Fable pour étrennes : Méduse médusée

« Aussi longtemps que tu le voudras, ô mon Bien-Aimé, ton petit oiseau restera sans forces et sans ailes, toujours il demeurera les yeux fixés sur toi, il veut être fasciné par ton regard divin, il veut devenir la proie de ton Amour... »

Bien que décollée par Persée, avant les temps historiques dans de lointaines mythologies méditerranéennes, Méduse n'en finit pas de hanter la culture occidentale par la puissance néantissante de son regard. Même si, dans les dernières années du XIXème siècle, son visage s'adoucit. Ainsi, n'étaient ses cheveux serpentins et ses yeux hypnotisant, le portrait qu'en donne, en 1892, la toile de Franz Von Stuck, conservée dans la Gentil-Haus d'Ascibourg, en Bavière, embellit la sinistre gorgone. C'est moins sa laideur enchantée que sa mélancolique beauté qui la rendrait vénéneuse. Comme si elle avait délavé son aura dans les eaux de l'Ondine de La Mothe-Fouqué. L'une, Méduse, se serait embellie de ce que l'autre, la légendaire Ondine, aura perdu de son innocence surnaturelle. La jolie nixe a joué trop obstinément à la vertueuse épouse d'un mortel, aussi noble soit-il. Il lui faudra le tuer pour lui rester fidèle. Voilà donc, peut-être, le coût de cette jouvence retrouvée pour le monstre mythique dans les forêts danubiennes. Aimer ou occire, triste échange pour celui qui cherche une constance dans ces récits héroïques aussi immémoriaux que fabuleux.

Mais où durer, si, ni le mythe, ni la légende, ne soutiennent quand les « forces » manquent ? Reste, pour réveiller un « Aussi longtemps », l'espace biblique où, bien que Dieu s'y révèle comme impossible à voir sans mourir (Ex 33, 20), sainte Thérèse a su s'installer « les yeux fixés sur » lui. Elle sait en payer le coût : « devenir la "proie" de "son" Amour ». Car c'est bien Lui, Amour, l'ambassadeur de l’Éternel invisible : « je fais grâce à qui je veux, je montre ma tendresse à qui je veux » (Ex 33, 19). Aimer et mourir, bel échange pour celui qui cherche une constance dans le récit biblique.

Où est ma Bible ? Est-elle ouverte ou fermée ? Si oui, à quelle page ?