
Première lecture
Un silence paisible enveloppait toute chose, et la nuit de la Pâque était au milieu de son cours rapide ; alors, du haut du ciel, venant de ton trône royal, Seigneur, ta Parole toute-puissante fondit en plein milieu de ce pays de détresse, comme un guerrier impitoyable, portant l’épée tranchante de ton décret inflexible. Elle s’arrêta, et sema partout la mort ; elle touchait au ciel et marchait aussi sur la terre.
La création entière, dans sa propre nature, était remodelée au service de tes décrets, pour que tes enfants soient gardés sains et saufs. On vit la nuée recouvrir le camp de son ombre, on vit la terre sèche émerger là où il n’y avait eu que de l’eau ; de la mer Rouge surgit un chemin sans obstacles et, des flots impétueux, une plaine verdoyante. C’est là que le peuple entier, protégé par ta main, traversa en contemplant des prodiges merveilleux. Ils étaient comme des chevaux dans un pré, ils bondissaient comme des agneaux et chantaient ta louange, Seigneur : tu les avais délivrés.
Psaume
Souvenez-vous des merveilles que le Seigneur a faites.
Chantez et jouez pour lui, redites sans fin ses merveilles ; glorifiez-vous de son nom très saint : joie pour les cœurs qui cherchent Dieu !
Il frappe les fils aînés du pays, toute la fleur de la race ; il fait sortir les siens chargés d’argent et d’or ; pas un n’a flanché dans leurs tribus !
Il s’est ainsi souvenu de la parole sacrée et d’Abraham, son serviteur ; il a fait sortir en grande fête son peuple, ses élus, avec des cris de joie !
Évangile
Alléluia. Alléluia. Par l’annonce de l’Évangile, Dieu vous appelle à partager la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.” Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” »
Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Méditer avec les carmes
Nous n'avons pas de mal à nous imaginer la scène, si vivante dans la parabole de Jésus : une veuve qui insiste pour qu'on lui rende justice, et un juge qui n'a jamais le temps pour elle. Finalement il se dit : Cette femme me fatigue : je vais la contenter pour qu'elle ne revienne pas sans cesse "me pocher les yeux".
Ce qui nous pose problème, c'est la leçon qu'en tire le Seigneur Jésus. Tout se résume, semble-t-il, dans un raisonnement a fortiori : si déjà un juge inique se laisse faire de guerre lasse, à plus forte raison Dieu, le juge parfait, rendra-t-il par amour justice à ses élus, et cela ne tardera pas.
C'est bien, en effet, ce qu'on attend de Dieu ; mais dans la réalité, tout se passe autrement. Les jours s'écoulent, les semaines, les mois ; et l'élu de Dieu "crie vers lui jour et nuit", sans rencontrer d'autre écho que sa voix, de plus en plus désespérée.
On est tenté de déplacer le problème, en disant par exemple : il s'agit du retard de la Parousie, de la venue du Fils de l'homme sans cesse reportée, alors que les chrétiens l'attendaient de leur vivant. Et l'on dirait volontiers, avec la II Pierre :"Le Seigneur ne tarde pas avec sa promesse, comme certains pensent qu'il tarde ; mais il est longanime envers vous, ne voulant pas que quelques-uns périssent, mais que tous arrivent au repentir" (3,7). Cependant ce détour nous laisse insatisfaits, car il s'agit ici, non pas de patienter avec des injustes, mais de ne pas faire attendre une malheureuse (cf. Sir 35,19-24).
Il faut donc revenir à la parole étrange du Sauveur : il y a ce que fait Dieu, - et qui est toujours conforme à sa bonté et à sa justice - , et ce que nous percevons de l'action de Dieu.
Alors que Dieu semble se taire, il est en train de nous écouter ; alors que Dieu semble impuissant, il est sans cesse au travail, dans le sens de son amour, alors que Dieu paraît absent, il conforte en silence ceux qui souffrent.
Et c'est sans doute pourquoi, dans ce contexte, Jésus insiste tellement sur la foi :"Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?" (v.8). C'est la foi qui nous fait persévérer quand nous demandons quelque chose selon Dieu. "Croyez que vous l'avez obtenue" (Mc 11,24), nous dit Jésus, sans sourciller. "Demandez, et il vous sera donné (par Dieu" (Mt 7,7). Toute l'expérience des grands priants de la Bible va dans ce sens : alors que la souffrance leur fait voir fantasme sur fantasme, la foi leur fait entendre ce que Dieu dit de lui-même et de son œuvre.
La foi nous fait dépasser nos évidences, "elle est la garantie de ce qu'on espère, la preuve de ce qu'on ne voit pas" (Hb,11,1), et "c'est par la foi qu'Abraham partit, sans savoir où il allait" (11,8). Nous aimerions que l'insistance de la veuve débouche sur un exaucement sensible, Jésus , dans sa parabole, réalise beaucoup plus : il nous ouvre un espace, et c'est l'espace de notre foi.