodoxe de Tchécoslovaquie, mais il refuse. Jusqu’à son dernier souffle, il célèbre la liturgie, prie et garde une paix intérieure remarquable. Ce courage inébranlable est la preuve d’une espérance théologale réelle, et non d’un simple attachement idéologique.

  • En prison, Pavel Gojdic est traité avec une extrême cruauté : il est privé de soins médicaux, battu, isolé… Et pourtant, il n’a jamais exprimé de haine envers ses bourreaux ; au contraire, il prie pour ses geôliers et les bénit. Ce comportement – le pardon donné à ses persécuteurs – va à l’encontre des instincts humains normaux. Il manifeste une charité surnaturelle, fruit d’une foi vivante.


En savoir plus

Pavel Peter Gojdic naît le 17 juillet 1888 en Slovaquie, dans une famille modeste et profondément croyante. Son père est prêtre de l’Église grecque-catholique ruthène – Église dont la tradition autorise le mariage des prêtres. Très tôt, Pavel ressent l’appel du sacerdoce. Alors qu’il est encore séminariste, Pavel Gojdic est profondément marqué par un conseil de son directeur spirituel : « La vie n’est pas difficile, mais elle est une affaire sérieuse. » Ces mots demeureront pour lui une ligne de conduite tout au long de sa vie.

Après des études à Presov, puis à Budapest, il est ordonné prêtre le 27 août 1911 : il a vingt-deux ans. Il commence son ministère auprès de son père, puis devient recteur du séminaire, archiviste diocésain et enfin directeur de la curie en 1919. À la surprise générale, il entre à trente-cinq ans, en 1922, dans l’ordre monastique basilien. Il y est poussé par le désir d’une vie humble et ascétique. Lorsque, cinq ans plus tard, il est nommé évêque, ce n’est donc pas le fruit d’un carriérisme ecclésiastique, puisque, au contraire, Pavel a fui les honneurs en choisissant une vie reculée. Cette humilité profonde ne le quittera pas, même dans les plus hautes charges.

Il reçoit la consécration épiscopale à Rome, dans la basilique San Clemente, le 25 mars 1927. En visite à la basilique Saint-Pierre, il prie sur la tombe de l’apôtre Pierre. Le pape Pie XI le reçoit en audience et lui remet une croix en or en déclarant : « Cette croix n’est qu’un faible symbole des lourdes croix que Dieu vous enverra, mon fils, dans votre ministère épiscopal. » Lors de son installation en tant qu’évêque, il résume son programme pastoral par ces mots : « Avec l’aide de Dieu, je veux être le père des orphelins, le soutien des pauvres et le consolateur des affligés. »

En véritable pasteur, il s’attache à raviver la vie spirituelle des fidèles et du clergé. Il veille à la qualité de la liturgie, fonde de nouvelles paroisses (à Prague, Bratislava, Levoca...), un orphelinat, une école gréco-catholique (Presov, 1936), et soutient séminaires, académies et collèges. Il encourage la lecture spirituelle et fonde plusieurs publications, ainsi que des recueils de prières.

Son amour pour le Christ eucharistique le pousse à passer de longs moments en prière dans la chapelle de sa résidence. Sa dévotion au Sacré Cœur, scellée dès le séminaire, s’exprime à travers cette offrande quotidienne : « Toutes mes prières, mes sacrifices et mes croix, je les offre pour réparer les péchés du monde entier. » Profondément marial, il prie chaque jour devant l’icône de la Vierge de Klokocov, à laquelle il confie son diocèse.

Son diocèse réunit des fidèles d’origines et de langues diverses : Slovaques, Ruthènes, Ukrainiens et Hongrois. Il travaille avec zèle à unir ces communautés, malgré les tensions nationalistes qui s’accentuent à partir de 1938, avec l’autonomie puis l’indépendance de la Slovaquie, sous influence fasciste. Son attitude, jugée trop pacificatrice, est mal vue par le pouvoir en place et par certains prêtres influencés par le nationalisme slovaque.

Dès le début de la persécution des Juifs, Gojdic prend une position courageuse et claire. En janvier 1939, il adresse une lettre à toutes les paroisses, dénonçant les mesures discriminatoires et rappelant que chaque personne, quelle que soit sa religion ou son origine, est égale devant Dieu. Il avertit contre le poison du racisme et du nazisme. Il protège la population juive en fournissant des certificats de baptême, en cachant des centaines d’entre eux dans des monastères ou en les aidant à fuir la région.

Le 13 avril 1939, il est nommé administrateur apostolique de Mukacevo. Dans le contexte politique tendu de la Slovaquie, il devient vite une figure dérangeante pour les autorités. En 1946, il est confirmé dans sa juridiction sur tous les gréco-catholiques de Tchécoslovaquie – ce qui renforce encore son opposition au régime. L’élan pastoral initié par Mgr Gojdic est brutalement freiné par l’arrivée du régime communiste en 1948. Refusant fermement de soumettre l’Église gréco-catholique à l’orthodoxie russe contrôlée par l’État, il devient une cible. Malgré les menaces, il reste inébranlable : « J’ai soixante-deux ans. Je suis prêt à sacrifier mes biens, ma maison, mais jamais je ne renierai ma foi. Je veux sauver mon âme. »

Le 28 avril 1950, après la suppression officielle de l’Église gréco-catholique, il est arrêté. Il entame alors un long chemin de croix à travers les prisons tchèques et slovaques. Jugé pour « haute trahison » en janvier 1951, il est condamné à la perpétuité et privé de ses droits civiques. En prison, il subit sévices, humiliations et travaux forcés. Il ne se plaint jamais, prie et célèbre la liturgie clandestinement. En 1953, sa peine est commuée à vingt-cinq ans, mais il refuse toujours toutes les propositions de libération conditionnelle en échange d’une rupture avec Rome. À ses codétenus, il confie humblement : « Je ne sais pas si cela vaut la peine d’échanger la couronne du martyre contre deux ou trois ans de liberté. Je laisse Dieu en décider. »

En 1958, le pape Pie XII lui envoie un message de soutien à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire.

Le 17 juillet 1960, jour de son soixante-douzième anniversaire, Mgr Gojdic meurt à l’hôpital pénitentiaire de Leopoldov, des suites des mauvais traitements.

Mgr Pavel Gojdic est réhabilité légalement en 1990. Béatifié par le pape Jean-Paul II en 2001, il est aujourd’hui honoré comme martyr de la foi, témoin lumineux (jusqu’à son dernier souffle) de fidélité, d’humilité et de charité. En2007, il est reconnu Juste parmi les nations par Yad Vashem.

Sophie Stevenson, normalienne diplômée en histoire.


Aller plus loin

La documentation officielle liée à la béatification de Gojdic ( biographique très bien documentée et l’homélie de Jean-Paul II pour sa béatification).


En complément

  • Bishop Paul P. Gojdich, O.S.B.M.: Our Valiant Confessor of the Faith, publié par le Byzantine Catholic Seminary, 1987.

  • Sur le site Internet du Mémorial de Yad Vashem , l’article « Gojdic Pavel » : compte rendu précis de ses actions héroïques durant l’Holocauste, de ses protestations écrites, de ses conversions pour sauver des familles juives et de sa reconnaissance officielle en 2007.

  • Sur le site Internet Give Us This Day, l’article « Blessed Paul Peter Gojdic ».

  • Sur le site Internet Santi e Beati, « Beato Paolo (Pietro) Gojdic ».

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