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Histoires providentielles
Bourgogne, Paris, Antilles, Guyane (France)
Nº 692
1779 – 1851

Le Christ est à l’œuvre dans les succès impressionnants d’Anne-Marie Javouhey

Anne-Marie Javouhey (1779 – 1851), fondatrice des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, est une missionnaire animée d’une foi ardente qui a œuvré notamment en Afrique, aux Antilles et en Guyane. Le bilan de son action est stupéfiant ; outre le secours incessant aux malades, aux enfants abandonnés, aux malades mentaux, elle réussit à libérer des centaines d’esclaves. Pourtant, rien ne prédisposait la petite bourguignonne à un tel destin. Il aura fallu des événements providentiels pour qu’elle prenne conscience de sa mission et parvienne à l’accomplir. Elle est béatifiée en 1950 ; sa vie, entièrement donnée et tellement féconde, montre que le message chrétien n’est pas une théorie, mais une force qui transforme le monde.


Les raisons d'y croire

  • La vocation religieuse d’Anne-Marie Javouhey a perduré avec constance, alors même qu’elle était d’abord impossible à réaliser dans la France de la Révolution. Cette invariabilité laisse supposer un appel réel et profond, non fabriqué.

  • La rencontre de la bienheureuse avec le pape Pie VII à Chalon-sur-Saône en 1804 est providentielle : sans elle, et sans l’encouragement du souverain pontife, Anne-Marie n’aurait jamais eu la témérité d’aller trouver l’évêque d’Autun pour lui expliquer qu’elle entendait fonder une nouvelle congrégation, alors qu’elle n’avait elle-même aucune expérience de la vie cloîtrée.

  • Fondée par la bienheureuse le 12 mai 1807, la congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny a connu un essor extraordinaire en quelques décennies à peine. À la mort de la fondatrice, le 15 juillet 1851, la congrégation compte déjà plus d’un millier de religieuses réparties en cent quarante maisons sur les cinq continents, au service de l’éducation, de la santé et de l’évangélisation. L’œuvre perdure aujourd’hui encore, plus de deux siècles après sa mort. Cette fécondité spirituelle ne peut être attribuée aux seules capacités humaines de la fondatrice, et le succès fulgurant mondial de la congrégation suggère l’authenticité de l’inspiration divine.

  • L’action sociale et la charité de la bienheureuse dépassent de loin les capacités habituelles d’un être humain. Son engagement pour les nécessiteux s’étend aux malades mentaux, aux orphelins, aux pauvres, aux esclaves, etc. Anne-Marie Javouhey donne ainsi sa vie pour les autres sans attendre de récompense terrestre ; elle agit pour Dieu. Cet amour désintéressé envers ceux que la société rejette est un écho direct de l’Évangile. Une telle bonté ne s’explique pas seulement par l’éducation ou le caractère : elle révèle une source surnaturelle.

  • La vie de la bienheureuse et celle de sa congrégation sont parfaitement documentées : dès l’année de la mort de leur fondatrice, les sœurs de Saint-Joseph de Cluny ont eu soin de préserver leur histoire. En 1851, sœur Léontine Fontaine collecta tous les documents avec zèle. Un classement systématique des archives fut réalisé dans les années 1970. Actuellement, plusieurs fonds sont accessibles aux chercheurs (archives des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, archives du ministère de la Marine et des Colonies, du diocèse d’Autun, de l’archevêché de Paris, etc.).

  • Ces archives témoignent, mois après mois, des succès inattendus, remportés contre toute attente. En effet, pour la bienheureuse, aucun doute : ses projets sont couronnés de succès car Dieu intervient sans cesse en sa faveur. Il facilite merveilleusement la mission qu’il lui confie en aplanissant les difficultés de tous ordres. Elle déclare en 1825 : « Le chemin que nous avons fait dans six mois n’aurait pu être parcouru dans de longues années sans toutes ces tracasseries. Remercions le bon Dieu. » Le succès de ce qui est entrepris à Mana pour l’émancipation des esclaves est un excellent exemple : elle parvient à les faire libérer par centaines, bien que le contexte historique soit très peu porteur. « J’admire les desseins de la divine Providence », déclare encore la bienheureuse Anne-Marie Javouhey le 23 juillet 1847. De fait, on ne peut qu’être étonné de ce que cette paysanne de Bourgogne, que rien n’avait préparée à de telles aventures, a accompli.


En savoir plus

Née à Jallanges (Côte-d’Or, France), en 1779, dans une famille bourguignonne dans laquelle la foi compte par-dessus tout, Anne-Marie, fille aînée du foyer, a une enfance heureuse, entre ses parents pieux et affectueux et ses neuf frères et sœurs. Les longues promenades dans la nature et le contact journalier avec les animaux de la ferme sont pour l’enfant un émerveillement. On lui connaît très tôt un goût prononcé pour la prière et la liturgie.

Pendant la Révolution, la future bienheureuse comprend les tourments provoqués par les événements politiques. Avec l’autorisation de ses parents, elle enseigne de manière confidentielle le catéchisme aux enfants du coin. Dans le petit oratoire qu’elle a aménagé dans le jardin familial, elle passe de longs moments en oraison. Elle désire ardemment servir Jésus et l’Église. Rien ne se mettra en travers de son chemin. Dans la nuit du 11 novembre 1798, en présence d’un prêtre réfractaire et recherché, de ses parents et de quelques amis, elle consacre sa vie à Dieu.

Mais à cette époque, trouver une communauté religieuse est une autre affaire. Tous les monastères et couvents ont été fermés et ont été vendus comme biens nationaux. Anne-Marie se rend d’abord à Besançon (Doubs, France), où une autre femme spirituelle, Jeanne-Antide Thouret , veut relancer une maison des Sœurs de la Charité, mais en vain. Elle va ensuite à la Trappe de la Valsainte, en Suisse, où elle rencontre l’abbé, dom Augustin de Lestrange, moine cistercien qui sera l’un des plus grands artisans du renouveau monastique dans la France de la Restauration. Mais, au bout de quelque temps, la bienheureuse se rend compte que la vie contemplative ne lui correspond pas. Elle repart, en quête de sa vocation, et enchaîne dès lors différentes missions : catéchisme, enseignement, etc. Sa situation personnelle n’est guère favorable. Anne-Marie connaît une période de vaches maigres.

En 1804 se produit un événement capital pour elle que d’aucuns ont jugé providentiel : le pape Pie VII fait une halte à Chalon-sur-Saône après avoir sacré Napoléon empereur à Notre-Dame de Paris. Anne et ses trois sœurs réussissent à le rencontrer. Anne-Marie lui confie son désir de devenir religieuse au service des pauvres, sans préciser davantage ses pensées, mais en montrant sa détermination, qui la pousserait volontiers à fonder une nouvelle famille religieuse si le besoin s’en faisait ressentir. Le souverain pontife l’encourage. Accompagnée de quelques camarades tout aussi décidées à quitter le « monde » pour embrasser la vie religieuse, elle obtient un rendez-vous avec l’évêque d’Autun, Mgr Fabien-Sébastien Imberties, un prélat ouvert et organisateur. Conscient de la valeur d’Anne-Marie et de son projet, sachant que c’est Dieu qui la conduit jusqu’à lui, il lui suggère de rédiger une règle communautaire, puis de solliciter des statuts canoniques, de manière à établir sa maison dans une parfaite légalité.

La bienheureuse se met au travail et, avec l’aide de ses amies, rédige les statuts officiels de sa future congrégation. Ceux-ci sont approuvés par l’empereur le 12 décembre 1806, puis, le 12 mai 1807, neuf jeunes femmes prononcent des vœux de religion devant l’évêque d’Autun, dans l’église Saint-Pierre de Chalon-sur-Saône. La congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny vient de naître.

Devant résoudre les questions matérielles, Anne-Marie, en excellente gestionnaire, se voit octroyer la jouissance du grand séminaire d’Autun, alors bien national. Les locaux sont vastes et les premières occupantes semblent parfois s’y perdre. Mais l’heure est à la joie et à l’espérance. On accueille bientôt des fillettes issues de milieux défavorisés ; on leur procure éducation, formation chrétienne et travail manuel.

Peu de temps après, des soldats français blessés lors de la guerre d’Espagne arrivent en Bourgogne. Les sœurs les accueillent et les soignent du mieux qu’elles peuvent. Ce n’est pas facile : les équipements manquent et aucune des religieuses n’a reçu de vraie formation médicale. Mais les hommes trouvent à Autun un cadre sécurisant où ils prennent du repos.

La communauté devient vite connue dans la région, et les jeunes filles souhaitant rejoindre la communauté commencent à affluer. En 1810, Anne-Marie constate que le grand séminaire, si vaste au début, devient un peu étroit… Il faut déménager, tôt ou tard. C’est à cette date qu’a lieu un nouveau coup de pouce de la providence : le père de la bienheureuse, Balthazar Javouhey, achète pour la communauté l’ancien couvent des Récollets, à Cluny. C’est un succès.

La congrégation connaît alors une expansion géographique incroyable, bien au-delà des rêves qu’elle avait faits quelques années auparavant. C’est d’abord, en 1817, l’Île-Bourbon (actuelle Réunion) qui va bénéficier du travail de la bienheureuse et de sa congrégation. Puis ce sera l’Afrique – où la bienheureuse séjourne deux ans, à partir de 1822 – et la Guyane, à deux reprises, en 1828 et à nouveau en 1835… Les sœurs enseignent, soignent, catéchisent, évangélisent avec les moyens du bord. Parmi les ordres et congrégations missionnaires catholiques, c’est un progrès inégalé. Par-dessus tout, elle loue Dieu de lui faire réussir à libérer des centaines d’esclaves, dont certains ont pris la fuite, ou sont blessés, et d’accueillir des malades de la lèpre, dont personne ne veut.

Celle que le roi Louis-Philippe surnomme le « grand homme » décède le 15 juillet 1851 à Paris, exténuée par une vie de travail au service de la foi et des hommes. Le 15 octobre 1950, le pape Pie XII la proclame bienheureuse pour l’éternité.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au delà

Les religieuses sont près de trois mille aujourd’hui, en Europe, Amérique latine, États-Unis, Canada, mais aussi en Inde, Népal, Philippines, Australie, Nouvelle-Zélande… et dans dix-neuf pays africains.


Aller plus loin

Pascale Cornuel, La Sainte entreprise. Vie et voyages d’Anne-Marie Javouhey (1779-1851), Alma Éditions, 2020.


En complément

  • Geneviève Lecuir-Nemo, Anne-Marie Javouhey, fondatrice de la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny (1779 – 1851), Karthala, 2001.

  • Élisabeth Dufourcq, Les Aventurières de Dieu, Perrin, 2009.

  • André Merlaud, Anne-Marie Javouhey : audace et génie, SOS Éditions, 1982.

  • Cyril Charles Martindale, The Life of St. Anne-Marie Javouhey, Longmans, Green, 1953.

  • Recueil des lettres d’Anne-Marie Javouhey, J. Mersch, 1909-1917.

  • Le podcast RCF Pèlerins de Dieu sur Anne-Marie Javouhey, en quatre vidéos sur YouTube .

  • La biographie de la fondatrice sur le site des Sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny, disponible en plusieurs langues.

  • La notice biographique réalisée par l’abbaye Notre-Dame de l’Annonciation.

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