
Première lecture
Jékonias avait dix-huit ans lorsqu’il devint roi, et il régna trois mois à Jérusalem. Sa mère s’appelait Nehoushta, fille d’Elnatane ; elle était de Jérusalem. Il fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur, tout comme avait fait son père. En ce temps-là, les troupes de Nabucodonosor, roi de Babylone, montèrent contre Jérusalem, et la ville fut assiégée. Le roi de Babylone vint en personne attaquer la ville que son armée assiégeait. Alors, Jékonias, roi de Juda, avec sa mère, ses serviteurs, ses officiers et ses dignitaires, se rendit au roi de Babylone, qui les fit prisonniers. C’était en la huitième année du règne de Nabucodonosor. Celui-ci emporta tous les trésors de la maison du Seigneur avec ceux de la maison du roi. Il brisa tous les objets en or que Salomon, roi d’Israël, avait fait faire pour le Temple. Tout cela, le Seigneur l’avait annoncé. Nabucodonosor déporta tout Jérusalem, tous les officiers et tous les vaillants guerriers, soit dix mille hommes, sans compter tous les artisans et forgerons : on ne laissa sur place que la population la plus pauvre. Le roi Jékonias fut déporté à Babylone avec la reine mère, les épouses royales, les dignitaires, l’élite du pays : tous partirent en exil de Jérusalem à Babylone. Tous les soldats, au nombre de sept mille, les artisans et les forgerons au nombre de mille, tous ceux qui pouvaient combattre, furent déportés à Babylone par le roi Nabucodonosor. Celui-ci fit roi, à la place de Jékonias, son oncle Mattanya, dont il changea le nom en celui de Sédécias.
Psaume
Pour la gloire de ton nom, Seigneur, délivre-nous !
Dieu, les païens ont envahi ton domaine ; ils ont souillé ton temple sacré et mis Jérusalem en ruines.
Ils ont livré les cadavres de tes serviteurs en pâture aux rapaces du ciel et la chair de tes fidèles, aux bêtes de la terre.
Ils ont versé le sang comme l’eau aux alentours de Jérusalem : les morts restaient sans sépulture.
Nous sommes la risée des voisins, la fable et le jouet de l’entourage. Combien de temps, Seigneur, durera ta colère et brûlera le feu de ta jalousie ?
Ne retiens pas contre nous les péchés de nos ancêtres : que nous vienne bientôt ta tendresse, car nous sommes à bout de force !
Aide-nous, Dieu notre Sauveur, pour la gloire de ton nom ! Délivre-nous, efface nos fautes, pour la cause de ton nom !
Évangile
Alléluia. Alléluia. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur ! ” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. Ce jour-là, beaucoup me diront : “Seigneur, Seigneur, n’est- ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? ” Alors je leur déclarerai : “Je ne vous ai jamais connus. Écartez- vous de moi, vous qui commettez le mal ! ”
Ainsi, celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc. Et celui qui entend de moi ces paroles sans les mettre en pratique est comparable à un homme insensé qui a construit sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé, ils sont venus battre cette maison ; la maison s’est écroulée, et son écroulement a été complet. »
Lorsque Jésus eut terminé ce discours, les foules restèrent frappées de son enseignement, car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes.
Méditer avec les carmes
Bâtir sa maison, vivre dans sa maison, mourir dans sa maison, transmettre sa maison à ses enfants, c’est l’un des désirs les plus enracinés au cœur de l’homme. Et c’est cette image de la maison, si chargée d’émotion, que Jésus a choisie pour nous parler du grand enjeu de l’existence.
Il s’agit de bâtir, et, plus précisément, d’un homme qui bâtit sa propre maison. Elle sera son œuvre, donc sa fierté et sa sécurité. Mais elle va également conditionner toute son existence : telle sa maison, telle aussi sera sa vie.
S’il construit sur le sable, à moyen terme il ruine tout son projet : il compromet l’avenir par précipitation. Bien sûr, il bâtira plus vite que les autres, parce que les fondations seront légères ; mais en fait, il aura manqué de sagesse et de réalisme en s’arrêtant au succès immédiat.
Au contraire, s’il bâtit sur le roc, il se place, au départ, dans les conditions les plus défavorables car il passe beaucoup de temps à assurer les bases. Mais il préfère avoir trop d’assise aujourd’hui, pour en avoir suffisamment quand viendra la tempête.
Ainsi en va-t-il, dit Jésus, « pour tout homme qui écoute ce que je vous dis là » ; et le Seigneur fait allusion à son enseignement du discours sur la montagne, donc à tout le message évangélique qui accompagne les Béatitudes. Celui qui n’aligne pas sa vie concrète sur cette parole que Dieu lui adresse dans le Christ, celui qui ne cherche pas de toutes ses forces spirituelles à acquérir les réflexes de Jésus, celui-là pourra bien bâtir sa vie apparemment sans problèmes, toute son œuvre restera fragile, et quand elle s’écroulera, « l’écroulement sera complet ». Tout sera à refaire, s’il en est encore temps.
Ainsi en va-t-il de l’Église tout entière, en ce temps d’interrogations et de crises. Les soubresauts et les désenchantements des années de l’après Concile nous l’ont bien montré : il ne peut suffire de ravaler la façade de l’Église ni même de changer quelques superstructures ; plus l’Église offre un nouveau visage, plus elle doit approfondir ses fondations.
Il faut savoir bâtir dans l’enthousiasme de l’été, mais sans négliger l’hiver, qui vient toujours. Il ne suffit pas de regarder son plan et son terrain, il faut encore s’interroger sur le climat et prendre le temps de le connaître. Sinon, quand la pluie d’orage gonflera soudain les torrents, quand déferleront de nouvelles idéologies et tout un flot de nouveaux slogans, quand s’élèveront des tempêtes sociales et politiques, l’édifice rêvé, secoué de toutes parts, s’effondrera.
Car l’avenir de l’Église repose sur le message de Jésus. « Le ciel et la terre passeront, alors que ses paroles ne passeront pas » (Mt 24, 35). Le visage extérieur de l’Église pourra changer, mais les vrais bâtisseurs du Royaume seront toujours les généreux, les énergiques, les pauvres en esprit, les cœurs purs, les artisans de paix, les hommes prompts au pardon, et les « doux », c’est-à-dire ceux dont la force réside, non dans la violence, mais dans l’authenticité et la confiance mutuelle.
Seul résistera aux ouragans de l’histoire l’édifice spirituel qui sera bâti dans le style de Jésus, car « le Seigneur est le Rocher pour toujours » (Is 26, 4) ; lui seul a les paroles de la vie éternelle.
La même sagesse et le même réalisme sont attendus de nous à propos de la maison fraternelle que Jésus nous demande d’édifier pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Elle serait bâtie sur le sable, sur des bases mouvantes, si nous en restions à un niveau moyen de relations communautaires, ou à un simple désir de réalisation personnelle, et si nos critères de réussite ne rejoignaient pas résolument les Béatitudes de Jésus.
Mais nous construisons solide, pour l’éternité, « si le Seigneur bâtit » en nous et par nous « sa maison de prière », s’il bâtit avec nous « la ville où tout ensemble fait corps » (Ps 122, 3).
« Nous avons une ville forte, chantait Isaïe : Il a mis [lui-même] pour nous protéger rempart et glacis. Ouvrez les portes ! Qu’elle entre, la nation fidèle, qui reste ferme, qui conserve la paix, car elle se confie en son Dieu » (Is 26, 1-3)