
Première lecture
En ces jours-là, un messager vint annoncer à David : « Le cœur des hommes d’Israël a pris parti pour Absalom. » Alors David dit à tous ses serviteurs, qui étaient avec lui à Jérusalem : « Debout, fuyons ! Autrement nous n’échapperons pas à Absalom. Vite, partez ! Sans quoi, il nous gagnera de vitesse, il nous précipitera dans le malheur et passera la ville au fil de l’épée. »
David montait par la montée des Oliviers ; il montait en pleurant, la tête voilée ; il marchait pieds nus. Tous ceux qui l’accompagnaient avaient la tête voilée ; et ils montaient en pleurant. Comme le roi David atteignait Bahourim, il en sortit un homme du même clan que la maison de Saül. Il s’appelait Shiméï, fils de Guéra. Tout en sortant, il proférait des malédictions. Il lançait des pierres à David et à tous les serviteurs du roi, tandis que la foule et les guerriers entouraient le roi à droite et à gauche. Shiméï maudissait le roi en lui criant : « Va-t’en, va-t’en, homme de sang, vaurien ! Le Seigneur a fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül dont tu as usurpé la royauté ; c’est pourquoi le Seigneur a remis la royauté entre les mains de ton fils Absalom. Et te voilà dans le malheur, car tu es un homme de sang. » Abishaï, fils de Cerouya, dit au roi : « Comment ce chien crevé peut-il maudire mon seigneur le roi ? Laisse-moi passer, que je lui tranche la tête. » Mais le roi répondit : « Que me voulez-vous, fils de Cerouya ? S’il maudit, c’est peut-être parce que le Seigneur lui a ordonné de maudire David. Alors, qui donc pourrait le lui reprocher ? » David dit à Abishaï et à tous ses serviteurs : « Même celui qui est mon propre fils s’attaque à ma vie : à plus forte raison ce descendant de Benjamin ! Laissez-le maudire, si le Seigneur le lui a ordonné. Peut-être que le Seigneur considérera ma misère et me rendra le bonheur au lieu de sa malédiction d’aujourd’hui. »
David et ses hommes continuèrent leur chemin.
Psaume
Lève-toi, Seigneur ! Sauve-moi, mon Dieu !
Seigneur, qu’ils sont nombreux mes adversaires, nombreux à se lever contre moi, nombreux à déclarer à mon sujet : « Pour lui, pas de salut auprès de Dieu ! »
Mais toi, Seigneur, mon bouclier, ma gloire, tu tiens haute ma tête. À pleine voix je crie vers le Seigneur ; il me répond de sa montagne sainte.
Et moi, je me couche et je dors ; je m’éveille : le Seigneur est mon soutien. Je ne crains pas ce peuple nombreux qui me cerne et s’avance contre moi.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus et ses disciples arrivèrent sur l’autre rive, de l’autre côté de la mer de Galilée, dans le pays des Géraséniens. Comme Jésus sortait de la barque, aussitôt un homme possédé d’un esprit impur s’avança depuis les tombes à sa rencontre ; il habitait dans les tombeaux et personne ne pouvait plus l’attacher, même avec une chaîne ; en effet on l’avait souvent attaché avec des fers aux pieds et des chaînes, mais il avait rompu les chaînes, brisé les fers, et personne ne pouvait le maîtriser. Sans arrêt, nuit et jour, il était parmi les tombeaux et sur les collines, à crier, et à se blesser avec des pierres. Voyant Jésus de loin, il accourut, se prosterna devant lui et cria d’une voix forte : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’adjure par Dieu, ne me tourmente pas ! » Jésus lui disait en effet : « Esprit impur, sors de cet homme ! » Et il lui demandait : « Quel est ton nom ? » L’homme lui dit : « Mon nom est Légion, car nous sommes beaucoup. » Et ils suppliaient Jésus avec insistance de ne pas les chasser en dehors du pays. Or, il y avait là, du côté de la colline, un grand troupeau de porcs qui cherchait sa nourriture. Alors, les esprits impurs supplièrent Jésus : « Envoie-nous vers ces porcs, et nous entrerons en eux. » Il le leur permit. Ils sortirent alors de l’homme et entrèrent dans les porcs. Du haut de la falaise, le troupeau se précipita dans la mer : il y avait environ deux mille porcs, et ils se noyaient dans la mer. Ceux qui les gardaient prirent la fuite, ils annoncèrent la nouvelle dans la ville et dans la campagne, et les gens vinrent voir ce qui s’était passé. Ils arrivent auprès de Jésus, ils voient le possédé assis, habillé, et revenu à la raison, lui qui avait eu la légion de démons, et ils furent saisis de crainte. Ceux qui avaient vu tout cela leur racontèrent l’histoire du possédé et ce qui était arrivé aux porcs. Alors ils se mirent à supplier Jésus de quitter leur territoire. Comme Jésus remontait dans la barque, le possédé le suppliait de pouvoir être avec lui. Il n’y consentit pas, mais il lui dit : « Rentre à la maison, auprès des tiens, annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde. » Alors l’homme s’en alla, il se mit à proclamer dans la région de la Décapole ce que Jésus avait fait pour lui, et tout le monde était dans l’admiration.
Méditer avec les carmes
Jésus traverse le lac en direction de l’Est, et il arrive en plein pays païen, où les gens, contrairement à la Loi juive, élèvent des porcs en quantité.
Dans cette région hostile, il ne va pas tenter une prédication devant les foules. Il va s’occuper uniquement du premier malheureux qui se présente. C’est à la fois un malade mental et un possédé, et comme souvent, il est impossible de tracer une frontière entre la maladie et l’emprise du démon.
Mais Jésus va le guérir, pour montrer le pouvoir qu’il a, en tant que Fils de Dieu, sur les puissances du mal qui travaillent le monde et le cœur des hommes.
« Nous sommes légion » , dit l’esprit du mal par la voix du malade. Chez les Romains, une légion, c’était six mille hommes ! Et de fait, c’est de mille manières que le mal fait son œuvre, arrachant des cœurs humains toute racine de foi et d’espérance. À lui seul Jésus va donc vaincre une légion de démons : c’est le signe que le Règne de Dieu fait irruption avec lui dans le monde, et que le règne du mal est voué à disparaître.
Le démon déjà reconnaît par trois fois cette puissance de Jésus :
d’abord au moment où le possédé se prosterne, en disant : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? »,
puis quand les démons supplient Jésus de ne pas les expulser,
enfin au moment où ils proposent à Jésus un marchandage :
« Tu me laisses les porcs, animaux impurs, et moi je t’abandonne cet homme ! »
Jésus accepte, mais pour montrer aussitôt que ce marchandage n’a pas de sens : rien n’arrêtera sa puissance, rien ne retardera sa victoire ; même en se réfugiant dans des porcs, on n’échappe pas à la force du Fils de Dieu. Quand on fait place aux forces du mal, c’est toujours finalement pour la mort.
Et le troupeau va s’engloutir dans la mer.
Parfois nous sommes tentés, nous aussi, de marchander avec le Seigneur :
« Seigneur, laisse-moi ce petit coin d’égoïsme, cette petite paresse ou cette nonchalance à la prière, une petite oasis, un petit palmier dans le désert, laisse-moi mes porcs ».
Et Jésus nous répond, en quelque sorte, à travers ce récit du possédé :
« Laisse-moi te libérer, ne te raccroche pas à des riens qui ne font pas ton bonheur, lâche une fois pour toutes le troupeau de tes misères, qu’il disparaisse pour toujours dans les flots de ma miséricorde ».
Jésus donne toujours à la fois son pardon et sa confiance.
L’ancien possédé, une fois revenu à son bon sens, veut se mettre immédiatement au service de Jésus et partir avec lui en Galilée ; mais Jésus – et c’est là la marque de confiance – lui répond :
« Tu as mieux à faire. Va chez toi, auprès des tiens, et rapporte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde ».
Rencontre de Jésus, guérison, mission : c’est toute l’histoire de ce malheureux. C’est l’histoire de notre bonheur.