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La profondeur de la spiritualité chrétienne
Nº 736

L’amour, sceau divin du christianisme

Dans l’Évangile, Jésus révèle que toute la Loi se résume à aimer Dieu et son prochain, montrant que la véritable finalité des dix commandements est la charité. La centralité de l’amour dans le christianisme, unique dans l’histoire religieuse, culmine dans le don total du Christ, qui meurt sur la Croix par amour pour l’humanité, même pour ses ennemis. Contrairement à d’autres traditions spirituelles, la foi chrétienne fait de l’amour la clé de toute la Révélation, nous montrant ainsi qu’elle vient bien de Dieu.


Les raisons d'y croire

  • Jésus révèle que toute la Loi se résume à l’amour, faisant ainsi preuve d’une sagesse divine. En affirmant que l’amour de Dieu et du prochain résume tous les commandements, il explique le sens caché et ultime de la Loi présentée tout au long de l’Ancien Testament. Jésus ne rejette pas la Loi donnée à Moïse, mais il l’éclaire et la transfigure en la ramenant à son cœur : la charité. Ainsi, la Loi devient un chemin vers la sainteté et non un simple code à appliquer.

  • Dieu lui-même se définit comme amour, ce qui donne un sens profond et éclairant à toute la foi chrétienne et à la vie humaine en général. Cette affirmation bouleverse la vision religieuse habituelle d’un Dieu dominateur ou lointain : Dieu est communion, don, relation. Dire que Dieu est amour, c’est affirmer que l’amour est la source même de l’être.

  • Or, aucune autre religion ne place l’amour (surtout pour les ennemis) au centre de sa doctrine. Jésus appelle à aimer et à faire du bien, même à ceux qui nous haïssent. Cet enseignement est sans précédent et n’a pas d’équivalent dans la morale grecque, ni dans les autres religions.

  • Le christianisme propose ainsi une morale exigeante, mais parfaitement cohérente avec la nature humaine. Aimer Dieu et son prochain correspond au plus profond de l’homme, à son aspiration à la communion et à la paix. La foi chrétienne donne donc une clé unique qui éclaire la vocation véritable de l’homme.

  • Jésus manifeste un amour parfait et sans limite, y compris envers ceux qui le persécutent, ce qui atteste son origine divine. Sur la Croix, il prie pour ses bourreaux ; il bénit ceux qui le maudissent. Une telle cohérence, vécue jusqu’au bout, révèle un amour qui dépasse toute simple humanité.


En savoir plus

Un jour, un scribe s’approche de Jésus et lui demande : « Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ? » Le Seigneur répond alors : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. Et le second lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi et les prophètes » ( Mt 22,37-40 ). Notons la dernière phrase de Jésus : toute la loi découle de ces deux commandements de l’amour de Dieu et du prochain.

Ici apparaît quelque chose de tout à fait exceptionnel : Jésus révèle que l’amour est le centre de la révélation divine, le but même de la loi de Dieu. Saint Jean ira jusqu’à dire que « Dieu est amour » ( 1 Jn 4,16 ). S’il est une raison de croire que la foi chrétienne est divine, c’est bien cette centralité de l’amour.

Si d’autres religions et spiritualités abordent des notions qui rappellent cet amour absolu, aucune ne le développe de manière équivalente. On peut retrouver par exemple l’idée de compassion, importante dans le bouddhisme, mais il ne s’agit en aucun cas de l’amour total et central tel que Jésus nous l’enseigne.

Dans sa réponse, Jésus reprend et résume les dix commandements que Dieu a révélés à Moïse sur le mont Sinaï, dont le premier est en effet : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces. » En fait, les trois premiers de ces dix commandements concernent l’amour de Dieu, tandis que les sept suivants concernent l’amour du prochain. Jésus met ainsi en évidence que cette loi n’a pas sa fin en elle-même : elle n’a de sens que comme chemin vers la charité. Son seul but est de nous apprendre à aimer. À aimer Dieu, et à aimer notre prochain.

Voilà ce qui fait dire à saint Paul, dans son épître aux Romains : « L’amour est l’accomplissement parfait de la Loi » ( Rm 13,10 ). C’est aussi en ayant cela en tête que saint Paul chante son hymne sublime à la charité : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis comme un airain qui résonne ou comme une cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour nourrir les pauvres, quand je livrerais même mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien » ( 1 Co 13, 1-3 ).

Mais alors, pourquoi Dieu n’a-t-il pas donné ces éclaircissements directement, au lieu de passer par des préceptes multiples et complexes que les juifs ont appelés les 613 commandements ? Pour le comprendre, il faut saisir la pédagogie divine : dans sa sagesse, Dieu éduque peu à peu son peuple à choisir ce qui est juste.

Prenons l’exemple d’un père de famille qui donne des règles de maison à ses enfants : interdiction d’avoir sa lumière allumée après 22 heures, interdiction de manger avant le dîner, interdiction de jouer au foot dans la maison, etc. Il est évident que ces règles n’ont pas leur fin en elles-mêmes. Leur but est d’apprendre aux enfants à faire ce qui est bien. Quand ils deviendront adultes, le père gardera-t-il ces règles ? Non, évidemment, car, devenus grands, ses enfantsn’auront plus besoin de toutes ces règles précises pour bien se conduire. Ils seront capables d’agir par amour du bien, et non parce que la règle le dit, ou par peur de la punition.

De la même manière, par les 613 commandements, Dieu a donné à Israël de nombreuses règles précises pour former un peuple dans la foi et dans le bien. Mais Dieu, en venant sur la terre, parmi nous, en la personne de Jésus, et surtout en nous envoyant son Esprit Saint, nous a fait devenir « adultes » dans la foi. Désormais, c’est l’amour lui-même qui doit nous guider, et non les règles ou la crainte de la punition.

Mais qu’est-ce que l’amour véritable ? C’est aimer l’autre comme un autre soi-même, jusqu’à être prêt à sacrifier son propre bien pour le bien de l’autre. Le signe le plus sûr de l’amour est le sacrifice. Dieu nous l’a montré en envoyant son Fils : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » ( Jn 3,16 ). Jésus accomplit l’acte d’amour le plus parfait en mourant librement sur la Croix, prenant sur lui le salaire du péché, alors qu’il était innocent. Par amour, il paie le prix de nos fautes à notre place.

Mais cela va plus loin encore. « Si vous aimez ceux qui vous aiment, demande Jésus, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » ( Mt 5,46-47 ). Jésus enseigne à aimer non seulement ceux qui nous aiment, mais aussi nos ennemis : « Mais moi, je vous dis : "Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent" » ( Mt 5,44 ). Il en donne lui-même l’exemple suprême sur la Croix, en priant : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » ( Lc 23,34 ), manifestant jusqu’à son dernier souffle un amour qui veut sauver même ses bourreaux.

Ainsi se dévoile la splendeur unique de la foi chrétienne : un Dieu qui ne nous demande rien qu’il n’ait vécu lui-même, qui fait de l’amour la clé de toute la loi, et qui nous apprend, pas à pas, à aimer comme lui. En Jésus, l’amour devient le chemin, la vérité et la vie. À qui cherche une raison de croire, il suffit de contempler cette exigence d’amour universel, unique, et de comprendre qu’elle ne peut venir que de Dieu lui-même.

Antoine de Montalivet a étudié la philosophie et la théologie au séminaire diocésain de Fréjus-Toulon.


Au delà

Saint Paul dit : « À peine voudrait-on mourir pour un juste ; peut-être accepterait-on de mourir pour quelqu’un de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. » Il ne nous a pas aimés parce que nous étions justes, mais au contraire, nous pouvons devenir justes parce qu’il nous a aimés.

Si l’on dit que Jésus a vaincu la mort, explique le cardinal Journet, c’est en raison de cet acte d’amour suprême de Jésus sur la Croix, où il a aimé même ses ennemis. C’est à ce moment-là qu’il vainc définitivement la haine par l’amour, et la mort par la vie. Et c’est ainsi qu’à notre tour, Jésus nous demande de suivre son chemin et de triompher avec lui par l’amour.

Il écrit : « Quand la machine du mal a vaincu le chrétien, quand on l’a condamné aux camps de l’esclavage et à une mort lente, quand on a dégradé son psychisme humain, quand on lui a volé ses enfants pour arracher de leur âme la foi de leur baptême et y verser la haine de Dieu, quand il n’a plus aucun recours possible contre le déferlement de l’océan du mal, alors il lui reste de tourner une dernière fois son cœur vers les profondeurs silencieuses du royaume de Dieu, et de dire, lui aussi, en Jésus : "Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ! " À cet instant, il a tout vaincu, pour l’éternité » (Les Sept Paroles du Christ en Croix).


Aller plus loin

Lire en entier le Sermon sur la montagne, c’est-à-dire les chapitres 5, 6 et 7 de l’Évangile selon saint Matthieu.


En complément

  • L’encyclique Deus caritas est, de Benoit XVI

  • Le Catéchisme de l’Église catholique :

    • L’amour comme accomplissement et sommet de la Loi : CEC 2055, 1970, 1825, 1965.

    • Jésus comme modèle et source de l’amour : CEC 459, 604, 609, 478, 520.

    • L’amour chrétien universel et le pardon des ennemis : CEC 1933, 2844, 2262, 2822.

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