
Première lecture
En ces jours-là, tous les chefs des prêtres et du peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les abominations des nations païennes, et ils profanaient la Maison que le Seigneur avait consacrée à Jérusalem. Le Seigneur, le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messagers, car il avait pitié de son peuple et de sa Demeure. Mais eux tournaient en dérision les envoyés de Dieu, méprisaient ses paroles, et se moquaient de ses prophètes ; finalement, il n’y eut plus de remède à la fureur grandissante du Seigneur contre son peuple. Les Babyloniens brûlèrent la Maison de Dieu, détruisirent le rempart de Jérusalem, incendièrent tous ses palais, et réduisirent à rien tous leurs objets précieux. Nabucodonosor déporta à Babylone ceux qui avaient échappé au massacre ; ils devinrent les esclaves du roi et de ses fils jusqu’au temps de la domination des Perses. Ainsi s’accomplit la parole du Seigneur proclamée par Jérémie : La terre sera dévastée et elle se reposera durant 70 ans, jusqu’à ce qu’elle ait compensé par ce repos tous les sabbats profanés.
Or, la première année du règne de Cyrus, roi de Perse, pour que soit accomplie la parole du Seigneur proclamée par Jérémie, le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse. Et celui-ci fit publier dans tout son royaume – et même consigner par écrit – : « Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Le Seigneur, le Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre ; et il m’a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem, en Juda. Quiconque parmi vous fait partie de son peuple, que le Seigneur son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem ! »
Psaume
Que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir !
Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ; aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes.
C’est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux, des airs joyeux : « Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion. »
Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie !
Je veux que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je n’élève Jérusalem au sommet de ma joie.
Deuxième lecture
Frères, Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu ainsi montrer, au long des âges futurs, la richesse surabondante de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions.
Évangile
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus !
En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »
Méditer avec les carmes
Curieuse contradiction dans ce passage de l’Évangile de Jean : d’un côté, Jésus dit : « Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde » ; et aussitôt après : « le jugement, le voici ! »
Mais la contradiction n’est qu’apparente, car pour Jean il y a deux sortes de jugement, le jugement prononcé et le jugement provoqué.
Le jugement prononcé, avec sentence, est celui qui aura lieu à la fin des temps, lors du retour de Jésus glorieux, et ce jugement futur est associé dans les Évangiles au pouvoir du Fils de l’homme, au pouvoir du Christ, Seigneur de tous les temps.
Mais avant ce jugement prononcé, et tout au long de l’histoire des hommes, a lieu un autre jugement, le jugement qui est provoqué dans le cœur de chacun par l’irruption de la lumière, par la venue de Jésus dans le monde, porteur de la vérité de Dieu.
Face à cette lumière, face à Jésus lumière du monde, un discernement, une discrimination, un choix décisif s’opèrent dans la vie et la liberté de chacun. C’est cela, le jugement provoqué : « Le jugement, le voici, dit Jésus ; la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré l’obscurité à la lumière ».
« Qui croit au fils n’est pas jugé » ; c’est-à-dire qu’il se range volontairement parmi les hommes du oui ; il se place volontairement dans le rayonnement de Jésus lumière. « Qui ne veut pas croire est déjà jugé » : il s’est déjà jugé, parce qu’il n’a pas voulu croire au nom du Fils unique de Dieu, c’est-à-dire à la personne du Fils de Dieu et à son rôle unique dans le salut du monde.
L’irruption de la lumière, du Christ lumière, dans le monde des hommes trace donc une frontière entre le oui et le refus, et cette frontière traverse non seulement des groupes humains, mais le cœur de chaque homme et la vie de chaque croyant. En chacun de nous cette frontière demeure mouvante, car nous n’avons pas fini d’accueillir la lumière, et de jour en jour, d’année en année, cette lumière de Jésus doit conquérir, influencer, apprivoiser de nouveaux secteurs de notre cœur, de notre agir et de notre liberté.
C’est pourquoi la lumière tout à la fois attire et fait peur.
Par le meilleur de nous-mêmes, nous venons d’instinct à la lumière de Jésus, la lumière qui a baigné notre conversion, notre baptême, notre engagement au service de l’Évangile. C’est cette lumière allègre de Pâques que nous demandons à Dieu dans le silence de la prière personnelle, c’est vers elle que nous approchons, lorsque ensemble nous célébrons la louange du Père et l’Eucharistie du Seigneur, réchauffant notre foi à la foi de la communauté.
Également nous fuyons cette lumière, lorsqu’elle risque d’éclairer de plein fouet les zones d’ombre ou de pénombre que nous voulons défendre, tel secteur d’activité dont nous restons propriétaires, telle habitude ou telle inertie à laquelle nous ne voulons pas renoncer, telle influence ou telle relation qui n’est plus selon l’Évangile, et tous ces « à peu près » dans la vie de prière ou de service, qui font peu à peu des Béatitudes de Jésus une lettre morte, morte pour nous, morte pour des mourants.
« Quiconque fait le mal, dit Jésus, a de la haine pour la lumière et refuse de venir à la lumière, de crainte que ses œuvres ne soient démasquées ». Dans la mesure, au contraire, où notre nourriture est de faire la volonté du Père, nous allons au-devant du rayonnement de Jésus, au-devant des clarifications, des remises en cause, au-devant du regard décapant de nos frères, parce que nous n’avons rien à perdre, rien à craindre, et tout à gagner à un supplément de lumière. Une seule chose importe : que nos œuvres, vraiment, soient accomplies en Dieu, et que Dieu, dans notre pauvreté, puisse accomplir ses merveilles.