Le dialogue de Marie et Jésus selon les Pères de l'Église
Dans cet épisode fondamental des noces de Cana, Marie, pleine de foi et de confiance en son Fils, révèle sa profonde connaissance de sa mission divine, tandis que Jésus, dans sa double nature humaine et divine, manifeste avec sagesse le moment choisi pour commencer ses miracles, soulignant ainsi la grandeur mystérieuse de son œuvre salvatrice. Les commentaires des Pères de l’Église éclairent cette scène en montrant comment Marie, mère attentive et spirituelle, accompagne le début de la révélation messianique avec une foi active et respectueuse.
Or, on manqua de vin ; la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »
Selon saint Jean Chrysostome :
"Il est important d’examiner d’où venait à la mère de Jésus, cette haute idée qu’elle avait de son Fils, alors qu’il n’avait encore fait aucun miracle, puisque l’Évangéliste fait plus loin cette remarque : « Ainsi Jésus fit à Cana, en Galilée, le premier de ses miracles ,» etc.
Nous répondons que sa gloire et sa puissance commençaient à se révéler par le témoignage de Jean, et par ce que Jésus lui-même avait dit à ses disciples.
D’ailleurs, et bien auparavant, sa conception toute divine, et les prodiges qui entourèrent son berceau, avaient donné à Marie la plus haute idée de l’enfant dont elle était mère. Saint Luc confirme cette explication, lorsqu’il dit : « Et sa mère conservait toutes ces choses dans son cœur . »
Pourquoi donc Marie ne l’a-t-elle pressé plus tôt de faire des miracles ?
C’est qu’il commençait seulement alors sa vie publique ; jusque-là sa vie extérieure avait été celle d’un homme ordinaire, et sa mère n’avait osé lui faire une demande semblable. Mais dès qu’elle eut appris le témoignage que Jean lui avait rendu, et qu’elle l’eut vu entouré déjà de disciples, elle lui fait cette prière avec confiance."
Selon saint Augustin :
"Il en est qui osent contredire l’Évangile, affirmer que Jésus n’est point né de la Vierge Marie, et ils cherchent à appuyer leur erreur sur ces paroles de Jésus à Marie.
Comment, objectent-ils, regarder comme sa mère celle à qui Jésus ne craint pas de dire : « Qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? »
Mais quel est donc celui qui présente ces dernières paroles du Seigneur à notre foi ? c’est Jean l’Évangéliste ; mais n’est-ce pas lui aussi qui vient de nous dire : « Et la mère de Jésus était là ? » Pourquoi s’exprime-t-il de la sorte ? c’est que les deux choses sont vraies.
Jésus, en tant qu’homme, était inférieur à Marie, et il lui était soumis ; mais en tant que Dieu, il était au-dessus de toutes les créatures. C’est donc pour bien distinguer entre l’homme et Dieu, qu’il dît à Marie : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? »"
Selon saint Jean Chrysostome :
"Le Sauveur fait encore cette réponse pour une autre raison, il ne veut pas que ses miracles soient l’objet du moindre soupçon. En effet, c’étaient à ceux qui manquaient du vin, et non à sa mère, de lui faire cette demande.
Il veut donc montrer qu’il fait toutes ses actions en temps convenable, avec discernement et sans aucune confusion. C’est pour cela qu’il ajoute : « Mon heure n’est pas encore venue , » c’est-à-dire, je ne suis pas encore connu de ceux qui sont ici ; ils ne savent pas encore que le vin manque, laissez-les donc s’en apercevoir tout d’abord.
Celui qui n’a pas éprouvé la nécessité d’un bienfait, n’en comprendra pas non plus l’importance."
Selon saint Augustin :
"Ou bien encore, Notre-Seigneur répond de la sorte, parce qu’en tant qu’il était Dieu, il n’avait point de mère ; il en avait une en tant qu’homme, mais le miracle qu’il devait opérer était l’œuvre de la divinité, et non de la faible nature humaine.
Cependant la mère de Jésus le pressait de faire ce miracle. Mais Jésus, alors qu’il allait accomplir les œuvres divines, semble méconnaître le sein où il a été conçu, et il dit à sa mère : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? »
Paroles dont voici le sens : Vous n’avez pas engendré la puissance qui doit en moi opérer ce miracle, c’est-à-dire ma divinité. (Il l’appelle femme, pour désigner son sexe, et non pour l’assimiler aux femmes ordinaires.) Mais comme c’est vous qui avez engendré ce qu’il y a de faible en moi, je vous reconnaîtrai lorsque cette faible nature humaine sera suspendue à la croix.
Voilà pourquoi il ajoute : « Mon heure n’est pas encore venue , » c’est-à-dire, je vous reconnaîtrai lorsque cette humanité, dont vous êtes la mère, sera attachée à la croix. C’est alors, en effet, qu’il recommande sa mère à son disciple, parce qu’il allait mourir avant elle, et qu’il devait ressusciter avant sa mort."
(Extraits de "La chaîne d’or". Explication suivie des quatre composée des interprètes grecs et latins et surtout des ss. Pères, traduction par l’abbé J.-M. Peronne, 1868)