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© Helvio ricina, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Les anges et leurs manifestations
Lorette (Italie, Marches)
Nº 812
1291

La Maison de Lorette : les anges de Dieu en action

La Sainte Maison de Lorette (Santa Casa di Loreto) désigne un lieu unique dans l’histoire du christianisme : la demeure de Nazareth où la Vierge Marie reçut l’annonce de l’ange Gabriel et où Jésus passa son enfance. Celle-ci a été « transportée » de manière inexplicable jusqu’à Lorette (Italie, Marches, région d’Ancône) en 1291. On parle de « translation » pour décrire ce phénomène qui reste aujourd’hui encore sans explication. La dévotion qui se rattache au sanctuaire, édifié aux XVe et XVIe siècles, est ancienne et profondément enracinée ; la liturgie catholique commémore d’ailleurs chaque 10 décembre la translation miraculeuse de la Sainte Maison. Devenu un grand lieu de pèlerinage international, Lorette est associé, depuis des siècles, à de nombreuses guérisons et conversions rapportées par les fidèles.


Les raisons d'y croire

  • Des campagnes de fouilles archéologiques ont été réalisées sur le site entre 1962 et 1968. Elles ont abouti à des conclusions déroutantes en faveur de l’authenticité de cette maison. Tout d’abord, l'édifice ne repose sur aucune fondation mais directement sur le sol, comme si l’ensemble avait été posé sur un sol différent de celui d’origine.

  • Des analyses pétrographiques et architectoniques ont été entreprises ; leur résultat converge totalement : la maison a une origine palestinienne ; la taille des pierres est celle pratiquée par les Nabatéens et les Hébreux à l’époque de Jésus, et les pierres calcaires utilisées sont identiques à celles de la région de Nazareth, et non aux matériaux locaux des Marches italiennes.

  • Ensuite, des graffitis tracés sur les murs de la maison ont retenu l’attention des spécialistes. Il s’agit de croix d’aspect inhabituel (avec deux ou trois cornes et à double taille) dont les monogrammes sont rapidement inusités après les touts débuts du christianisme. Deux experts mondiaux, Emmanuele Testa et Bellarmino Bagatti, ont déclaré qu’il s’agissait de signes judéo-chrétiens peu répandus, or des figures similaires ont été identifiées à Nazareth et elles ont été datées du IIIe siècle.

  • La fin du XIIIe siècle correspond à l'époque de la chute du dernier bastion croisé (Saint-Jean-d’Acre), la maison de la Vierge était alors menacée de profanation à Nazareth.

  • Des monnaies datant de 1452 ont été découvertes dans le sous-sol de la structure, prouvant que la maison est présente en ces lieux depuis au moins le XVe siècle et que la dévotion des fidèles étaient déjà vive.

  • Bien que le transport de la maison par les anges depuis la Terre Sainte ait été l’objet de vives discussions, il n’en reste pas moins vrai que l’authenticité du texte de la Translatio miraculosa de 1472 n’a jamais été démentie. Son auteur, Pietro Giorgio di Tolomei, n’avait rien d’un illuminé ni d’un menteur. Il est le recteur du sanctuaire de 1450 à 1473.

  • Les premiers témoignages iconographiques concernant le déplacement de la maison de Nazareth jusqu’à Lorette (deux bas-reliefs du XVe siècle) figurent bel et bien un transport par les anges - non dans les airs mais dans la mer.

  • Les fruits spirituels et humains recueillis dans cette maison dépassent tout ce qui est humainement explicable. Il est possible d'en rendre compte en considérant qu’il s’agit effectivement du lieu où l’Annonciation fut dite à Marie. Guérisons, fins d’épidémies, vocations sacerdotales et religieuses, conversions, retour à la pratique sacramentelle, y témoignent de la présence de la Reine des Anges.

  • En effet, le nombre de guérisons inexpliquées dans le sanctuaire de Lorette ne se comptent plus depuis le XIIIesiècle ; les cas contemporains sont aussi importants que par le passé. Pour n’en citer qu’une seule : vers 1463, atteint de la peste, le cardinal Pietro Barbo (+1471) demande qu’on le transporte au sanctuaire de Notre-Dame de Lorette. Là, « il s’endormit, et vit dans son sommeil la bienheureuse Vierge qui lui promit non seulement qu’il guérirait, mais que très prochainement il serait élevé sur la chaire de saint Pierre ». De fait, il guérit miraculeusement puis fut élu pape en 1464, sous le nom de Paul II.

  • Le sanctuaire n’a jamais désempli depuis plus de sept siècles. Il a été pendant plus de trois siècles l’un des principaux pèlerinages européens, loin devant Rome ou Saint-Jacques de Compostelle même. Les pèlerins s’y rendaient par centaines de milliers via la route Lauretana. Une telle affluence s’explique par la particularité et l’unicité de ce lieu.

  • Plusieurs éléments montrent la position favorable de l’Église vis-à-vis du sanctuaire, depuis le Moyen-Âge jusqu’à aujourd’hui. Dans la bulle In sublimia du 21 octobre 1507, le pape Jules II a défini la maison sainte comme un lieu pieux dont les origines méritent d’être crues, s’agissant à ses yeux de l’endroit où Marie reçu l’annonce angélique de la venue du Messie. Le pape Sixte V (+1590) a de plus fait graver en lettres d’or sur façade de la basilique les mots suivants : « Maison de la Mère de Dieu où le Verbe s'est fait chair ». Au moins une quinzaine de papes se sont rendus au sanctuaire de Lorette. Le dernier d’entre eux, François, y vint en 2019.

  • Suite à la découverte de documentation mentionnant le transport naval d’une lourde infrastructure par la famille Angeli, certains auteurs ont cru bon de conclure que les « anges » de la tradition n’étaient en réalité que les membres de la fratrie Angeli. Mais une équipe de marin, même secondée par des artisans du bâtiment, aurait-elle réussi à prélever une maison complète de Terre sainte et à la transporter sans encombre jusqu’en Italie ? L’hypothèse selon laquelle la maison aurait été démolie, ramenée pierre par pierre puis rebâtie à Lorette tient difficilement. Les conditions de navigation et les outillages du XIIIe siècle ne le permettent a priori pas sans secours divin. De plus, il est étonnant qu’une telle entreprise n’ait pas laissé davantage de traces historiques.


En savoir plus

Vers 1472, un texte signé par Pietro Giorgio di Tolomei, dit « le Teramano », recteur du sanctuaire de Notre-Dame de Lorette (Italie, Marches), intitulé Translatio miraculosa (« Translation miraculeuse ») décrivait le transport miraculeux de la maison de Marie de Nazareth, où la Mère de Jésus avait reçu l’Annonciation, par des anges. Le document mentionnait avec précision les étapes du périple inexpliqué : Tersatto, près de Fiume (Rijeka, Croatie), puis trois lieux de la région de Recaniti : dans une forêt appelée « Loreta », puis sur une colline où deux frères se seraient disputé les offrandes encore présentes dans la maison, et, enfin, à Lorette même, au milieu d’une voie publique.

Quoi qu’il en soit, le sanctuaire de Lorette attire des centaines de milliers de fidèles depuis 1291 : c’est même depuis cette date l’un des principaux pèlerinages du monde chrétien. Un autel est aménagé dans le sanctuaire en 1341 sur ordre du pape français Benoît XII. Des fêtes en l’honneur de la Vierge de Lorette sont organisées dans les villes et villages des Marches à partir de la seconde moitié du XIVe siècle.

D’autres hypothèses ont été avancées pour expliquer l’apparition de la maison sur le sol italien. On a retrouvé des notes de frais correspondant au transport par bateau d’une lourde infrastructure au nom de la famille Angeli, ce qui a poussé certains auteurs à écrire que les anges étaient en réalité les membres de la fratrie. Ceux-ci auraient organisé le démontage puis le transport de toutes les pierres jusqu’en Italie afin de les préserver de la menace ottomane. Mais aucun document historique n’a jamais mentionné le détail d’une telle entreprise.

De surcroît, lorsque le recteur du sanctuaire rédige son texte, le pèlerinage bat son plein depuis longtemps déjà. Ni le clergé ni les pouvoirs municipaux (de Lorette comme d’Ancône) ne sont capables d’avancer aucune explication quant à l’origine de la sainte maison de la Vierge.

Avec le soutien jamais démenti de la papauté, le sanctuaire est aménagé, agrandi, embelli tout au long du XVe siècle et au siècle suivant. Peu après 1600, une messe et une litanie mariale en l’honneur de la maison de Lorette sont approuvées par le Saint-Siège. Cette litanie est l’une des cinq existantes seulement à avoir été reconnues par l’Église catholique.

L’extérieur de la maison est alors protégé par une couverture de marbre dans laquelle furent pratiquées quatre ouvertures.

On ne compte plus les personnalités illustres - religieuses, politiques, artistiques, etc. - qui se sont rendus à Lorette : papes (saint Jean-Paul II, Benoît XVI pour l’époque contemporaine), cardinaux, évêques, et, avant tout, saintes et saints. Citons par exemple saint François de Sales, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, saint Alphonse de Liguori, Chiara Lubich, Christophe Colomb, Anne d’Autriche... Toutes et tous ont loué le sanctuaire avec des mots merveilleux.

En 1623, un pèlerin pour le moins inattendu, pénètre dans le sanctuaire de Lorette : René Descartes ! L’auteur du Discours de la méthode y alla pour remercier la Vierge Marie d’un rêve qu’il mentionne dans une de ses œuvres, les Olympiques.

Le 4 octobre 2012, le pape Benoît XVI, présent dans le sanctuaire, déclare ce qui suit au cours de son homélie : « La Sainte Maison de Lorette nous donne un enseignement important. Comme nous le savons, elle était située sur une route. La chose pourrait apparaître plutôt étrange : de notre point de vue en effet, la maison et la route semblent s’exclure. […] Ainsi, nous trouvons ici à Lorette, une maison qui nous fait demeurer, habiter et qui en même temps nous fait cheminer, nous rappelle que nous sommes tous pèlerins, que nous devons toujours être en chemin vers une autre maison, vers la maison définitive, celle de la Cité éternelle... »

Depuis le 24 mars 1920, Notre-Dame de Lorette est patronne universelle de tous les voyageurs aériens. Deux ans plus tard, la statue a été solennellement couronnée par le pape Pie XI.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au delà

Tous les papes qui se sont rendus au sanctuaire de Notre-Dame de Lorette ont insisté sur l’importance spirituelle du lieu, au-delà des modalités pratiques du transport de la maison de Nazareth jusqu’en Italie. À l’occasion du VIIecentenaire du sanctuaire de Lorette en 1994, saint Jean Paul II, tout en « laissant [...] pleine liberté à la recherche historique pour enquêter sur l’origine du sanctuaire et sur la tradition de Lorette », a affirmé que la maison sainte « n’est pas seulement une relique, mais aussi une précieuse icône concrète », près de laquelle les fidèles sont invités à venir prier.


Aller plus loin

Stefano De Fiores, « Lorette I », dans René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge, Paris, Fayard, Paris 2007.


En complément

  • Marco Moroni, « Entre histoire économique et histoire des mentalités : aumônes et objets de dévotion dans la ville-sanctuaire de Lorette (XVe – XXe siècle) », dans Albrecht Burkardt, L'économie des dévotions : Commerce, croyances et objets de piété à l'époque moderne, Presses Universitaires de Rennes, 2016, p. 39-67 .

  • Yves-Marie Bercé, Lorette aux XVIe et XVIIe siècles : histoire du plus grand pèlerinage des Temps modernes, Presses Universitaires Paris-Sorbonne, Paris, 2011.

  • Marco Moroni, L’Economia di un grande santuario europeo. La Santa Casa di Loreto tra basso Mediovevo e Novecento, Franco Angeli, 2000.

  • Nanni Monelli, Giuseppe Santarelli, La Basilica di Loreto e la sua reliquia, Ancône, Aniballi Grafiche, 1999.

  • Jean Chélini et Henry Branthomme, Les Chemins de Dieu. Histoire des pèlerinages chrétiens des origines à nos jours, Paris, Hachette, 1982.

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