
Les 103 martyrs de Corée
C’est par des ouvrages de jésuites publiés en Chine que le christianisme est introduit au XVIIIe siècle en Corée, où il est reçu avec enthousiasme. Puis, au cours du XIXe siècle, il connaît trois vagues de terribles persécutions, qui font au moins huit mille morts. Les 103 martyrs coréens, canonisés en 1984 et fêtés tous les 20 septembre, sont des chrétiens tués entre 1839 et 1867 en raison de leur foi. Dans un contexte où le christianisme était perçu comme une menace sociale, ils ont refusé de renier le Christ, acceptant souffrances, torture et mort. Leur fidélité jusqu’au bout témoigne de la profondeur de leur foi et de leur espérance.
Les raisons d'y croire
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Les chrétiens coréens ont accepté de vivre sous la persécution plutôt que de renier leur foi. Les 103 fidèles qui ont été reconnus martyrs ont subi la torture et la mise à mort, dans des conditions atroces. L’un d’eux, avant son exécution, témoigne en ces termes : « Je suis chrétien, et je donne ma vie pour Dieu. Ce que j’ai enseigné, je suis prêt à le sceller de mon sang » (saint Paul Chong Hasang, † 1839). Ils croyaient profondément à la vérité de l’Évangile, au point de tout sacrifier pour le Christ.
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Ces martyrs n’ont rien gagné humainement ; il n’y avait pour eux aucune récompense terrestre ou politique. Bien au contraire, leur conversion signifiait le rejet social et de multiples difficultés et souffrances. Cela renforce l’idée que leur foi reposait sur une conviction sincère et profonde, non sur un calcul ou un conditionnement.
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Une spécificité des martyrs de Corée est qu’ils sont en grande majorité des laïcs, qu’ils n’ont pas bénéficié de formation théologique poussée et qu’ils ont évolué la plupart du temps sans clergé. Parmi les martyrs figurent de jeunes enfants, qui ont fait preuve d’un courage qui laisse sans voix. Agathe Yi, âgée de treize ans, est battue et emprisonnée. Quand on lui promet la liberté en échange d’un reniement, elle répond : « J’aurai beau être toute petite, je crois en Dieu avec tout mon cœur. » La force intérieure et la fidélité dont ils font tous preuve sont complètement inexplicables : d’où viennent-elles, sinon de la vérité de leur foi et de la grâce de Dieu ? Que savaient ces hommes, ces femmes et ces enfants qui les a rendus capables d’un tel amour, d’un tel courage, d’une telle fidélité ? Pour chacun d’eux, la réponse est claire : ils ont rencontré la Vérité vivante, le Christ.
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Malgré l’oppression des autorités, l’Église catholique en Corée n’est pas anéantie ; au contraire, elle continue de grandir. La fécondité spirituelle du martyre (cf. Tertullien : « Le sang des martyrs est semence de chrétiens ») se vérifie ici. Cette croissance inexplicable peut se lire comme une confirmation de la vérité du message chrétien. Un des martyrs, saint André Kim Taegon († 1846) l’avait d’ailleurs pressenti : « Ce royaume est fermé à la religion de Dieu, mais, une fois la porte ouverte, la lumière de l’Évangile se répandra largement. »
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Le contenu du témoignage des martyrs chrétiens est central. Contrairement aux cas de fanatisme, les martyrs chrétiens ne meurent pas pour une idéologie ou une vengeance, mais par amour du Christ et dans un esprit de pardon et d’espérance. En effet, malgré la cruauté des supplices, les martyrs coréens n’ont pas exprimé de haine envers leurs bourreaux. Leur martyre a été vécu comme une offrande d’amour. Cette attitude en elle-même est un signe distinctif de la vérité de l’Évangile.
En savoir plus
L’histoire du christianisme en Corée est unique : contrairement à de nombreuses nations où la foi chrétienne fut introduite par des missionnaires étrangers, le christianisme prit racine en Corée au XVIIIe siècle grâce à des lettrés coréens qui découvrirent des écrits catholiques venus de Chine. Touchés par l’Évangile, ils se convertirent et formèrent une communauté chrétienne avant même l’arrivée du premier prêtre sur le sol coréen.
Ce développement autonome suscita rapidement l’hostilité des autorités du pays. Fondée sur le confucianisme, la société coréenne voyait dans le christianisme une menace à l’ordre établi, en particulier à cause de son message d’égale dignité de tous les êtres humains devant Dieu. Les chrétiens refusaient aussi le culte des ancêtres, considéré comme une forme d’idolâtrie, alors que l’État le prescrivait comme partie intégrante de la culture du pays. Dès 1785, une première vague de persécutions éclata. En 1801, le seul prêtre présent dans le pays fut tué. En 1802, le roi Sunjo publia un édit ordonnant l’extermination des chrétiens, qualifiés de « folie dangereuse ».
De façon très surprenante, la communauté catholique coréenne, bien que privée de clergé, persista. Elle supplia Rome d’envoyer des prêtres. En 1837, trois missionnaires français de la Société des Missions Étrangères de Paris entrèrent clandestinement en Corée. Tous furent martyrisés en 1839, lors d’une nouvelle vague de répression. André Kim Taegon, le premier prêtre coréen, ordonné en 1845 à Shanghai, réussit à faire entrer un évêque et un prêtre, établissant ainsi les bases d’une hiérarchie catholique stable, malgré les persécutions qui culminèrent à nouveau en 1866.
Le père André Kim Taegon fut emprisonné, interrogé, torturé et décapité à seulement vingt-cinq ans pour avoir refusé d’abjurer sa foi. Dans une lettre écrite en prison, il témoigne de son échange sobre avec un fonctionnaire du gouvernement, alors qu’il sait être sous la menace d’une mort atroce : « Vous êtes catholique ? — Oui, je suis catholique. » Cette simple profession de foi révèle toute la profondeur de sa fidélité au Christ.
Les persécutions ont fait, selon les sources, jusqu’à 10 000 morts. Ils ont incarné de manière exemplaire cette parole de l’Évangile : « Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute… Réjouissez-vous, car votre récompense est grande dans les cieux » ( Mt 5, 11-12 ). Parmi les 103 martyrs canonisés en 1984 par Jean-Paul II, la plupart sont coréens – laïcs, catéchistes, femmes, enfants. On compte aussi dix Français, trois évêques et sept prêtres. Leurs restes reposent, pour beaucoup, dans la cathédrale de Myeongdong, à Séoul.
En Corée du Sud, le christianisme, principale religion du pays, est le fruit vivant de ce témoignage. En 2010, on compte 32 % de Sud-Coréens chrétiens (dont 24 % de protestants et 8 % de catholiques), contre 24 % de bouddhistes. Le martyre n’a pas éteint la foi, mais l’a fortifiée. Il rappelle à tous que le christianisme n’est pas une simple tradition, mais une rencontre avec le Christ, qui peut transformer une vie jusqu’au don total de soi.
Solveig Parent
Au delà
Le martyre des chrétiens coréens rejoint celui de milliers d’autres martyrs dans l’histoire du christianisme : Rome, Japon, Vietnam, etc. Ce même attachement au Christ à travers les cultures, les époques et les langues est un argument pour la validité universelle du message chrétien.
Aller plus loin
L’article des Missions Étrangères de Paris, « L’étonnante histoire de la naissance de l’Église en Corée ».
En complément
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L’article 1 000 raisons de croire « La conversion autonome de la Corée ».
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L’article 1 000 raisons de croire « Siméon-François Berneux, le prêtre sarthois devenu évêque et martyr en Corée ».
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Missions Étrangères de Paris, Lumières sur la Corée, Paris, Le Sarment-Fayard, 1984
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Histoire des 103 saints martyrs coréens , en anglais sur le site de la Conférence des évêques de Corée.
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L’article de Vatican News : « Saint André Kim et les martyrs coréens, témoins de la foi et de l’identité d’un peuple ».