
Première lecture
Ainsi parle le Seigneur Dieu : Ne le savez-vous pas ? Encore un peu, très peu de temps, et le Liban se changera en verger, et le verger sera pareil à une forêt. Les sourds, en ce jour-là, entendront les paroles du livre. Quant aux aveugles, sortant de l’obscurité et des ténèbres, leurs yeux verront. Les humbles se réjouiront de plus en plus dans le Seigneur, les malheureux exulteront en Dieu, le Saint d’Israël. Car ce sera la fin des tyrans, l’extermination des moqueurs, et seront supprimés tous ceux qui s’empressent à mal faire, ceux qui font condamner quelqu’un par leur témoignage, qui faussent les débats du tribunal et sans raison font débouter l’innocent. C’est pourquoi le Seigneur, lui qui a libéré Abraham, parle ainsi à la maison de Jacob : « Désormais Jacob n’aura plus de honte, son visage ne pâlira plus ; car, quand il verra chez lui ses enfants, l’œuvre de mes mains, il sanctifiera mon nom, il sanctifiera le Dieu saint de Jacob, il tremblera devant le Dieu d’Israël. Les esprits égarés découvriront l’intelligence, et les récalcitrants accepteront qu’on les instruise. »
Psaume
Le Seigneur est ma lumière et mon salut.
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ?
J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie.
Mais j’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »
Évangile
Alléluia, Alléluia.
Voici qu’il vient avec puissance, notre Seigneur, pour éclairer les yeux de ses serviteurs
Alléluia.
En ce temps-là, Jésus était en route ; deux aveugles le suivirent, en criant : « Prends pitié de nous, fils de David ! » Quand il fut entré dans la maison, les aveugles s’approchèrent de lui, et Jésus leur dit : « Croyez-vous que je peux faire cela ? » Ils lui répondirent : « Oui, Seigneur. » Alors il leur toucha les yeux, en disant : « Que tout se passe pour vous selon votre foi ! » Leurs yeux s’ouvrirent, et Jésus leur dit avec fermeté : « Attention ! que personne ne le sache ! » Mais, une fois sortis, ils parlèrent de lui dans toute la région.
Méditer avec les carmes
La croix des aveugles, qui peut la deviner ? Qui peut s’imaginer un monde sans lumière et sans ombres, un espace sans profondeur et tout un peuple d’objets qui menacent l’homme par le simple fait qu’ils sont là, devant ses pas ?
La souffrance de l’aveugle, c’est aussi d’abord sa dépendance. Dès qu’il dépasse les limites de ses repères familiers, il perd toute autonomie et toute initiative ; il n’est plus libre que dans le champ clos des choses qu’il touche, et toute sa sécurité repose sur l’amour et la vigilance des autres.
Une autre de ses souffrances est d’être coupé des sources normales d’information et de ne pouvoir apprécier ni les résultats de son action ou de son art, ni les mille nuances du comportement des humains qui se peignent et se lisent sur un visage.
Et c’est pourquoi, ce jour-là, les deux aveugles de Capharnaüm, décidés à tenter coûte que coûte leur dernière chance, criaient vers Jésus : « Aie pitié de nous, fils de David » ; c’est pourquoi nous aussi, menacés que nous sommes d’aveuglement spirituel, nous nous mettons en marche vers Celui-là qui peut seul nous guérir.
Nous voilà en effet tâtonnants dans notre propre vie, plus ou moins dépendants, pour nous orienter, des recherches ou des intuitions de ceux qui aperçoivent encore quelque chose. Nous ne voyons même plus deux ans à l’avance, et sans cesse s’amenuise l’espace que nous pouvons honnêtement dominer ou parcourir. Nous n’étions pas aveugles de naissance, et le baptême a même illuminé nos eux ; mais la ténèbre que nous laissons s’infiltrer dans notre cœur finit par obscurcir notre regard, et nos yeux, à force de se détourner du grand jour de la foi, ne supportent même plus les lueurs plus douces de l’espérance.
Quand on est aveugle, ce n’est pas la lumière qui est en cause : ce sont les yeux qui ne peuvent l’accueillir. C’est bien là notre malheur et notre peine, de sentir que nos yeux ne supportent plus la lumière qui donnerait sens à notre vie, à nos efforts, à nos épreuves. Et pourtant la lumière est là, déjà là, toujours là. Nous savons que le Christ, dans le monde, a laissé sa lumière et que seul notre aveuglement nous empêche de la saisir ; et c’est pourquoi, tournés vers le Christ ressuscité, qui était, qui est, et qui vient à nous, nous lui crions, dans notre solitude et avec l’Église douloureuse : « Aie pitié de nous, fils de Dieu ».
Et la réponse du Seigneur n’a pas changé depuis deux mille ans : « Croyez-vous que je peux faire cela ? Crois-tu que je puis guérir tes yeux et te rendre la lumière ? » Je ne vais pas te guérir d’avance pour te dispenser de croire, mais je te guérirai quand tu auras cru, je te guérirai dans ton acte de foi, je toucherai tes yeux et te dirai : « Qu’il t’advienne selon ta foi ! »
Ainsi, ce n’est pas la lumière qui forcer notre foi, mais notre foi qui laissera entrer la lumière ; ce n’est pas la puissance de Dieu qui va ouvrir malgré nous les yeux de notre foi, mais notre foi qui va donner en nous le champ libre à sa puissance. Nous n’aurons jamais, d’avance, une évidence facile de la tendresse de Dieu, et nous ne serons jamais dispensés de faire fond loyalement sur sa parole.
L’évidence, en effet, dans la vie spirituelle, n’existe jamais à l’état pur, mais comme l’harmonique d’un acte de foi. Elle nous est donnée par grâce au cœur d’un acte de foi, humble et joyeux.
« Crois-tu que je peux faire cela ? - Oui, Seigneur.