
Première lecture
En ces jours-là, le grand prêtre Helcias dit au secrétaire Shafane : « J’ai trouvé le livre de la Loi dans la maison du Seigneur. » Et Helcias donna le livre à Shafane. Celui-ci le lut. Puis, le secrétaire Shafane alla chez le roi Josias et lui rendit compte de ce qui s’était passé. Il déclara : « L’argent trouvé dans la Maison, tes serviteurs l’ont versé et remis entre les mains des maîtres d’œuvre, préposés à la maison du Seigneur. » Alors Shafane, le secrétaire, annonça au roi : « Le prêtre Helcias m’a donné un livre. » Et Shafane fit au roi la lecture de ce livre.
Après avoir entendu les paroles du livre de la Loi, le roi déchira ses vêtements. Il donna cet ordre au prêtre Helcias, à son secrétaire et à ses serviteurs : « Allez consulter le Seigneur pour moi, pour le peuple et pour tout Juda au sujet des paroles de ce livre qu’on vient de retrouver. La fureur du Seigneur est grande : elle s’est enflammée contre nous parce que nos pères n’ont pas obéi aux paroles de ce livre et n’ont pas pratiqué tout ce qui s’y trouve. »
Le roi fit convoquer auprès de lui tous les anciens de Juda et de Jérusalem. Il monta à la maison du Seigneur avec tous les gens de Juda, tous les habitants de Jérusalem, les prêtres et les prophètes, et tout le peuple, du plus petit au plus grand. Il lut devant eux toutes les paroles du livre de l’Alliance retrouvé dans la maison du Seigneur. Debout sur l’estrade, le roi conclut l’Alliance en présence du Seigneur. Il s’engageait à suivre le Seigneur en observant ses commandements, ses édits et ses décrets, de tout son cœur et de toute son âme, accomplissant ainsi les paroles de l’Alliance inscrites dans ce livre. Et tout le peuple s’engagea dans l’Alliance.
Psaume
Enseigne-moi, Seigneur, le chemin de tes ordres.
Enseigne-moi, Seigneur, le chemin de tes ordres ; à les garder, j’aurai ma récompense. Montre-moi comment garder ta loi, que je l’observe de tout cœur.
Guide-moi sur la voie de tes volontés, là, je me plais. Incline mon cœur vers tes exigences, non pas vers le profit.
Détourne mes yeux des idoles : que tes chemins me fassent vivre. Vois, j’ai désiré tes préceptes : par ta justice fais-moi vivre.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Demeurez en moi, comme moi en vous, dit le Seigneur ; celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruit. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis, alors qu’au-dedans ce sont des loups voraces. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Va-t-on cueillir du raisin sur des épines, ou des figues sur des chardons ? C’est ainsi que tout arbre bon donne de beaux fruits, et que l’arbre qui pourrit donne des fruits mauvais. Un arbre bon ne peut pas donner des fruits mauvais, ni un arbre qui pourrit donner de beaux fruits. Tout arbre qui ne donne pas de beaux fruits est coupé et jeté au feu. Donc, c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. »
Méditer avec les carmes
II y a eu des prophètes aux premiers temps de l’Église (Act 11, 28 ; 21, 11). Rarement il prévoyaient l’avenir. Lorsqu’il parlaient, sagement et calmement, au nom de Dieu sous l’impulsion de l’Esprit, ils s’attachaient surtout à lire les événements de l’Église ou de la communauté à la lumière de la parole de Dieu et de son dessein, à interpréter la volonté de Dieu dans des circonstances concrètes, et assez souvent ils encourageaient, exhortaient, édifiaient la communauté. Parfois aussi l’Esprit leur donnait de dévoiler les secrets des cœurs (1 Co 14, 3. 23).
Volontiers saint Paul opposait la sobriété et le bon sens spirituel des prophètes à l’effervescence mal contrôlée de ceux qui parlaient en langues inintelligibles : « Recherchez la charité, écrivait-il aux Corinthiens ; aspirez aux dons de l’Esprit, surtout à la prophétie ; car celui qui parle en langue, personne ne le comprend... mais celui qui prophétise parole aux hommes : il édifie, exhorte, encourage... Dans une assemblée, je préfère dire cinq paroles intelligibles (littéralement : « avec mon intelligence ») pour instruire aussi les autres, plutôt que de dix mille en langue » (1 Co 14, 1).
Assez vite, dans la primitive Église, un discernement s’imposa entre vrais et faux prophètes. « Mes bien-aimés, écrivait saint Jean, n’ajoutez pas foi à tout esprit, mais éprouvez les esprits, pour voir s’ils sont de Dieu, car beaucoup de prophètes de mensonge se sont répandus dans le monde » (1 Jn 4, 1). D’ailleurs Jésus, de son vivant, avait proposé un enseignement nuancé. D’une part il s’en était pris à ceux qui se fermaient d’avance à toute nouveauté venue de Dieu : « Jérusalem, toi qui tues les prophètes... [toi qui rejettes les charismes et leurs porteurs inattendus] » (Mt 23, 37). Mais d »autre part il avait mis sa communauté en garde, et c’est ce que nous rappelait à l’instant l’évangile de saint Mathieu : « Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous vêtus en brebis ». (On est toujours tenté par la facilité !)
Et immédiatement Jésus indiquait le seul critère infaillible pour les identifier : « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits ! » La vérité et l’authenticité d’un croyant finissent toujours par ressortir, par passer dans ses œuvres, par révéler ce qu’il est, ce qu’il cherche, ce qu’il a vraiment trouvé.
Encore de nos jours un devoir de lucidité, une tâche de diagnostic spirituel, incombe aux communautés, car nous vivons un début de siècle où beaucoup se disent prophètes, porteurs d’un message libérateur, ou lecteurs inspirés des signes du temps présent ; et il vient effectivement des moments, pour nous personnellement ou pour notre communauté de vie, où il faut discerner qui est vraiment celui qui vient à nous, celui qui interprète notre histoire.
En ce temps où foisonnent les modes théologiques, pastorales, liturgiques, un discernement spirituel s’impose au niveau de la pensée. Non pas pour retomber automatiquement dans le déjà vu, le déjà su, le déjà entendu, car l’Esprit Paraclet apporte chaque jour à l’Église sa grâce de nouveauté, et les disciples de Jésus n’ont pas à craindre la vie, la jeunesse, la créativité. Mais il y a, aujourd’hui comme au début de l’Église, de vrais et de faux prophètes.
La pierre de touche pour les reconnaître ? c’est de savoir si ce prophète, celui qui se donne pour prophète, opère un véritable dévoilement, une illumination, une mise en lumière du dessein de Dieu, ou si au contraire il propose une réduction du mystère de Jésus ou un affadissement du sel de l’Évangile :
le faux prophète tourne le dos aux événements fondateurs et aux promesses de Dieu ;
le faux prophète opère un tri dans les paroles de Jésus et choisit son menu dans la Révélation ;
il confond la nouveauté de Dieu avec la nouveauté de ses propres théories ou de son langage ;
bref : il fait taire les questions de Dieu, celles qui construisent l’homme et le mettent en marche, pour faire entendre ses propres questions sans parfois souhaiter vraiment de réponse.
À une époque de refonte des esprits, des cultures, de l’affectivité, le même discernement spirituel doit jouer au niveau de l’action. Face à telle initiative, à tel projet, à telle orientation qui se présente comme prophétique, comme porteuse des promesses de l’avenir, une communauté héritière du prophétisme de Jésus, soucieuse de lire l’aujourd’hui dans la lumière de Dieu, peut se poser des questions toutes simples, celle qui résonnent dans le Nouveau Testament, et regarder les fruits déjà produits et ceux qui se préparent :
est-ce que cela construit, édifie la communauté ? (c’est le critère des vrais charismes selon Paul) ;
est-ce que cela resserre l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ?
est-ce que cela crée selon Dieu, dans la sainteté et la vérité ?
est-ce que les moyens préconisés sont ceux de l’évangile et des Béatitudes ?
est-ce que par là les pauvres sont évangélisés, entendent une bonne nouvelle qui les remettra dès aujourd’hui, « rien que pour aujourd’hui », sur la route de l’espérance ?
Mais il est une question plus urgente encore que chacun de nous ne manque pas de se poser, quand retombe l’ardeur de la prière, quand se relâche l’écoute de la parole, quand fléchissent la vigilance fraternelle et le désir de témoigner : « Qu’ai-je fait moi-même de la grâce prophétique déposée en moi par le don de l’Esprit ? »