
Première lecture
La parole du Seigneur me fut adressée : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. Si je dis au méchant : ‘Tu vas mourir’, et que tu ne l’avertisses pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang. Au contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie. »
Psaume
Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur !
Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu’à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le !
Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu’il conduit.
Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? « Ne fermez pas votre cœur comme au désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit. »
Deuxième lecture
Frères, n’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi. La Loi dit : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras pas. Ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain. Donc, le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui : il a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel.
Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »
Méditer avec les carmes
« Si ton frère vient à pécher », dit Jésus. Il ne dit pas seulement : « S’il vient à pécher contre toi », mais, d’une manière très générale : « Si ton frère vient à pécher ». Dans ce cas il faut tenter une correction fraternelle et Jésus se montre ici très précis, puisqu’il envisage une démarche en trois étapes : démarche de frère à frère, démarche communautaire, démarche d’Église.
Souvent, dans les communautés monastiques ou religieuses, on avait pris depuis des siècles l’ordre inverse de celui proposé par Jésus : tout se passait d’abord en public devant toute la communauté réunie, et l’on en venait seulement en dernier lieu, et parfois pas du tout, à l’explication fraternelle seul à seul.
Il faut avoir le courage de suivre, ici comme ailleurs, les consignes de Jésus qui tendent nettement à personnaliser la correction fraternelle, et déjà beaucoup de communautés ont reconnu loyalement que leurs usages accusaient une dérive importante par rapport à l’Évangile.
Jésus envisage comme toute première démarche un dialogue de frère à frère, de sœur à sœur, d’époux à épouse, pour que le mal demeure caché et que l’honneur du frère reste sauf. « Va trouver ton frère et reprends-le seul à seul ». Dialogue exigeant, qu’il faut toujours préparer longuement dans la prière, afin de se présenter à l’autre avec un cœur évangélique, sans la moindre trace d’aigreur ou d’agressivité. Dialogue qui, au Carmel, doit rester marqué par une certaine sobriété et qui ne peut se chercher hors du cadre d’une obéissance ouverte, et encore moins dans les zones sacrées du silence, mais dialogue vrai, non contraint, sans calculs, sous le regard de Jésus. Car l’essentiel alors n’est pas de chercher à avoir raison, mais de s’ouvrir à deux à la vérité de l’Esprit Saint.
Il est vrai que, dans un cadre communautaire, cette correction fraternelle personnalisée réclame de chacune une grande loyauté, car en abordant les situations on met parfois en cause les personnes, et l’un des critères d’un dialogue vraiment évangélique entre deux frères ou deux sœurs, c’est qu’il reste constructif pour la communauté et resserre dans la communauté les liens de la confiance.
La mise au point entre deux sœurs ne peut pas non plus être un dérivatif ou une compensation à la solitude vraie, la solitude avec Jésus seul. Mais la crainte des déviations toujours possibles ne doit pas amener les communautés à vider de son sens la parole de Jésus.
« Si ton frère ne t’écoute pas, dit Jésus, prends encore avec toi un ou deux personnes, afin que toute l’affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins »
Tout de suite les choses deviennent plus sérieuses. La démarche perd de sa spontanéité, car il s’agit de faire pression sur le frère pour l’amener à changer, et l’on se trouve déjà dans le cadre juridique d’une sorte de procès. Jésus parle de l’affaire, d’unedécision, d’une parole solennelle, et de témoins. Tout cela suppose qu’il y a du danger dans l’air, soit pour le frère, soit pour la communauté.
« S’il refuse de les écouter, dis le à l’Eglise ».
Si en effet une décision grave doit être prise, il faut qu’elle émane de la communauté et de ses responsables, afin qu’elle ne soit marquée d’aucune vengeance personnelle, d’aucune pression injuste ni d’aucun abus de pouvoir.
« Et s’il refuse d’écouter l’Église qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain ».
Ce qui ne veut pas dire : tu pourras le haïr et le repousser, mais : tu auras fait ton possible, désormais remets-t’en à Dieu pour le salut du frère comme tu t’en remets à Dieu du salut d’un païen qui ne veut pas de dialogue. Mais ce sont là des cas limites, des cas douloureux qui pèsent lourd dans le cœur, et Jésus revient aussitôt, avec insistance, à l’aspect positif de la vie fraternelle, à la nécessité de s’accorder sous son regard, même à deux, même à trois, afin de pouvoir prier ensemble, d’être exaucé ensemble, et de recevoir ensemble la miséricorde du Père.