
Première lecture
Frères, nous avons une demande à vous faire à propos de la venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui : si l’on nous attribue une inspiration, une parole ou une lettre prétendant que le jour du Seigneur est arrivé, n’allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer. Ne laissez personne vous égarer d’aucune manière.
Dieu vous a appelés par notre proclamation de l’Évangile, pour que vous entriez en possession de la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. Ainsi donc, frères, tenez bon, et gardez ferme les traditions que nous vous avons enseignées, soit de vive voix, soit par lettre. Que notre Seigneur Jésus Christ lui-même, et Dieu notre Père qui nous a aimés et nous a pour toujours donné réconfort et bonne espérance par sa grâce, réconfortent vos cœurs et les affermissent en tout ce que vous pouvez faire et dire de bien.
Psaume
Il vient, le Seigneur, il vient pour juger la terre.
Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! » Le monde, inébranlable, tient bon. Il gouverne les peuples avec droiture.
Joie au ciel ! Exulte la terre ! Les masses de la mer mugissent, la campagne tout entière est en fête.
Les arbres des forêts dansent de joie devant la face du Seigneur, car il vient, car il vient pour juger la terre.
Le Seigneur vient pour juger la terre. Il jugera le monde avec justice, et les peuples selon sa vérité !
Évangile
Alléluia. Alléluia. Elle est vivante, efficace, la parole de Dieu ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qui est le plus important dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Voilà ce qu’il fallait pratiquer sans négliger le reste. Guides aveugles ! Vous filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau !
Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance ! Pharisien aveugle, purifie d’abord l’intérieur de la coupe, afin que l’extérieur aussi devienne pur. »
Méditer avec les carmes
Le contraste entre le dehors et le dedans, le divorce entre l’apparence et la réalité, Jésus n’aurait pas de mal à les déceler dans notre vie comme autrefois dans celle des Pharisiens ; et il nous arrive parfois d’éprouver l’impression désolante d’une inauthenticité qui colle à notre vie, personnelle ou communautaire. Nous connaissons donc bien les souffrances d’un cœur partagé : elles risqueraient même, à certains jours de nous paralyser. Tant de grâces reçues du Seigneur, tant de lumières qui ont guidé notre route vers lui, tant d’années déjà vécues à son service, et au bout du compte une perception plus vive que jamais de notre misère et de notre impuissance !
Le Seigneur n’a même pas besoin de nous dire, comme aux scribes et aux pharisiens : « Malheureux êtes-vous ! » ; c’est nous qui arrivons à lui, pas fiers du tout, pour lui redire, comme le Psalmiste : « Je suis trop malheureux ! »
Je voulais une vie toute consacrée à ton règne, et me voilà encombré de restes inutiles, ceux de mes projets trop humains. Je me voulais léger sur la route, sans sac ni bâton, et me voilà retenu par tant de liens !
Tu voulais, Seigneur, faire de notre maison fraternelle une maison de prière, et la voilà, à certaines heures, bruyante et affairée. Nous décorons des basiliques, nous fêtons nos prophètes, nous célébrons leur centenaire, et en même temps il nous arrive, dans le quotidien, de tourner le dos à l’aventure spirituelle.
Mais vient un jour, et c’est un jour de grâce, ou nous comprenons qu’il ne servirait à rien de sauver les apparences et de recrépir les façades, car il est impossible de faire illusion à Dieu. Devant lui nous sommes à découvert, pris dans une lumière de bonheur qui ne laisse aucune ombre. Devant lui rien ne servirait de vouloir embellir ou protéger l’image de nous-mêmes, car il ne se réfère qu’à une seule Image, celle de son Fils bien-aimé, et c’est cette Icône-là que patiemment il reproduit dans notre cœur. Devant lui nos choix prennent leur valeur éternelle ; nos possessions, nos désirs et nos oeuvres pèsent leur vrai poids, celui de l’amour.
Dieu nous est plus intime que l’intime de nous-mêmes, comme disait Augustin ; son regard voit dans le secret et son Esprit scrute nos profondeurs. Dès lors ce qui nous rendra authentiques, c’est de nous vouloir transparents à ce regard de Dieu, pour qui il n’y a ni dedans ni dehors. Ce qui écartera, de notre vie personnelle comme de notre témoignage communautaire, toutes les distorsions entre l’être et le paraître, c’est de redire comme Augustin dans la confiance et l’humilité : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur », chacune et toutes ensemble. Ce qui effacera de notre cœur les déformations de l’image de Dieu, c’est de regarder longuement le Fils unique recevant du Père toute sa vie et toute sa mission.
Quand nous entendons le Christ appeler si vigoureusement ses contemporains à la vérité intérieure, loin d’écarter son message comme sévère et pour nous hors de saison, nous pouvons y lire sa volonté de réussir l’homme et de lui conférer toute sa dignité. Un désir monte alors en nous, frais comme notre enfance, celui d’être vrais jusqu’au bout dans notre amour, dans notre prière, dans notre service ; et la prière qui nous vient au cœur est la demande du psalmiste à son Dieu : « Unifie mon cœur pour qu’il révère ton Nom ! » Unifie en moi l’homme qui veut paraître et « l’homme caché du cœur ».
Nous jetons alors tout notre espoir d’authenticité en Celui que Marie elle-même appelait « mon Sauveur ». Nous cessons de regarder avec tristesse nos calculs et nos compromis pour prêter l’oreille aux promesses de Dieu. Le malheur aussitôt se change en Béatitude, et nous entendons Jésus nous redire, comme aux foules du Lac : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice ».
Bienheureux ceux qui mettent leur joie à s’ajuster au vouloir du Père.