
Première lecture
Frères, l’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. Désormais nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine : si nous avons connu le Christ de cette manière, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu.
Psaume
Le Seigneur est tendresse et pitié.
Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.
Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches.
Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés.
Évangile
Alléluia. Alléluia.
Incline mon cœur vers tes exigences ; fais-moi la grâce de ta loi, Seigneur.
Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne manqueras pas à tes serments, mais tu t’acquitteras de tes serments envers le Seigneur. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas jurer du tout, ni par le ciel, car c’est le trône de Dieu, ni par la terre, car elle est son marchepied, ni par Jérusalem, car elle est la Ville du grand Roi. Et ne jure pas non plus sur ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. Ce qui est en plus vient du Mauvais. »
Méditer avec les carmes
Dans ces quelques phrases un peu déconcertantes, le Christ, Parole de Dieu, nous parle de notre parole humaine ; et il nous donne à ce sujet deux consignes qui se complètent :
d'une part il ne faut pas donner à notre parole une portée qu'elle ne peut avoir, c'est pourquoi il ne faut pas abuser des serments
mais, à l'inverse, nous devons donner à notre parole toute sa vraie valeur, et pour cela, faire d'elle un oui ou un non authentiques.
Au temps de Jésus, on prononçait beaucoup de serments, et de préférence sur Dieu ou sur les choses les plus saintes : le Temple, l'autel … C'était d'ailleurs une habitude de tout le monde ancien, même dans les religions païennes, et sans doute un reste de la mentalité magique, qui s'imagine que l'homme, par la force de sa parole, peut mettre le grappin sur la divinité, sur ses bonnes grâces ou ses bénédictions. Souvent c'était une manière de donner force juridique à une déclaration ou à un témoignage. Au point que le serment pouvait équivaloir à une preuve : on se mettait à l'abri en annexant Dieu à sa cause !
Aujourd'hui le serment est réservé pour quelques actes publics et solennels, et pourtant l'habitude des serments à tout propos a des équivalents dans notre vie concrète :
toutes nos tentatives pour mettre Dieu à notre service, pour faire de notre foi ou de notre espérance un point d'appui dans la prière de demande,
la tentation que peut éprouver le ou la consacrée de faire de sa situation religieuse un tremplin dans les relations sociales ou un piédestal …
l'habileté que nous montrons à voiler par de grandes protestations ou des affirmations un peu creuses la pauvreté de notre témoignage ou de notre vie spirituelle,
tous les chantages, grands ou petits, sur des choses saintes, sur les paroles des saints ou les écrits des saintes pour forcer les autres à entrer dans nos vues,
toutes les fois que nous disons, par intérêt personnel ou volonté de puissance : « Ceci n'est pas évangélique », « Ceci n'est pas missionnaire », « Cela n'est pas conforme à l'unité », « Cela est la véritable ouverture au monde ».
Jésus coupe court à toutes ces manœuvres. Il ne dit pas : « Quand vous jurez, tenez vos serments », mais il radicalise l'obligation : « Ne faites pas de serments du tout, parce que vous ne disposez ni de Dieu, ni des choses de Dieu, ni de vous-mêmes, qui êtes chose sainte de Dieu.
Le mot d'ordre du Seigneur est clair : nous ne pourrons jamais annexer à notre profit ni Dieu, ni ce que Dieu offre à son peuple ; nous ne devons pas tenter de nous justifier par des paroles plus ou moins solennelles, quand ces paroles servent de paravent et ne sont pas authentifiées par la vie. Il est une valeur que la parole doit garder : elle doit demeurer un chemin sacré entre les personnes.
Le modèle, là encore, c'est Dieu, le Véritable, le Véridique c'est le Christ expression parfaite et totale du Père, Verbe du Père dans l'éternité, Verbe du Père venu dans notre chair, et dont les paroles sont Esprit et vie, le Christ révélation parfaite du plan d'amour de Dieu, lui que nous appelons Sagesse du Père, le Christ qui est oui de Dieu, et qui était oui de Dieu même quand il devait dire non aux hommes.