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La profondeur de la spiritualité chrétienne
Nº 811

Le Dieu des chrétiens est bien le Dieu des philosophes

Depuis toujours, l’homme cherche Dieu, et cette quête universelle montre un désir profond, inscrit dans le cœur humain. Or, selon la philosophie classique, un tel désir ne peut être vain. Par la seule raison, les grands penseurs ont reconnu l’existence d’un Dieu unique, premier, vivant, intelligent et bon. La foi chrétienne ne contredit pas cette découverte, elle la prolonge : ce Dieu s’est révélé, il est Père, il aime l’homme, et il s’est fait proche. Même la Trinité, que seule la Révélation peut dévoiler, trouve un écho chez certains philosophes comme Plotin. Ce dialogue entre foi et raison montre que croire n’est pas fuir l’intelligence, mais l’accomplir. Le Dieu des chrétiens est bien celui que la raison pressent, et il est même infiniment plus. Il ne se laisse pas seulement comprendre : il se laisse aimer.


Les raisons d'y croire

  • Depuis toujours, dans toutes les cultures, les hommes ont cherché Dieu. Ce fait universel révèle un désir naturel de Dieu inscrit dans le cœur humain. Or, selon un principe fondamental de la philosophie classique, un désir naturel ne peut être vain. S’il existe en l’homme un besoin profond de connaître et d’aimer Dieu, c’est que ce Dieu existe, qu’il peut être connu et aimé.

  • Un des principaux motifs de crédibilité de la foi chrétienne est que le Dieu des chrétiens correspond parfaitement au Dieu des philosophes, tout en allant au-delà. Plusieurs penseurs comme Platon, Aristote ou Plotin ont découvert par la seule raison un Dieu unique, premier, éternel, immatériel, vivant, cause de tout ce qui existe. La foi chrétienne reconnaît exactement ces attributs et les prolonge dans la révélation d’un Dieu personnel, qui aime et qui se rend proche de l’homme.

  • La création elle-même parle d’un créateur. L’ordre, la beauté et l’intelligibilité du monde visible permettent à la raison de remonter jusqu’à un principe premier. Ce n’est pas seulement une conviction religieuse : c’est un raisonnement naturel. Saint Paul l’exprime en ces termes : « Depuis la création du monde, on voit bien, par l’intelligence, ses œuvres, ses perfections invisibles » ( Rm 1,20 ).

  • La raison montre qu’il ne peut y avoir qu’un seul Dieu. En remontant la chaîne des causes, on atteint un point où il faut un principe premier unique, nécessaire et absolu. C’est ce que reconnaissaient déjà Platon et Aristote. Et c’est ce que la Révélation affirme avec clarté : « Le Seigneur notre Dieu est l’unique » ( Dt 6,4 ).

  • Ce Dieu unique n’est pas une abstraction : il est vivant, intelligent et libre. Si la cause contient tout ce qui est dans l’effet, alors la vie, la pensée et la liberté que nous observons dans le monde doivent se retrouver de façon éminente en Dieu. Et l’Écriture l’affirme aussi : « Le Seigneur est le Dieu vivant » ( Jr 10,10 ) ; « Sa sagesse n’a pas de mesure » ( Ps 146,5 ) ; « Tout ce qu’il veut, il le fait » ( Ps 113B,3 ).

  • Même le mystère chrétien de la Trinité trouve un écho dans certaines philosophies. Plotin parlait de l’Un, de l’Intelligence et de l’Âme : trois réalités divines, qui annoncent, de loin, le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Cela montre que la raison humaine peut pressentir certains mystères, que seule la foi permet ensuite de reconnaître pleinement.

  • L’idée même de relation, de communion, trouve sa source en Dieu. Dans le monde créé, la relation (amour, don, unité…) est un bien supérieur. Si Dieu est la source de tout bien, alors il ne peut être sans relation. Le christianisme affirme que Dieu est relation en lui-même : le Père aime le Fils, le Fils répond à cet amour, et l’Esprit Saint est leur unité vivante.


En savoir plus

Depuis les origines, l’homme cherche Dieu. À toute époque, dans toutes les cultures, il l’a fait avec tout ce qu’il est : son intelligence, son imagination, ses sens. Cette recherche universelle manifeste une réalité profonde : le cœur de l’homme est habité par un désir naturel de Dieu.

Or, selon un principe classique de la philosophie, un désir naturel ne peut être vain. Si l’homme désire connaître et aimer Dieu, c’est qu’un tel Dieu existe, et qu’il peut être connu et aimé.

Face aux merveilles du monde visible, l’homme peut, par sa raison, remonter jusqu’à un principe supérieur. Saint Paul lui-même affirme que les perfections invisibles de Dieu se laissent entrevoir à travers les œuvres de la création ( Rm 1,20 ). Mais cette connaissance reste partielle. La raison humaine ne peut accéder seule à l’intimité de Dieu.

Pour que l’homme puisse aller plus loin, il fallait que Dieu se révèle lui-même. C’est ce qu’il a fait, progressivement, par les prophètes, et pleinement en Jésus-Christ, il y a deux mille ans.

Dieu Unique

S’il est vrai que de nombreuses civilisations ont vénéré une multiplicité de dieux, les philosophes ont rapidement compris que, derrière la multiplicité du monde visible, il doit exister l’Unité.

En remontant la chaîne des causes, la raison découvre qu’on ne peut aller à l’infini : il faut un principe premier. C’est ainsi que Platon et Aristote ont reconnu l’existence d’un Dieu unique, principe de tout ce qui existe. De même qu’il n’existe qu’une seule vérité, il n’existe qu’un seul Dieu. Cette unité fondamentale de Dieu fonde la possibilité d’une relation vraie entre l’homme et son Créateur.

Ces découvertes de la raison rejoignent ainsi la Révélation : « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique » ( Dt 6,4 ). Et encore : « Il n’y a pas d’autre Dieu que moi » ( Is 45,5 ).

Dieu Provident

Mais Dieu ne se contente pas d’être parfait, il est la source de tout ce qui existe. Rien de ce qui est n’a été fait sans lui. Il est la cause première, créateur et fondement de toute chose.

C’est ce que proclame le prologue de l’Évangile selon saint Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu […]. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut » ( Jn 1,1-3 ).

Cette vérité, Aristote l’avait entrevue. Pour lui, Dieu est le « premier moteur » immobile. Il est celui par qui tout commence, celui qui met en mouvement tout ce qui existe. Mais il ne se contente pas de créer : il gouverne, guide, accompagne.

Saint Thomas d’Aquin l’a exprimé ainsi : Dieu ne se limite pas à créer les êtres, il les conduit vers leur fin, c’est-à-dire vers leur accomplissement. C’est ce que la foi chrétienne appelle la Providence.

Dieu est donc bon. Il crée et agit dans le monde pour conduire chaque créature vers son bien véritable, vers sa plénitude. Pour l’homme, ce bien ultime, c’est Dieu lui-même.

Dieu Vivant

Mais Dieu est bien plus encore que cela. Il n’est pas une force abstraite ou impersonnelle. Il est le Dieu Vivant.

Les philosophes, et particulièrement les néoplatoniciens, ont découvert que tout ce qui se trouve dans l’effet doit se retrouver, d’une manière supérieure, dans la cause. Or, dans la création, on constate l’existence de la vie. Et pas seulement de la vie, mais encore de l’intelligence et de la liberté. Il faut donc que Dieu lui-même, cause première du monde, soit en lui-même, au plus haut degré, vivant, intelligent et libre.

C’est aussi ce que nous apprend la Révélation : « Mais le Seigneur est le vrai Dieu, le Dieu vivant » ( Jr 10,10 ) ; « Il est grand, il est fort, notre Maître : nul n’a mesuré son intelligence » ( Ps 146,5 ) ; « Notre Dieu, il est au Ciel ; tout ce qu’il veut, il le fait » ( Ps 113B,3 ).

Dieu Trinité

Certains philosophes ont entrevu, sans le nommer, quelque chose du mystère trinitaire. C’est particulièrement vrai chez Plotin et chez les néoplatoniciens, qui parlent de l’Un, de l’Intelligence et de l’Âme comme de trois réalités distinctes et divines. L’Un est le principe absolu, l’Intelligence est sa pensée, et l’Âme est ce par quoi le monde reçoit vie et ordre.

Cette structure, bien qu’imparfaite, offre un écho frappant de la Trinité chrétienne. L’Un peut évoquer le Père, source de tout. L’Intelligence correspond au Fils, qui est le Logos, la Parole éternelle du Père. L’Âme rappelle l’Esprit Saint, principe de vie et d’unité. Trois réalités, un seul principe.

Saint Augustin, entre autres, a relevé cette proximité. Il n’y a pas identité, mais une vraie préparation philosophique à la foi. Cela montre que la raison, même sans la Révélation, peut s’approcher de vérités profondes, bien qu’elle ne puisse les atteindre pleinement.

Enfin, si la relation est un bien, elle ne peut être absente de Dieu. Dans le monde créé, on voit que la relation, l’amour et le don mutuel ont une valeur supérieure. Or, tout bien vient de Dieu et doit se retrouver en lui, de manière plus haute. C’est pourquoi la foi chrétienne confesse que Dieu est relation en lui-même : le Père aime le Fils, le Fils répond à cet amour, et l’Esprit Saint est ce lien vivant entre eux. Un seul Dieu en trois Personnes.

La révélation chrétienne

Ainsi, la raison peut découvrir beaucoup de choses sur Dieu. Elle peut reconnaître qu’il est unique, cause première, vivant, intelligent, libre, bon, et ordonnateur du monde. Elle peut même pressentir quelque chose du mystère trinitaire.

Mais seule la foi, éclairée par la Révélation, ose l’appeler Père, et croire qu’il s’est approché de l’homme, qu’il a parlé, souffert, aimé, jusqu’à donner sa vie.

Le Dieu des chrétiens est bien le Dieu des philosophes, mais le Dieu des philosophes reste encore loin du Dieu des chrétiens. Car si la raison peut atteindre l’idée d’un Dieu parfait et nécessaire, elle ne peut découvrir seule qu’il est relation et amour personnel.

Et si nous cherchons Dieu, ce n’est pas seulement pour le comprendre, mais pour l’aimer. Car lui aussi nous cherche, et il a placé en nous le désir de le connaître, afin que ce désir nous conduise jusqu’à lui. « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi » (saint Augustin).

Antoine de Montalivet a étudié la philosophie et la théologie au séminaire diocésain de Fréjus-Toulon.


Aller plus loin

Encyclique Fides et ratio de saint Jean-Paul II.


En complément

  • CEC § 27-30 : « Pourquoi y a‑t‑il en l’homme le désir de Dieu ? »

  • CEC § 31‑36 : « Peut‑on connaître Dieu avec la seule lumière de la raison ? »

  • CEC § 279‑314 : « Dieu Créateur ».

  • Benoit XVI, Ce qu’est le christianisme, Éditions du Rocher, 2023.

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