Léonard de Port-Maurice, prédicateur qui retourne les foules
Né à Porto Maurizio, sur la côte ligure, le 20 décembre 1676, Paolo Girolamo Casanova est le fils d’un capitaine génois. Bravant la colère paternelle, il entre chez les Franciscains de la stricte observance et devient frère Léonard. Il rêve de porter l’Évangile en Chine. Une maladie soudaine qui le cloue au lit près de quatre ans le lui interdit. Ordonné prêtre en 1703, c’est finalement en Italie que le jeune prédicateur de génie aux charismes étonnants déploiera ses talents. Par sa parole de feu, mais surtout son exemple, il convertira des foules de pécheurs, et poursuivra cet épuisant apostolat jusqu’à son dernier souffle, le 26 novembre 1751.
Les raisons d'y croire
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Rien ne destine Paolo Girolamo Casanova à entrer en religion. Ses dons intellectuels sont si éclatants que son père programme pour lui une superbe carrière au service de la république de Gênes. Aussi, eu égard aux sacrifices financiers consentis pour les études de son fils, celui-ci entre-t-il dans une colère folle quand l’adolescent lui avoue sa vocation et son désir d’entrer chez les Minimes, c’est-à-dire la branche la plus pauvre et la plus humble de l’ordre franciscain. Domenico Casanova jette son fils dehors, espérant l’amener à résipiscence. Il faut être très sûr de sa vocation et posséder une grande force d’âme pour accepter de tout perdre afin de se rendre « là où Dieu l’appelle ».
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Devant les capacités du jeune homme, ses supérieurs décident de le nommer professeur de théologie dans leur université romaine. Ce n’est pas ce à quoi il aspire, puisqu’il rêve de partir en mission en Chine, mais frère Léonard obéit. La vertu d’obéissance est l’une des plus pénibles à observer, car elle demande un total abandon à la volonté d’autrui, tenue pour celle de Dieu. Léonard recherche donc vraiment à suivre le Christ, sûr qu’il le mènera droit vers le vrai bien.
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Il lui faut en effet renoncer à son espoir d’être missionnaire en Asie, tout comme à la carrière professorale et aux avantages qui l’accompagnent, lorsqu’une maladie soudaine le met aux portes de la mort. Léonard est même renvoyé dans sa famille et se retrouve inutile à tous pendant quatre ans. Pourtant, il ne se plaint pas et offre tout pour son salut et celui des pécheurs ; cette fidélité extraordinaire prouve que Dieu agit puissamment au cœur de sa longue épreuve.
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Ses supérieurs lui demandent d’aller prêcher des missions dans l’Italie entière. Il obéit et ne s’accordera plus un instant de repos jusqu’à sa mort, alors même qu’il est accablé d’infirmités diverses qui lui rendent très pénibles les déplacements.
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C’est le constat des fruits étonnants de ses missions qui justifie la décision de ses supérieurs et du souverain pontife de lui faire poursuivre ses missions, même lorsque la vieillesse arrive. En effet, Léonard est crédité de nombreux charismes qui lui permettent de lire dans les âmes et de découvrir les fautes cachées. Ainsi intervient-il auprès du grand-duc de Toscane, Côme III, en faveur d’une jeune fille condamnée à mort. Sa réputation est telle que le prince fait rouvrir l’enquête et que l’on découvre en effet que la condamnée est innocente du crime qu’on lui imputait. Très éloigné de la Toscane et ignorant du dossier, Léonard ne peut connaître la vérité que par un don du Ciel.
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En un temps de violences, où une conception de l’honneur mal compris entraîne trop souvent des querelles, des haines, voire de sanglantes vendettas, Léonard appelle au pardon et à la réconciliation, et les divisions cessent. Son succès le plus spectaculaire, il l’obtient en Corse, où sa prédication met un terme immédiat à d’anciennes vendettas : l’on voit alors des familles séparées depuis des générations par des crimes de sang en série se tomber dans les bras et se pardonner mutuellement leurs torts, sans arrière-pensées.
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Il possède un sens surnaturel de la gravité du péché en tant qu’offense à Dieu et sait le prix à payer pour le réparer. Il parvient ainsi à faire comprendre aux gens combien leur attitude offense Dieu. Là encore, il est un vecteur de la grâce, ce qui lui permet d’obtenir d’impossibles conversions de la part de pécheurs endurcis, soudain repentants.
En savoir plus
Saint Alphonse de Liguori, son contemporain, dira de Léonard de Port-Maurice qu’il fut le plus grand prédicateur de son époque.
C’est avant tout par l’exemple et par sa parole éloquente qu’il convertit, et non en terrifiant ceux qui l’écoutent. On dit que les théâtres et les mauvais lieux se vident d’un coup dans les villes où il prêche et qu’un jour, à Rome, en plein carnaval, il a fallu prévoir une maison où recevoir les pécheurs repentants pour une retraite.
Son zèle missionnaire et les impressionnants résultats qu’il obtient, il les achète par des sacrifices et des pénitences qui font frémir. Par exemple, malgré son mauvais état de santé, il s’impose de ne manger que quelques fruits et légumes, de dormir par terre, et il adopte des pratiques de mortification corporelle. Même si cette attitude extrême déconcerte, elle s’enracine dans une longue tradition spirituelle chrétienne, en particulier monastique et mystique, qui a pour objectif principal de se configurer au Christ.
Apôtre du rosaire et de la dévotion mariale, il défend la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception, chère aux Franciscains, qui sera proclamé un siècle plus tard. Marie est l’âme et le secret de sa prédication et de son succès, qui drainent des foules de dizaines de milliers de personnes.
Peu avant sa mort, ce lion en chaire admet qu’il aura été un agneau au confessionnal, réconciliant sans condition des pécheurs qu’il aurait fallu soumettre à de rudes exigences. À ceux qui lui demandent s’il ne craint pas de s’en voir demander des comptes après sa mort, il répond en souriant : « Si, à l’heure de ma mort, le Seigneur me reproche d’avoir été trop doux avec les pécheurs, je lui répondrai : "Jésus, si c’est une faute, c’est vous qui me l’avez enseignée, car vous n’avez jamais rejeté ceux qui demandaient pardon !" »
Lorsque, septuagénaire, Léonard demande au pape Benoît XIV la permission de se retirer, ce dernier lui répond : « Vous êtes un soldat de Dieu, et les soldats meurent les armes à la main. » C’est en effet ce qu’il fera. Il est à Rome fin novembre 1751, épuisé, mais insiste pourtant pour célébrer sa messe, affirmant que le prix d’une messe est inestimable et qu’il ne peut en priver Dieu et les hommes, serait-il mourant. Certain que son long labeur s’achève, il entonne le Te Deum, exprimant de la sorte combien mourir lui est un gain. Il s’éteint le 26 novembre 1751 vers minuit.
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.
Aller plus loin
Saint Léonard de Port-Maurice, Œuvres complètes. 1858 pour l’édition française.
En complément
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Salvatore da Ormea, Vita di san Leonardo da Porto Maurizio. En italien.
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L. de Chérancé, Saint Léonard de Port-Maurice, Poussielgue, 1903.
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Sur le site Santi e beati d’Italia : « San Leonardo da Porto Maurizio ». En italien.
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Le site de La Porte Latine propose aussi une biographie sur saint Léonard de Port-Maurice.