
Saint Léonard de Noblat délivre un prince croisé
Nous sommes en août 1100. Bohémond de Tarente, prince d’Antioche, l’un des chefs de la première croisade, est fait prisonnier par Danisman, émir de Sivas.
Aucun espoir : Danisman est inflexible. L’ambassade d’Alexis, empereur byzantin, échoue.
Dans l’entourage de Bohémond, on voue un culte à saint Léonard, cet aristocrate du VIe siècle, converti par saint Rémi de Reims, compagnon de Clovis qui lui donna des terres à Noblat (France, Haute-Vienne), où il vécut en ermite et sur lesquelles il fonda un monastère, future étape sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
On demande aux religieux de Noblat de prier leur saint patron. Chaque vendredi, une procession est organisée, pieds nus, devant son tombeau.
Une nuit, Léonard apparaît à Bohémond et dit : « Ne désespère pas. Tu ne sortiras pas d’ici tout à l’heure. Mais je te l’assure, le moment viendra bientôt où tu seras délivré. Tu seras remis en liberté par Danisman lui-même. »
Peu après, le propre frère de Danisman déclare la guerre à l’émir. Saint Léonard apparaît alors à son épouse en tenant ce propos : « L’unique moyen de sauver le royaume de ton époux est de libérer Bohémond. »
Danisman écoute tranquillement le récit que sa femme fait de son apparition, mais il refuse.
Quelques jours après, saint Léonard, « beau », « vêtu d’une robe blanche », apparaît à Danisman lui-même. Il lui donne le même conseil…
Cette fois, l’émir libère le croisé et le prie de faire alliance avec lui, de prendre la tête de ses armées... Bohémond accepte.
Avant de reprendre le chemin de l’Europe, il déclare : « Ou je mourrai en chemin, ou bientôt je réaliserai le vœu que j’ai fait d’aller en pèlerinage au tombeau de saint Léonard ».
Bohémond foule la terre de Noblat en mars 1106.
Source : d’après l’abbé Arbellot, Vie de saint Léonard, solitaire en Limousin…, Paris, Jacques Lecoffre et Cie, 1863, p. 71-79 ; Jean Flori, Bohémond d’Antioche. Chevalier d’aventure, Payot, 2007.