La femme couronnée d'étoiles selon les commentateurs médiévaux
La couronne de douze étoiles portée par la femme du ciel, image à la fois de la Vierge Marie et de l’Église, symbolise la lumière de la foi transmise par les apôtres, qui, unis au Christ, triomphent des ténèbres du monde par la prédication et la victoire spirituelle. Cette riche symbolique révèle Marie comme mère et modèle de l’Église, fortifiée par le Très-Haut pour engendrer la foi en Dieu.
Haymon d’Auxerre, vers 840 (?)
« Et sur sa tête, une couronne de douze étoiles. Par la femme, avons-nous dit, il faut comprendre l’Église ; par la tête, le Seigneur Jésus-Christ, dont Paul dit en parlant du Dieu Père : "Il a donné son Fils pour tête à l’Église entière, qui est son corps." (Eph 1, 22-23). Les Douze étoiles signifient les douze apôtres, qui chassent les ténèbres de l’infidélité par leur prédication et inondent leurs auditeurs de la lumière de la vérité. D’où ce mot de Daniel : "Ceux qui ont reçu la connaissance et enseignent aux autres, brilleront comme des étoiles pour l’éternité des siècles" (Dn 12, 3).
Sur sa tête, une couronne de douze étoiles : par la prédication, en effet des douze apôtres, toutes les nations dans l’orbe terrestre ont cru au Christ. Et c’est grâce à eux tout d’abord que la tête assuma la victoire sur le monde entier. »[1]
Anonyme anglo saxon, vers l’an 1000.
« Sur sa tête, dans le Christ, une couronne de douze étoiles, soit les Douze apôtres qui ont vécu avec le Christ, ou ceux des douze tribus d’Israël qui ont cru dans le Christ. »[2]
Anonyme du Sud de la France, seconde moitié du XI° siècle.
« La femme enveloppée du soleil est la Vierge Marie, fortifiée par la vertu du Très haut. Mais tout cela convient spirituellement à l’Église, qui fortifiée par le soleil de justice, foule mentalement tout ce qui est du monde. Et sur sa tête, une couronne de douze étoiles : la tête de l’Église, c’est le Christ. Comme dit l’apôtre, il le donna en chef à l’Église tout entière. Les apôtres donc qui à la lumière de la vertu fuient les ténèbres de l’infidélité à travers le monde, sont la couronne du Christ, parce qu’ils sont sa victoire. »[3]
Anselme de Laon vers 1080-1110.
« Un signe grandiose, qui signifiait un grand mystère, apparut dans le ciel : il se laisse connaître dans l’Église. Une femme enveloppée du soleil, c’est l’Église, fortifiée et illuminée par le Christ qui est le soleil véritable. Et c’est pourquoi la lune était sous ses pieds : elle tient pour rien tous les biens temporels, qui grandissent et diminuent. Et toujours sur sa tête, une couronne de douze étoiles : elle se propose en exemple les passions et les triomphes des apôtres. Et l’Église était enceinte : dans son cœur, afin d’engendrer des fils à Dieu, elle portait le Verbe de Dieu. Et parce qu’elle était emplie du Verbe de Dieu, la parturiente criait : elle prêchait, voulant engendrer d’autres fidèles, et elle souffre, elle a supporté mille angoisses, pour engendrer des hommes à la foi en Dieu. »[4]
[1] Haymon d’Auxerre (Commentaire de l’Apocalypse, Auxerre, abbaye Saint-Germain, vers 840 ?), cité par Guy Lobrichon, La femme d’Apocalypse 12 dans l’exégèse du haut Moyen Âge latin (760-1200), dans Marie, le culte de la Vierge dans la société médiévale, Beauchêne, Paris 1996, p. 407-439, p. 415-416
[2] Anonyme anglo saxon, vers l’an 1000, cité par Guy Lobrichon, Ibid., p. 419
[3] Anonyme du Sud de la France, cité par Guy Lobrichon, Ibid., p. 421
[4] Anselme de Laon (Commentaire de l’Apocalypse, Laon, vers 1080-1110), cité par Guy Lobrichon, Ibid., p. 422
Extraits par F. Breynaert de Guy Lobrichon, La femme d’Apocalypse 12 dans l’exégèse du haut Moyen Âge latin (760-1200), dans Marie, le culte de la Vierge dans la société médiévale, Beauchêne, Paris 1996, p. 407-439.