Czestochowa: histoire moderne et contemporaine
Le couronnement de la Vierge de Jasna Góra en 1717, reconnue comme Reine de Pologne, a profondément marqué l’identité spirituelle et nationale du pays, faisant de Marie un symbole vivant de souveraineté et de foi. À travers les siècles, notamment lors des consécrations et pèlerinages, la Pologne a renouvelé son engagement à vivre sous la protection maternelle de Marie, source d’unité, de résistance et d’espérance pour toute la nation.
Le 8 septembre 1717
Le 8 septembre 1717 la Vierge de Jasna Góra fut officiellement couronnée comme "Reine" de la Pologne avec les deux couronnes d’or envoyées par le Pape Clément XI, et qui en 1909 ont été volées. Ainsi Marie devint non seulement pour chaque Polonais mais aussi pour la nation comme telle, comme le dit le pape Jean-Paul II « l’incarnation de son autonomie, de sa souveraineté, de son identité et de sa place parmi les nations du monde. » [1] Plus tard, en 1926, les femmes polonaises, en signe de remerciement, ajoutèrent aux côtés du saint tableau les insignes royaux : le sceptre et le globe.
L’année 1946
En janvier 1945 les Allemands abandonnèrent le sanctuaire. Mais la « libération » si désirée ne fut qu’une furtive lueur ; la même année, tombe sur la Pologne la domination russe et communiste, pour des décennies. Les difficultés considérables, au lieu d’affaiblir l’identité religieuse et mariale du pays, ne firent que l’aiguiser.
En 1946, devant 700.000 pèlerins à Jasna Góra, s’accomplit l’acte de Consécration de la Pologne au Cœur Immaculé de Marie.
1956, le 300º anniversaire des vœux du roi Jean II Casimir
Pour le 300º anniversaire des vœux du roi Jean II Casimir, c’est-à-dire en 1956, se renouvellent, de manière actualisée, les mêmes vœux à travers un texte très important rédigé par le Cardinal Wyszyński, alors en prison. Ce document a été défini par Jean-Paul II « la charte polonaise des droits de l’homme ».
En effet, après avoir avoué son « repentir... pour ne pas avoir jusqu’à présent réalisé les vœux et les promesses de nos pères »,
la nation s’engage devant Dieu à observer les droits de la vie, du mariage indissoluble, de la femme, du foyer domestique ;
elle promet de lutter contre les « défauts nationaux » : « l’insouciance, le gaspillage, l’ivresse, la débauche » ;
elle promet de « travailler avec insistance pour que les fils de la Nation vivent dans l’amour et dans la justice... ; de partager avec joie... les fruits de la terre et les fruits du travail, pour que sous le toit commun... il n’y ait pas d’affamés, de sans-abris et de désespérés » ;
et finalement elle se consacre toute entière à Dieu par Marie. [2]
La préparation du millénaire du baptême en Pologne
Dans le cadre de la « Grande Neuvaine » (1957-1966) pour le Sacrum Poloniae Millennium (1966), deux initiatives pastorales de grande signification ont été lancées :
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Le renouvellement de l’Appel de Jasna Gora.
Cette pratique se répandit après la Seconde Guerre, et c’est devenue une habitude parmi les Polonais fidèles. Il consiste à réciter, à 21 heures - moment de fermeture de la journée du sanctuaire - soit dans le sanctuaire même ou en union spirituelle, la prière suivante :
"Marie, Reine de la Pologne je suis près de toi, je me rappelle de toi, je veille".
Relancé à l’occasion de la « Grande Neuvaine », cet « appel » fut repris par le Pape en 1983 et il en profita pour donner un discours d’empreinte sociale forte. [3]
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La Peregrinatio Mariae (1957-1980).
Ce fut une autre idée du cardinal Wyszyński, consistant à porter une copie de l’icône du Czestochowa en visite aux différents endroits de la Pologne. Mais comme l’image était le symbole de l’unité de la nation et servait de fil qui, en passant à travers tout le pays, cousait effectivement cette unité. Le gouvernement communiste s’y opposa et mit l’image « sous garde ». Cette « incarcération » de la Vierge eut l’effet contraire : au lieu de ralentir, les pérégrinations reprirent avec plus vigueur, animées maintenant d’un symbole plus puissant encore : un cadre vide...
Une mission universelle et un don de soi radical
Pour l’année du Millénaire du baptême de la Pologne (1966), l’église réalisa à Jasna Góra, avec la meilleure solennité, « l’acte millénaire de consécration en esclavage* à Marie » dans lequel on remarque la préoccupation de l’Église polonaise pour le sort « de l’église dans le monde entier ». Cette intention universaliste s’observe mieux encore dans la Consécration de 1971 où est remise à la Vierge de Czestochowa « toute l’humanité, toutes les nations et les peuples ». Serait-ce un signe de la conscience que la Pologne a au sujet de sa « mission universelle ? »
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Ce terme n’est surtout pas à prendre au sens habituel d’aliénation. Il signifie le choix d’orienter la liberté vers Dieu, la lumière et la joie qui viennent de Marie. Évidemment un tel esclavage laisse libre et on peut recommencer tous les matins une consécration en esclavage à Dieu en Marie ! Tout cela est expliqué par saint Louis-Marie de Montfort.
[1] Homélie à Castel Gandolfo, 26/08/1985.
[2] Cf. Bogùmil LEWANDOWSKI, Tutti consacrati alla Madonna, Romagrafik, Roma 1988, p. 161-162 : texte complet en italien des vœux du roi Jean Casimir, p. 165-168.
[3] Cf. « Appel de Jasna Gora » le 12/06/87 et Allocution à Jasna Gora le 13/06/87
Clodovis BOFF