
Première lecture
Frères, dans le sanctuaire de l’ancienne Alliance, une tente était disposée, la première, où se trouvaient le chandelier à sept branches et la table avec les pains de l’offrande ; c’est ce qu’on nomme le Saint. Derrière le second rideau, il y avait la tente appelée le Saint des Saints. Le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir. Par la tente plus grande et plus parfaite, celle qui n’est pas œuvre de mains humaines et n’appartient pas à cette création, il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. S’il est vrai qu’une simple aspersion avec le sang de boucs et de taureaux, et de la cendre de génisse, sanctifie ceux qui sont souillés, leur rendant la pureté de la chair, le sang du Christ fait bien davantage, car le Christ, poussé par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant.
Psaume
Dieu s’élève parmi les ovations, le Seigneur, aux éclats du cor.
Tous les peuples, battez des mains, acclamez Dieu par vos cris de joie ! Car le Seigneur est le Très-Haut, le redoutable, le grand roi sur toute la terre.
Dieu s’élève parmi les ovations, le Seigneur, aux éclats du cor. Sonnez pour notre Dieu, sonnez, sonnez pour notre roi, sonnez !
Car Dieu est le roi de la terre, que vos musiques l’annoncent ! Il règne, Dieu, sur les païens, Dieu est assis sur son trône sacré.
Évangile
Alléluia. Alléluia.
Seigneur, ouvre notre cœur pour nous rendre attentifs aux paroles de ton Fils.
Alléluia.
En ce temps-là, Jésus revint à la maison, où de nouveau la foule se rassembla, si bien qu’il n’était même pas possible de manger. Les gens de chez lui, l’apprenant, vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient : « Il a perdu la tête. »
Méditer avec les carmes
Jésus vient de redescendre de la montagne où il a appelé ses douze disciples, et le voilà de nouveau à Capharnaüm, « à la maison », c’est-à-dire : - soit la maison de Pierre où il était comme chez lui, - soit une maison du bourg, transformée en lieu de rassemblement pour la petite troupe. Et dès les débuts de son ministère il devient signe de contradiction :
les gens s’attroupent, enthousiastes, et le réclament à toute heure, si bien que Jésus, comme un médecin surmené, n’a même plus de temps de souffler au moment des repas ;
d’autres s’inquiètent et prennent peur. Qui sont-ils ? Non pas des ennemis (il n’en a pas encore), mais ses cousins de Nazareth. On raconte des choses bizarres sur lui... qu’il opère des guérisons, même le jour du sabbat, … qu’il accueille des pécheurs et mange avec eux. Il paraît même qu’il a pris parmi ses disciples le percepteur de Capharnaüm.
Tout cela fait mauvais effet. On jase dans toute la contrée, et on prend ses proches à partie : « Vous ne devriez pas le laisser faire »... Tant et si bien que les cousins de Nazareth ont décidé de passer à l’action... « Où est-ce qu’il a la tête ? Qu’est-ce qui lui prend ? Allons le chercher, nous le ramènerons de force à son atelier... Il ne va quand même pas continuer à jeter le discrédit sur toute la famille ! »
« Il a perdu la tête ! »
C’est ce qu’on a dit de Jésus quand il s’est mis à prêcher son Évangile ; c’est ce que l’on dit parfois d’un chrétien quand il se met à vivre l’Évangile de Jésus. Ne parlons pas ici des chrétiens excentriques : il y en aura toujours, et ce n’est pas d’eux qu’il faut attendre le vrai témoignage évangélique. Parlons des chrétiens ordinaires, de nous tous : y a-t-il dans notre vie, dans nos espoirs, dans nos projets, dans nos désirs, ce petit brin de folie évangélique qui nous ferait ressembler à Jésus. ?
Non pas un brin d’excentricité, non pas ces outrances de langage ou de comportement qui dénaturent plutôt le témoignage rendu à Jésus, mais cette folie de confiance, d’amour et de service qui fait l’authenticité chrétienne.
Il est fou de s’engager pour toujours, mais cette folie-là nous tient à cœur, car c’est à Jésus que nous avons tout donné.
Il est fou de ne pas vivre à notre compte, mais nous resterons fous, parce que « notre vie n’est plus à nous-mêmes, mais à Celui qui est mort et ressuscité pour nous ».
Il est fou, aux yeux du monde, de ne rien garder dans les mains, de ne pas chercher le repos, de se vouloir sans cesse en route, en exode, en exil, de se hâter « comme un voyageur » ; mais rien ne nous fera changer d’idée, car nous ne pouvons servir Dieu et l’argent, chercher le Christ et les honneurs, avoir faim de l’Esprit et soif de confort ; nous ne pouvons chercher en même temps le règne de Dieu et notre règne, le règne de la réussite, de la renommée, le règne de nos goûts. Et nous ne voulons pas mettre notre cœur là où n’est pas notre vrai trésor.
Il est fou de choisir la voie de l’humilité, de la douceur, de l’obéissance, de réagir à l’agressivité par le sourire, de porter à longueur de vie les fardeaux des autres, et les autres même quand ils sont lourds.
Il est fou de rester à Nazareth, dix ans, vingt ans, trente ans, sans vouloir autre chose que ce que Dieu a choisi ; mais cette folie-là, Dieu l’aime ; et il nous a choisis pour devenir fous, car : « Ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui, aux yeux du monde, est vil et méprisé, "ce qui n’a pas d’allure", ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est, afin qu’aucune créature ne puisse s’enorgueillir devant lui. »
Mieux vaut être, avec Jésus, crucifié, que de crucifier Jésus pour rester avec les sages.
Mieux vaut revenir à la folie de notre premier don, à ce jour où nous n’avions plus rien, que de parvenir à notre dernier jour les mains pleines et le cœur rempli de nous-mêmes.
Mieux vaut entrer dans la folie de la croix et retrouver Jésus qui, par amour, a passé pour fou, car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes.