Petites lunes

Thérèse achève sa lettre à Marie du Sacré Cœur, avant le texte de sa prière adressée au Seigneur, par ces deux lignes.

« (En écrivant, c'est à Jésus que je parle, cela m'est plus facile pour exprimer mes pensées.... Ce qui, hélas! n'empêche pas qu'elles soient mal exprimées !) »

Que se passe-t-il entre parenthèses ? Habituellement, ce que nous y plaçons est volontairement mis de côté, car cela nous distrairait de l'essentiel. Parfois, ce que nous y posons n'a rien d'immédiatement nécessaire et pourrait nous freiner pour aller droit au but. Au contraire, nous ouvrons aussi des parenthèses pour nous permettre de développer un point nécessaire et éclaircissant pour la compréhension de notre propos ; et quelquefois, cette parenthèse commande d'autres parenthèses car une précision peut en appeler une autre... Au risque, cette fois, de perdre de vue le but recherché. Enfin, nous nous mettons parfois entre parenthèses par peur de trop dire ou de mal dire, de trop faire ou de mal faire. En fait, ces parenthèses rythment nos mots comme si elles scandaient nos vie : plus vite, moins vite ou au repos!

Sainte Thérèse dessine aussi des parenthèses : ce qu’Érasme appelait avec poésie des "petites lunes", l'une concave '(' et l'autre convexe ')'. Avec ces parenthèses la carmélite s'accorde un lieu secret, précieux comme un écrin. Elle y dépose une confidence, l'une de ses arcanes les plus intimes : ce Jésus qu'elle sait être la vérité (Jn 14,6) lui permet de dire ce quelle vit en vérité. Thérèse s'adressera donc à Jésus : pas de danger de trop en dire, de mal dire ou de se censurer. Elle parle au Verbe Vrai comme à un époux, avec le langage d'une fidélité amoureuse et reconnaissante.

Comment est-ce que je m'adresse au Seigneur dans ma prière ? Avec autant de simplicité que Thérèse ?