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Les apparitions et interventions mariales
Pologne
Nº 415
Depuis 1384

Czestochowa, l’âme de la Pologne (1384)

Au Ve siècle, une icône de la Mère de Dieu, dite « Madone noire » en raison de la teinte des couleurs de l’image, est transportée par l’empereur Constantin de Jérusalem à Byzance. En 1384, celle-ci est offerte aux pères paulins de Czestochowa (Pologne, Silésie), au lieu-dit de Jasna Gora (« colline lumineuse »). Depuis lors, plus de deux mille six cent dix miracles et interventions de Marie ont été recensés dans et aux alentours du sanctuaire. Symbole de la résistance nationale et phare spirituel des Polonais, ce sanctuaire est l’un des plus grands pèlerinages catholiques du monde. La Bienheureuse Vierge Marie de Czestochowa est célébrée le 26 août.


Les raisons d'y croire

  • Une lettre du roi de Pologne Ladislas II Jagellon († 1434), adressée au pape Martin V († 1431), évoque en détail les multiples miracles de Notre Dame de Czestochowa.

  • Le nombre de miracles enregistrés depuis 1384 dépasse aujourd’hui les 2 610 : guérisons dûment documentées, conversions, vocations sacerdotales et religieuses, protections de l’endroit face aux invasions étrangères, etc. : ce sont autant de manifestations de la Vierge Marie. Les récits originaux de ces miracles sont conservés dans les archives des pauliniens à Jasna Gora.

  • Entre quatre et cinq millions de personnes venues de quatre-vingts pays du monde se rendent au sanctuaire de Jasna Gora chaque année. De nos jours encore, nombreuses sont les personnes qui témoignent des grâces reçues de Notre Dame de Czestochowa.

  • Il est extraordinaire que cette icône soit restée dans ce lieu depuis plus de sept siècles et que le sanctuaire ait résisté aux affres de l’histoire. Rien ni personne, aucune armée d’occupation de la Pologne, aucun régime dictatorial, n’ont jamais réussi à occuper durablement Jasna Gora ou à affaiblir la dévotion à Notre Dame de Czestochowa. Le pèlerinage n’a jamais périclité, malgré des épisodes historiques épouvantables : raids tatars, assauts turcs et suédois, occupation nazie, régime communiste...

  • Le 18 novembre 1655, les Suédois arrivent devant la forteresse de Jasna Gora et exigent sa reddition immédiate. La place n’est défendue que par cent soixante soldats, vingt officiers et soixante-dix moines, face à une armée de trois mille Suédois. Tous les assiégés prient la Madone d’intercéder. Après quarante jours de siège, les Suédois, excédés de ne pas réussir à prendre le monastère, abandonnent la partie. L’échec de l’attaque suédoise est inexplicable sur le plan militaire.

  • Notre Dame a aussi dispersé une armée d’envahisseurs soviétiques en apparaissant sur les rives de la Vistule, à la périphérie de Varsovie, le 15 août 1920, jour de la fête de l’Assomption. Le lendemain, une offensive polonaise est lancée au sud de la capitale, perçant les lignes russes.

  • De la même façon, les autres grandes victoires polonaises ont eu lieu après une demande d’intercession à la Vierge de Czestochowa et lui sont donc attribuées : contre les Tatars (1487 et 1527), contre la Russie (1514), contre les Ottomans (1621 et 1675).

  • En 1656, le prince Casimir de Pologne consacre le pays à Marie et choisit Notre Dame de Czestochowa comme Reine et patronne de la Pologne. Puis, en 1946, en pleine occupation soviétique, malgré les mesures de police prises par le régime communiste, sept cent mille pèlerins se réunissent à Jasna Gora afin d’accomplir l’acte de consécration de la Pologne au Cœur immaculé de Marie. Les Polonais remettent ainsi le salut de leur nation entre les mains de la Vierge Marie.

  • En 1957, le pape Pie XII bénit une copie de l’icône. Celle-ci allait faire le tour de la Pologne, alors en pleine répression politique soviétique, passant de diocèse en diocèse, de paroisse en paroisse, jusqu’en 1980 ! Conversions et miracles divers sont certifiés.

  • Le miracle constant de la Vierge de Czestochowa tient à l’inexplicable salut historique de la nation polonaise, plusieurs fois dépecée. Aujourd’hui, la Pologne est une nation européenne démocratique, pleinement indépendante.


En savoir plus

En 1382, le duc Ladislas II d’Opole (1332 – 1401) fonde à Czestochowa (« montagne, colline lumineuse »), au sud de la Pologne, sur la colline de Jasna Gora, qui domine la cité, un monastère de pauliniens pour lequel il fait venir des religieux de Hongrie. Il y installe une icône de la Vierge Marie, dite la Madone noire ou « Vierge de saint Luc ». Elle aurait été peinte par l’évangéliste saint Luc sur une planche de bois de la table sur laquelle priait la Sainte Famille. Rapidement, celle-ci jouit d’une réputation miraculeuse à travers la région. Cette icône d’une largeur de 82,2 cm est dite « Hodigitria », c’est-à-dire « conductrice », « celle qui guide le long de la route ». La Vierge Marie présente son Fils aux hommes en le montrant de la main. Son rôle de médiatrice est ici magnifiquement illustré. Peinture d’inspiration byzantine, elle représente l’Enfant Jésus tenant la Parole de Dieu dans une main et bénissant de l’autre. Jésus et Marie ne sont pas tournés l’un vers l’autre, mais vers le monde, vers chaque spectateur de l’image.

Le sanctuaire de Jasna Gora est le cœur de la Pologne. Au cours de l’histoire, les Polonais ont prié Notre Dame de Czestochowa chaque fois qu’un événement grave se déroulait. Et à chaque fois, la Madone est intervenue en leur faveur, sans discontinuité, de 1384 à aujourd’hui.

Lorsque Ladislas II d’Opole († 1401) voulut mettre l’image hors de portée des Tatars, qui multipliaient les attaques, en l’emmenant loin de Czestochowa, le phénomène suivant se produisit : au moment de partir, après qu’elle a été retirée de la petite église en bois et mise dans un chariot, les chevaux refusèrent de bouger. Y voyant un signe céleste, Ladislas la ramena dans l’église susnommée.

Le 14 avril 1430, jour de Pâques, les hussites pillent le sanctuaire et infligent à l’image des « balafres » toujours visibles. Un des pillards a jeté le tableau contre le sol avec violence ; il s’est cassé en trois mais, de manière inexpliquée, la tête de la Vierge Marie est restée entière et la région attaquée est finalement tirée d’affaire. Cet épisode est suivi par bien d’autres : 1487, 1514, 1527, 1621, 1655, 1675… À partir de 1621, les rois de Pologne construisent des fortifications autour de la cité pour se défendre des attaques. Depuis lors, et après la consécration de la Pologne à Notre Dame de Jasna Gora le 1er avril 1656 à Lviv (actuelle Ukraine) par le roi Jean II Casimir Vasa, Jasna Gora est à la fois le cœur spirituel de la Pologne et le symbole de sa liberté.

Il ne s’agit pas seulement de conflits localisés, circonscrits à une province, mais de combats engageant l’indépendance de la nation polonaise. Toutes les fois que la liberté des Polonais semble irrémédiablement compromise, la Vierge est intervenue en leur faveur. Partagé entre la Prusse, l’Autriche et la Russie aux XVIIe et XVIIIe siècles, le pays est partagé une première fois en 1772, puis disparaît carrément de la carte en 1795.

L’épisode napoléonien est une catastrophe pour le sanctuaire, car celui-ci est occupé par les Russes. Les puissances occupantes d’alors voient en Jasna Gora un monument du patriotisme polonais. Elles interdisent les pèlerinages et surveillent étroitement les moines. En 1863, une insurrection polonaise aggrave la répression. De nombreux religieux sont déportés en Sibérie. L’imprimerie et la pharmacie du monastère sont fermées.

L’indépendance acquise en 1918 sera très brève. Deux ans plus tard, l’armée soviétique menace Varsovie. Les évêques polonais se réunissent à Jasna Gora le 27 juillet 1920 pour renouveler la consécration du pays à Marie. Le 15 août suivant, jour de l’Assomption, le « miracle sur la Vistule » met un terme à l’appétit territorial de l’URSS.

En mai 1936, vingt-cinq mille étudiants polonais se consacrent à Notre Dame de Czestochowa et promettent de construire une Pologne nouvelle. Parmi eux, un certain Karol Wojtyła...

En 1939, l’armée hitlérienne envahit le pays. Les nazis occupent une partie du sanctuaire et interdisent à nouveau les pèlerinages. Les Polonais continuent de s’y rendre en cachette, la nuit… Les moines prêtent assistance aux résistants, aux prisonniers de guerre et aux juifs, dont l’essentiel de la communauté est prisonnier à l’intérieur du ghetto de Czestochowa. Le 16 janvier 1945, les chars soviétiques attaquent par surprise. Les nazis, paniqués, fuient sans emporter les œuvres d’art ni détruire le sanctuaire.

Après la Seconde Guerre mondiale, qui a ravagé le territoire, tout semble perdu lorsque commence la domination soviétique, qui ne s’achève qu’à la fin des années 1980… C’est désormais sous la botte soviétique que les Polonais doivent vivre. Les actes de résistance et les prodiges de la Madone jalonnent cette longue séquence de l’histoire. En 1948, l’épiscopat consacre une nouvelle fois la nation à Marie. En 1956, Stefan Wyszynski, primat de Pologne, est jeté en prison par les communistes. Il y écrit une prière pour la nation. Celle-ci est lue à Jasna Gora le 26 août 1956 devant un million de pèlerins. Mgr Wyszynski est libéré deux mois plus tard. Entre 1957 et 1980, une copie de l’icône, bénie par le pape Pie XII, fait le tour de la Pologne, passant de diocèse en diocèse, de paroisse en paroisse. En 1985, le clergé polonais décide d’une seconde pérégrination. Celle-ci a duré aussi plusieurs années.

Le 3 mai 1966, la Pologne fête le millénaire de son évangélisation. À cette occasion, l’épiscopat polonais consacre le pays « à la protection particulière de la mère de Dieu, à la mère de l’Église, pour l’Église du Christ qui doit être libre ». Le miracle constant de la Vierge de Czestochowa tient à l’inexplicable salut historique de la nation polonaise, plusieurs fois dépecée. Aujourd’hui, la Pologne est une nation européenne, démocratique, pleinement indépendante.

Le pèlerinage de Czestochowa est devenu mondial. Il réunit dans une même ferveur entre quatre et cinq millions de personnes tous les ans, venues de quatre-vingts pays du monde.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et les phénomènes mystiques.


Au delà

  • L’Église catholique a depuis toujours reconnu le sanctuaire polonais comme un des hauts lieux spirituels du monde. Le 8 septembre 1717, la Vierge a été couronnée Reine de la Pologne par le pape Clément XI. Saint Jean-Paul II est venu trois fois à Czestochowa après son élection pontificale ; il a érigé le diocèse au rang d’archidiocèse métropolitain en 1992.


Aller plus loin

Anna Niedzwiedz, « Mère et Reine : la Vierge de Czestochowa », Ethnologie française, vol. 40, 2010, 2, p. 315-326.


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