
La « pluie de roses » de Thérèse de Lisieux
Thérèse Martin est aujourd’hui l’une des saintes les plus populaires au monde. Le pape Pie X l’a désignée comme « la plus grande sainte des temps modernes ». Un véritable « ouragan de gloire » a commencé après sa mort : les miracles se sont multipliés. La carmélite normande l’avait annoncé : « Vous verrez, ce sera comme une pluie de roses. » Il est rare de trouver une église française sans une statue de la « petite sainte » ! Entrée « dans la Vie » à l’âge de vingt-quatre ans le 30 septembre 1897, Thérèse de l’Enfant-Jésus reçoit en 1997 le titre de docteur de l’Église.
Les raisons d'y croire
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Le nombre de miracles qui lui sont attribués après sa mort est étourdissant. Dans les années 1920, le carmel de Lisieux recevait plusieurs centaines de lettres par jour de personnes ayant reçu des grâces venant de l’intercession de la « petite sainte ». On peut évaluer à 8 000 environ le nombre des récits de miracles enregistrés au carmel de Lisieux entre 1898 (publication de l’autobiographie de Thérèse) et 1925 (sa canonisation). C’est compter sans les grâces évoquées trop évasivement et sans compter, non plus, les grâces reçues qui n’ont pas été signalées au carmel.
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Par exemple, beaucoup de poilus de la Première Guerre mondiale attribuent leur survie à Thérèse.
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Parmi les personnes célèbres ayant une dette à son égard, mentionnons Édith Piaf, guérie de cécité dans sa jeunesse en priant sur sa tombe, à Lisieux.
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Ces miracles continuent aujourd’hui, notamment à travers la pérégrination de ses reliques dans le monde entier. Le livre de Camille Burette, Pluie de roses : les plus beaux miracles de Thérèse de Lisieux (Emmanuel, 2023) en rend compte.
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L’impact universel de sainte Thérèse de Lisieux est un véritable mystère. Cette jeune femme discrète, morte à vingt-quatre ans, qui a vécu neuf ans cloîtrée dans un carmel, avait tout pour être oubliée – d’ailleurs, peu de personnes étaient présentes lors de ses obsèques. Mais, aujourd’hui, tant de personnes se sentent proches de cette jeune fille, même au-delà de l’Église ! Comment expliquer que des musulmans fréquentent son sanctuaire, au Caire, et ont même financé la basilique Sainte-Thérèse dans le quartier de Choubra ? Sans reconnaître en sainte Thérèse la fécondité invisible d’une vie donnée par amour de Dieu, c’est impossible.
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Il est impressionnant de constater la sagesse de cette jeune femme. Avec un style littéraire de jeune fille (qui peut rebuter au début), Thérèse se révèle un véritable génie humain et spirituel, ce qui explique qu’elle ait reçu le titre de docteur de l’Église. L’historien agnostique Claude Langlois a reconnu en cette femme un très grand écrivain et a publié de nombreux ouvrages scientifiques sur ses écrits.
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La pensée de Thérèse n’est pas abstraite, car, si elle a peu vécu, ce fut avec intensité et en étant confrontée à bien des formes de souffrance : souffrance psycho-affective avec la mort précoce de sa mère puis la maladie cérébrale de son père, souffrance physique avec le froid terrible vécu au monastère et la douleur atroce de la tuberculose, souffrance spirituelle enfin lors des tentations contre la foi qu’elle a vécues la dernière année de sa vie.
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Thérèse Martin est l’un des auteurs français le plus vendus au monde avec ses 500 millions d’exemplaires d’Histoire d’une âme, best-seller édité en 1898 et traduit en 50 langues.
En savoir plus
Le 2 janvier 1873, Thérèse Martin naît à Alençon. Elle est la neuvième enfant des saints Louis et Zélie Martin, canonisés en 2015, dont quatre enfants décèdent en bas âge. Zélie meurt d’un cancer du sein lorsque Thérèse a quatre ans, ce qui lui cause un profond traumatisme affectif. Louis et ses cinq filles quittent alors Alençon pour s’installer à Lisieux. Thérèse est fragile et scrupuleuse : à dix ans, après l’entrée au carmel de sa sœur Pauline, qu’elle avait choisie comme deuxième maman, elle tombe gravement malade. Après de grandes angoisses, elle est miraculeusement guérie par un « sourire de la sainte Vierge », le 13 mai 1883.
Cependant, elle reste marquée par un fort infantilisme : « J’étais vraiment insupportable par ma trop grande sensibilité. » C’est lors de la nuit de Noël 1886 qu’elle vit la « grâce de sortir de l’enfance » et le moment de « sa complète conversion ». Elle écrit : « En cette nuit où [Jésus] se fit faible et souffrant pour mon amour, il me rendit forte et courageuse, il me revêtit de ses armes et depuis cette nuit bénie, je ne fus vécue en aucun combat, mais au contraire je marchai de victoire en victoire et commençai pour ainsi dire, "une course de géant !" » Thérèse sent alors naître en elle de grands désirs apostoliques et veut participer au salut de ceux qui sont loin de Dieu, comme le criminel Henri Pranzini, pour qui elle prie avec ardeur. Elle demande à entrer au carmel de Lisieux à l’âge de quinze ans et, face aux résistances de la hiérarchie, va jusqu’à adresser sa supplique au pape Léon XIII lors d’un pèlerinage à Rome.
Thérèse entre au carmel le 9 avril 1888. Elle fait sa profession religieuse le 8 septembre 1890 sous le nom de Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte-Face. Dans un contexte marqué par le jansénisme, elle comprend qu’il faut aller à Dieu par un chemin de confiance. L’année 1893 ouvre une période d’épanouissement jusqu’à l’expérience de l’amour miséricordieux du Seigneur, auquel elle s’offre le 11 juin 1895. Dans la fidélité aux petites choses de la vie quotidienne, elle est attentive à la présence de Dieu qui se donne à nous dans l’instant présent. Assumant la charge de maîtresse des novices, elle aide les jeunes sœurs de sa communauté à « vivre d’amour ».
Le Jeudi saint 1896, Thérèse crache du sang, signe d’une tuberculose qui va la terrasser. À la douleur physique s’ajoute l’épreuve spirituelle : il lui semble que son âme est envahie de ténèbres. Elle entend des voix qui lui disent que la vie éternelle n’existe pas. Face à ces tentations, elle choisit d’affirmer sa foi et elle s’abandonne comme une enfant dans les bras du Père miséricordieux, se faisant solidaire de ceux qui ne croient pas.
Lors des derniers mois de sa vie, elle entrevoit son rayonnement futur : « Je sens que je vais entrer dans le repos… Mais je sens surtout que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je l’aime, de donner ma petite voie aux âmes. Si le bon Dieu exauce mes désirs, mon Ciel se passera sur la terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. »
Elle « entre dans la Vie » le 30 septembre 1897 après ces paroles : « Oh ! Je l’aime !… Mon Dieu… Je vous aime… » Elle est inhumée le 4 octobre au cimetière de Lisieux, dans une nouvelle concession, acquise pour le carmel. Ses manuscrits autobiographiques (Histoire d’une âme) dévoilent son itinéraire spirituel, celui d’une « petite voie » de confiance et d’amour offerte à tous. Mais il y a aussi ses lettres, poésies et prières à découvrir. Béatifiée en 1923 et canonisée en 1925, Thérèse est devenue co-patronne des missions en 1927 et docteur de l’Église en 1997. Elle est fêtée le 1er octobre.
Voici le texte dans lequel elle expose le mieux son message sur l’appel universel à la sainteté :
« J’ai toujours désiré d’être une sainte, mais, hélas !, j’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la même différence qui existe entre une montagne dont le sommet se perd dans les cieux et le grain de sable obscur foulé aux pieds des passants ; au lieu de me décourager, je me suis dit : le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections, mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi, je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection […]. L’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire, il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. »
Frère Jean-Alexandre est un frère carme déchaux, actuellement au couvent d’Avon (Seine-et-Marne). Il est l’auteur de plusieurs articles dans la revue Carmel et de Dieu crève l’écran, repères spirituels en temps d’hyperconnexion, éditions du Carmel, 2025.
Au delà
À la demande de la France, Thérèse de Lisieux a été choisie par l’UNESCO lors de sa biennale 2022-2023 comme figure française, avec Gustave Eiffel, témoignant d’un engagement pour la paix, la culture et l’éducation. Un hommage à Thérèse a donc été organisé le 27 novembre 2023 au siège de l’UNESCO , pour l’année des 150 ans de sa naissance (1873-2023).
Aller plus loin
Pour décaper une image mièvre souvent associée à Thérèse : Jean de Saint-Chéron, Éloge d’une guerrière, Grasset, 2023.
En complément
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La petite biographie de référence : Guy Gaucher, Histoire d’une vie, Thérèse Martin, Cerf, 2021
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Le best-seller : Thérèse de Lisieux, Histoire d’une âme : manuscrits autobiographiques, Cerf. Ou bien : Thérèse de Lisieux, Œuvres complètes, Cerf.
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Un bel album : Didier-Marie Golay, Sainte Thérèse de Lisieux : vivre d’amour, Cerf, 2018
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Le documentaire Secrets d’histoire de Stéphane Bern : « La petite sainte de Lisieux ».
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Une pièce de théâtre : Gilbert Cesbron, Briser la statue, Laffont, 1958.
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Étudier les écrits de sainte Thérèse à Lisieux, avec les sessions d’études thérésiennes, chaque été .
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Le site Internet des archives du carmel de Lisieux propose un dossier très complet, notamment les pages « Pluie de roses » et « Les miracles de Thérèse ».