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Les martyrs
France, Vietnam, Chine et Corée
Nº 581
1814 – 1866

Siméon-François Berneux, le prêtre sarthois devenu évêque et martyr en Corée (+1866)

Au XIXe siècle, Siméon-François Berneux, jeune prêtre de la Sarthe, décide de partir annoncer le Christ au bout du monde. Il rêve de sauver les âmes et de tout offrir à Dieu, même sa vie. Il consacre son existence à l’évangélisation des peuples du Tonkin, de la Mandchourie et de la Corée. L’œuvre de ce saint et martyr de Corée contribuera fortement à l’essor du christianisme en Extrême-Orient, dont le développement se poursuit encore aujourd’hui. Les Missions étrangères de Paris diront de ce missionnaire enflammé : « Berneux, Siméon-François, confesseur de la foi dans les prisons du Tonkin, missionnaire en Mandchourie, évêque, vicaire apostolique et martyr en Corée, montra partout un zèle infatigable, une charité vraie, une piété profonde, des talents remarquables. »


Les raisons d'y croire

  • Âgé d’à peine vingt-cinq ans, Siméon-François Berneux, jeune prêtre qui enseigne la philosophie au séminaire, décide d’abandonner le confort et la sécurité de sa Sarthe natale. Il quitte tout ce qui lui est familier pour annoncer le Christ aux confins du monde, dans les territoires les plus hostiles au christianisme, dont il ne connaît ni les langues ni les usages, et alors même que de nombreux martyrs y ont déjà versé leur sang.

  • À peine arrivé au Tonkin occidental, en 1841, Siméon-François est arrêté, emprisonné, battu et sommé de renier sa foi chrétienne. Loin de s’en effrayer, le jeune prêtre annonce l’Évangile à ses geôliers et aux autres prisonniers et confesse sa foi lors des interrogatoires. Son attitude calme, presque joyeuse, étonne : les soldats se demandent s’il n’est pas fou. C’est que Siméon-François se réjouit de l’opportunité qui lui est donnée de souffrir et de mourir comme Jésus-Christ avant lui, et de le rejoindre bientôt dans la vie éternelle. « Notre récompense est au Ciel », dira-t-il.

  • Condamné à mort, Siméon-François se prépare à mourir pour le Christ, mais, à sa grande surprise, il est libéré en 1843. Après une telle aventure, il aurait pu, sans honte et sans renier quoi que ce soit, demander à rentrer pour poursuivre son sacerdoce en France. Au contraire, il choisit de déployer son œuvre missionnaire au Tonkin, en Mandchourie et en Corée, entraînant des milliers de conversions.

  • Les lettres et les écrits de Siméon-François montrent l’affection fidèle qu’il porte à sa famille, comme son amour des peuples chez lesquels il est envoyé. Au cœur des tribulations quotidiennes de sa vie de missionnaire, Siméon-François fait toujours preuve d’une joie de vivre et d’un sens de l’humour peu commun. C’est bien une vie pleine et heureuse qu’il souhaite donner au Christ.

  • Âgé d’à peine quarante ans, le prêtre sarthois est nommé évêque de Corée par le pape Pie IX. Il se donne sans compter pour le peuple coréen. Au péril de sa vie, toujours persécuté par les autorités, Siméon-François sillonne ces territoires et ne cesse de soigner les corps et les âmes, baptisant et guérissant, construisant séminaires et écoles.

  • Arrêté par le pouvoir coréen en 1866, Siméon-François est une nouvelle fois emprisonné, torturé et invité à abjurer publiquement sa foi chrétienne. Avec une liberté intérieure étonnante, Siméon-François refuse de se plier aux injonctions de ses bourreaux et des plus hautes autorités du pays. Il est décapité le 7 mars 1866. Les témoins de l’exécution rapportent que le père Berneux souriait encore lorsque la vie le quitta, songeant probablement au grand bonheur de rencontrer le Christ face à face.

  • L’œuvre missionnaire de Siméon-François Berneux contribua fortement à l’explosion de la foi chrétienne en Extrême-Orient. À la mort de l’évêque martyr, il y avait déjà 23 000 catholiques en Corée, et le nombre ne cessera d’augmenter, jusqu’à atteindre 6 millions de catholiques aujourd’hui.


En savoir plus

Né le 14 mai 1814 en France et mort martyr le 7 mars 1866 en Corée, saint Siméon-François Berneux fut un missionnaire infatigable. Pour autant, avant de s’en aller annoncer le Christ aux confins de l’Asie, c’est dans la Sarthe, à Château-du-Loir, que tout commence pour le fils de Siméon Berneux et d’Hélène Fossé. Après avoir commencé ses études au collège de Château-du-Loir et les avoir poursuivies au collège du Mans, Siméon-François Berneux rejoint le petit séminaire de Précigné. Appelé très tôt à la vocation sacerdotale, le jeune homme entre ensuite au grand séminaire du Mans. C’est à l’âge d’à peine vingt-deux ans que Siméon-François est ordonné diacre, puis prêtre, quelques mois plus tard, le 20 mai 1837. Il devient alors professeur au grand séminaire du Mans, enseignant la philosophie pendant deux ans.

Très vite, cependant, Siméon-François sent qu’il n’est pas destiné à une carrière universitaire. Un autre désir le consume : celui de faire connaître Jésus-Christ dans toutes les nations. Le jeune prêtre décide alors d’entrer aux Missions étrangères, le 15 juillet 1839, afin de se consacrer à l’œuvre missionnaire outre-mer. Enflammé du désir de partager l’amour de Dieu afin de sauver des âmes en Extrême-Orient, fût-ce au péril de sa vie, Siméon-François part aussitôt pour l’Asie. Il quitte Le Havre le 12 février 1840, et, après un bref séjour à Macao, arrive à Phuc-Nhac, au Tonkin occidental (Vietnam), en janvier 1841.

À peine a-t-il posé ses valises au Vietnam que Siméon-François fait l’expérience de la persécution. Dans la nuit du 14 au 15 avril, à Nam-Dinh, le Samedi saint de l’année 1841, le père Berneux est brutalement tiré de son sommeil et traîné dans la rue par des soldats à la recherche de prêtres chrétiens. Accompagné du père Paul Galy, Siméon est emprisonné. Pourtant, le comportement des deux prêtres étonne les soldats : loin d’être terrifiés par cette épreuve, ils semblent plutôt paisibles… presque joyeux. Comme le père Paul, Siméon-François est honoré d’être, à la suite du Christ lors de sa Passion, l’objet de maltraitances et de persécutions. Derrière les barreaux, le jeune missionnaire annonce même l’Évangile à ses geôliers et aux autres prisonniers, malgré le peu de mots qu’il connaît en langue locale. Siméon-François et Paul sont ensuite conduits au mandarin, haut fonctionnaire militaire aux ordres de l’empereur, afin d’être interrogés. Sentant l’heure de leur martyre arriver, les deux prêtres se réjouissent de souffrir pour le Christ, et surtout de le voir bientôt face à face, dans l’autre vie. Une fois devant le mandarin, celui-ci leur ordonne de dénoncer leurs frères prêtres sous peine d’être battus et tués : « Notre récompense est au Ciel », lui répond Siméon-François.

Les deux prêtres sont alors envoyés à la capitale, où ils sont interrogés à coups de bâton et de fer brûlant. Souffrant dans la dignité, Paul et Siméon-François ne laissent aucun cri leur échapper et ne rompent le silence que pour enseigner à leurs bourreaux les usages de la foi chrétienne. Cependant, lorsqu’on ordonne à Siméon-François de marcher sur un crucifix ou de prendre femme afin d’être épargné, son refus est sans équivoque. Le grand mandarin condamne alors le jeune prêtre à mort, avec quatre autres missionnaires. Ceux-ci attendront leur exécution durant de longs mois, au cours desquels Siméon rédige des lettres d’adieu et se prépare au martyre. Pourtant, le 7 mars 1843, un commandant de corvette français, Favin-Lévêque, obtient la libération de Siméon-François, de Paul ainsi que de trois autres prêtres. Prêt à mourir martyr, si telle est la volonté de Dieu, Siméon accepte tout autant de poursuivre sa mission… Or, celle-ci ne fait que commencer.

Après deux mois à Macao, c’est en Mandchourie que Siméon-François est envoyé. Conformément à l’adage « à Rome, fais comme les Romains », le missionnaire apprend les us et coutumes ainsi que la langue, afin de pouvoir mener à bien sa mission, enraciné dans la culture locale. En 1849, Siméon-François devient provicaire, mais doit se réfugier quelques semaines à Shanghai. Partout où il passe, le père Berneux se montre un missionnaire zélé, médecin des corps et des âmes, malgré ses propres problèmes de santé. Pendant une dizaine d’années, il organise activement la vie de l’Église de Mandchourie, et son œuvre porte du fruit : des milliers de personnes se convertissent et un séminaire est créé en 1855.

En 1854, conformément aux désirs de Mgr Ferréol, vicaire apostolique de Corée, et peu avant la mort de ce dernier, Siméon est nommé pour prendre sa suite. À cette époque, la Corée est une terre de martyre, où la conversion au catholicisme est punie de mort. Bien loin de réfréner l’ardeur du père Berneux, la situation dramatique du christianisme en Corée attise son désir d’y annoncer l’Évangile. C’est ainsi que le Sarthois est nommé et ordonné évêque de Capse et vicaire apostolique de Corée par le pape Pie IX, le 27 décembre 1854 à Chaling. Il part pour la Corée le 17 janvier 1855.

À Séoul, Siméon-François prend le nom de Chang Gyeong-il, apprend le coréen et se met à l’ouvrage missionnaire. Œuvrant avec discrétion et prudence, parfois obligé de se cacher, Siméon-François est un évêque proche de son peuple, qui sillonne villes et campagnes afin de rencontrer ses ouailles et donner les sacrements. Sans relâche, Siméon-François s’occupe des handicapés et des lépreux, construit écoles et séminaires… Héroïque dans la vertu, d’une grande profondeur spirituelle, l’évêque n’en demeure pas moins très humain, débordant d’affection pour ceux qui l’entourent, mais aussi pour sa famille, restée en France. Au cœur des tribulations quotidiennes, parmi lesquelles une arrestation suivie d’une bastonnade que Siméon-François subit durant l’année1863, il a ce trait d’humour : « La vie du missionnaire n’est pas si triste qu’on l’imagine quelquefois. Je crois même maintenant que, pour rire d’un bon cœur, il faut se détacher de tout et se faire missionnaire. »

Malgré – ou grâce – à ces péripéties, conversions et baptêmes se multiplient en Corée, au point qu’en 1866, le nombre de catholiques atteint 23 000. Cependant, alors même que le christianisme coréen est plus vivace que jamais, les tensions géopolitiques entre l’Occident et l’Extrême-Orient atteignent leur point culminant et une vague de persécutions antichrétiennes submerge la Corée. Le 23 février 1866, Siméon-François Berneux est arrêté par la police coréenne. En prison et au tribunal, il sera violemment battu et torturé, mais il refuse d’abjurer sa foi : « C’est impossible », répond-il simplement. Constatant la foi inébranlable du prêtre, les autorités coréennes décident alors d’en finir avec Siméon-François et le condamnent à mort. Cette fois-ci, personne ne viendra à son secours : « L’accusé Chang, refusant d’obéir au roi, et ne voulant ni apostasier, ni donner les renseignements qu’on lui demande, ni retourner dans son pays, aura la tête tranchée après avoir subi différents supplices. » Certains témoignages font état de la paix qui émane du père Siméon lorsqu’il est conduit au supplice, le 8 mars 1866, accompagné des prêtres missionnaires Just de Bretenières, Louis Beaulieu et Henri Dorie. À l’âge de cinquante-deux ans, Siméon-François meurt ainsi martyr, avec ses compagnons, décapité au camp d’entraînement militaire de Saenamteo. Dans les mois qui suivent, on estime que 10 000 chrétiens sont tués, la plupart exécutés à Jeoldusan. Ils seront appelés les martyrs de Corée.

Ces derniers, parmi lesquels le père Berneux, sont béatifiés le 6 octobre 1968 et canonisés par Jean-Paul II le 6 mai 1984. Quant au corps de Siméon-François Berneux, il repose aujourd’hui dans la cathédrale de Séoul, dans le pays où il donna sa vie.

Thomas Belleil, auteur de livres de spiritualité, diplômé en sciences religieuses à l’École Pratique des Hautes Études et en théologie au Collège des Bernardins.


Au delà

Si le christianisme était embryonnaire en Extrême-Orient au XIXe siècle, il a connu une croissance exponentielle au XXe et plus encore au XXIe siècle. En effet, du temps de Siméon-François Berneux, les catholiques n’étaient que quelques milliers dans cette région du monde. Aujourd’hui, il y a environ 12 millions de catholiques en Chine, 6 millions au Vietnam et 6 millions en Corée du Sud… Un nombre qui ne cesse de croître.

Au IIe siècle, un Père de l’Église, Tertullien, affirmait : « Le sang des martyrs est semence de chrétiens. » Pour le père Siméon-François Berneux, mort martyr en Corée au XIXe siècle, il semble que ce dicton se vérifie. Plus d’un siècle et demi après que l’évêque Siméon-François a versé son sang, sa vie donnée, comme celle de tant d’autres martyrs en Extrême-Orient, a porté du fruit et donné naissance à un grand nombre de chrétiens.


Aller plus loin

  • Bruno Delaroche, Le Sang du martyr. Une vie offerte, Siméon François Berneux, Artège, 2022. Peut être partiellement consulté en ligne .


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