Espis (France 1946) – jugement négatif
Au Moyen Âge, les récits d’apparitions mariales se développent en lien avec la foi et la dévotion, mais il est essentiel de discerner entre expériences authentiques et légendes ou impostures, comme en témoignent les cas contrastés de saint Yves, symbole d’une communion spirituelle profonde avec la Vierge, et de Jacob, dont les prétendues visions ont conduit à la tromperie et à la violence. Cette période invite ainsi à une lecture attentive et éclairée des manifestations mariales dans l’histoire chrétienne.
La tendance à prêter aux saints des apparitions ne semble pas intervenir avant le Moyen Âge latin. C’est au XIIe et surtout au XIIIe siècle que les apparitions et les miracles deviennent un thème porteur et d’usage en hagiographie.
Il est très difficile alors de démêler, en ces matières, l’histoire et la légende.
Le critère le plus sûr, c’est lorsque le voyant lui-même relate son expérience d’apparition.
Mais il y a aussi des cas de personnages ayant provoqué l’erreur, par exemple Jabob en l’an 1251.
Exemple d’un saint dont les représentations portent à l’exagération [1]
Saint Yves (Yves Helori) est un prêtre breton, il a vécu vers 1250-1303, fut canonisé en 1347 et il est le patron des hommes de loi. Aucun biographe contemporain (Le Guillou ou Le Mappian) ne fait référence à une quelconque apparition de la Vierge Marie à saint Yves. Mais aux XVIIe et XVIIIe siècles, des peintres ont représenté saint Yves priant la Vierge dans une grande proximité physique qui pourrait laisser croire à une apparition (Jacopo da Empoli, Saint Luc recommandant saint Yves à la Vierge, vers 1630, Musée du Louvre ; Giacomo Triga, La Vierge et les saints Yves, Gilles et Gimnesius, 1723, Rome, église Santa Lucia della Tinta). Il s’agit en fait d’un procédé pictural visant à montrer la communion du saint avec le ciel.
Exemple d’un imposteur [2]
Vers 1250, Jacob, originaire de Hongrie, prétend qu’une apparition de la Vierge lui a indiqué qu’il avait été choisi par Dieu pour mener une nouvelle croisade visant à libérer le Saint-Sépulcre à Jérusalem, après l’« échec » de Louis IX. Jacob commence à prêcher cette croisade en Picardie à Pâques 1251. Son succès est immédiat. L’apparition est représentée sur les étendards. Il prêche à Paris, vêtu des ornements épiscopaux (alors qu’il n’est pas évêque). À Orléans, il occupe la cathédrale. Leur périple vers Marseille et Aigues-Mortes est jalonné de crimes : vols, viols, meurtres. La reine Blanche de Castille, alertée, déclare Jacob hors la loi. Elle envoie des troupes pour l’arrêter. Jacob est exécuté.
[1] J.-Ch. Cassard, Saint Yves de Tréguier. Un saint du XIIIe siècle, Paris, Beauchesne, 1992 ; id., « Yves (saint) », DMEC, 2002, 859-860 [2] N. Cohn, Les Fanatiques de l’Apocalypse. Millénaristes révolutionnaires et anarchistes mystiques au Moyen Âge, Paris, Payot, 1983, 98-102 ; G. Sivery, Blanche de Castille, Paris, Fayard, 1990, 245-248.
Synthèse F. Breynaert