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Les moines
Espagne et Amérique du Sud
Nº 691
1549-1610

La joie divine du frère Solano (+1610)

François Solan (Francisco Solano) est le fils du gouverneur de Montilla, en Andalousie. Il entre dans l’ordre franciscain, dans lequel, à l’image de son saint patron, François d’Assise, il conduit au Christ, par l’humilité et la joie, ceux qu’il rencontre. Il parcourt en effet les rues en jouant du violon, puis prêche quand un attroupement se forme autour de lui. Sa renommée se propage rapidement, si bien qu’il demande à quitter sa patrie pour le nord-ouest de l’Amérique latine. Puis il se rend en actuelle Argentine, où il demeure treize années dans une tribu fermée et hostile, amenant peu à peu ses membres à la foi en Jésus-Christ. Nombreux sont les miracles qu’il accomplit alors. Rappelé à Lima, il y meurt en 1610. Il est canonisé en 1726.


Les raisons d'y croire

  • François a reçu, en plus de nombreux dons de la nature, l’avantage certain dans le monde d’une position sociale plus qu’enviable, et d’une instruction propre à le conduire à de hauts postes. Il pourrait aussi prétendre à un heureux mariage. Pourtant, il se consacre au Christ, renonçant à la joie naturelle de fonder une famille, d’être aimé d’une épouse et d’exercer des responsabilités dans la vie civique.

  • Plus encore : alors qu’il aurait pu devenir prêtre séculier, parmi tous les ordres religieux, c’est l’ordre mendiant franciscain qu’il rejoint. Loin de pouvoir jouir du bien-être d’une maison ordonnée, bien décorée, vaste et confortable, où il puisse tenir son rang en recevant, il épouse « dame Pauvreté » au couvent San Lorenzo de Montilla. Leur règle est la suivante : « observer le saint Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ, en vivant dans l’obéissance, sans biens propres et en chasteté » (ch. 1). Puis il est précisé : « S’il en est qui veulent embrasser cette vie et viennent à nos frères, que ceux-là [...] leur disent la parole du saint Évangile, d’aller, de vendre tous leurs biens et de prendre soin d’en distribuer le prix aux pauvres » (ch. 2). On ne renonce à un bien qu’en vue d’un bien plus grand. C’est selon cette logique que François Solano choisit de devenir franciscain : il sait que le Christ est vivant, et il reconnaît en lui le bien suprême pour l’homme.

  • Il parcourt souvent les rues en jouant du violon, à la grande joie des enfants qui se rassemblent autour de lui pour écouter sa musique. Les adultes se joignent bientôt à eux et François peut ensuite leur parler de l’amour divin, qui a poussé Jésus-Christ à mourir sur la Croix pour sauver les hommes du démon et du mal.

  • François Solano attire jeunes et vieux au Christ par la joie. Il est connu pour sa joie communicative ; même dans les épreuves ou les milieux hostiles, il chante, sourit, joue du violon. On ne peut, estime-t-il, si l’on est sincère, montrer de la tristesse au service de Dieu. La pratique authentique de la vertu rend joyeux. La morosité et les récriminations sont des signes que l’on est encore attaché aux plaisirs matériels et pas assez au Christ. L’attitude continuellement joyeuse de frère Solano reflète la beauté intérieure d’une âme unie au Christ.

  • Dieu est l’Être parfait : rien ne lui fait défaut ; c’est pourquoi il est pleinement heureux. L’homme qui cherche à connaître Dieu et à lui ressembler en obéissant à ses commandements s’approche de lui. L’homme s’unifie parce que Dieu est simple, c’est-à-dire non composé d’éléments contradictoires comme l’est l’homme. Ce processus de renoncement à la vanité des choses pour cheminer vers l’unique essentiel – qu’est Dieu – engendre la joie de l’âme. Le frère Solano en montre l’exemple et invite ses auditeurs à faire de même.

  • De nombreux miracles lui sont attribués, particulièrement en Amérique du Sud (notamment au Pérou, en Argentine et au Paraguay). Ces signes accompagnent son témoignage pour confirmer la vérité de sa mission. Lorsque, pour la première fois, le frère se retrouve au milieu d’une tribu, dans la province de Tucuman, il n’a pas encore eu le loisir d’apprendre leur langage. Il s’adresse alors à eux en castillan pour leur parler de Jésus-Christ. Tous le comprennent comme s’il s’exprimait dans leur propre langue, ce qui évidemment favorise leur conversion.


En savoir plus

François naît à Montilla, en Andalousie, en 1549, dans une famille noble. À deux reprises, son père est gouverneur de la ville, capitale du marquisat de Priego de Cordoba. Sa mère est surnommée « la noble dame » en raison de sa haute lignée et de sa pratique de la vertu. Il reçoit de ses parents une éducation soignée, que complètent les pères jésuites du collège de la ville. Ses contemporains le décrivent comme un homme de grande taille, doué d’une grande amabilité. Sa belle voix et son sens musical rare sont célèbres à Montilla.

Il rejoint les Frères mineurs à la fin de l’adolescence. La prédication de saint Pierre d’Alcantara, franciscain célèbre, l’encourage, et il fait sa profession en 1570. Le 4 octobre 1570, le frère François est ordonné prêtre. Ses supérieurs l’envoient alors au couvent d’Arruzafa, près de Cordoue, afin d’y tenir la charge de maître des novices. Puis, en 1581, il rejoint le couvent de San Francisco del Monte, dans les landes de la sierra Morena.

Enfin, il est nommé gardien (c’est-à-dire responsable) du couvent San Luis de la Zubia, dans la plaine de Grenade. C’est de là que, pour fuir la renommée que lui valent ses nombreux talents naturels et surnaturels, il quitte en 1588 l’Andalousie pour se joindre au groupe de missionnaires recrutés pour l’évangélisation de l’Amérique latine. La vice-royauté du Pérou, qui dépend de la couronne castillane, a été fondée en 1542 par Charles Quint et est désormais bien établie, malgré des divisions internes.

Quelles sont ces terres lointaines qu’il parcourt à pied ? Le Panama, la Colombie, le Pérou, le Paraguay et la Bolivie. Il y prêche l’Évangile. Ces voyages entrepris pour le salut éternel d’autrui et pour faire connaître l’amour divin aux peuples reculés impliquent quantité de renoncements à soi-même et de souffrances au quotidien. Le frère François doit traverser les Andes au relief accidenté et aux chemins étroits et tortueux, se frayant un chemin à travers une végétation sauvage, jamais foulée auparavant, montant et descendant sans, semble-t-il, voir jamais la fin du trajet, manquant de se rompre les os le long des précipices, ou glissant dans la boue et chutant dans la forêt. C’est aussi une lutte contre toutes sortes d’insectes, et les fièvres occasionnées par leurs piqûres. C’est, de manière générale, une marche harassante tout au long des journées chaudes et très humides du climat tropical.

Mais, dans ces régions aussi, tous devinent sa sainteté : c’est pourquoi il se rend, avec la permission de ses supérieurs, en actuelle Argentine. Il s’arrête dans la région de Tucuman, où les Indiens sont réputés pour avoir des mœurs féroces. Un jour, alors qu’il chemine dans la forêt où la végétation est dense, il se sent observé. Il s’arrête alors près d’une source pour se reposer et observer son environnement. Les chants des oiseaux le poussent à les accompagner de son violon. C’est alors qu’un Indien surgit de la forêt et le menace. Le frère François ne manifeste pas de signes de frayeur, mais, au contraire, s’approche calmement de l’homme. Ce dernier, surpris, l’écoute, puis, ému par la musique, invite le franciscain à visiter sa tribu. Il en est le chef. Le frère se retrouve bientôt au milieu des habitants, à qui il s’adresse en castillan, pour leur parler de Jésus-Christ. Tous le comprennent comme s’il s’exprimait dans leur propre langue. Par la suite, il apprendra plusieurs langues indigènes. Nombreux sont les miracles qu’il accomplit parmi eux. La tribu, peu à peu, embrasse la foi de Jésus-Christ.

Le frère François demeure treize années en ce pays. Il rétablit la paix entre les colons et les Indiens, amenant les deux partis à la foi catholique. Il guérit des malades affligés de maux estimés mortels et ressuscite des morts. Il dompte des bêtes sauvages et fait jaillir des sources. Tous ces prodiges, dont seul Dieu peut être la cause, lui valent la vénération tant des Indiens que des colons de toute la région.

Vers 1601, il est rappelé à Lima, où il essaie de ramener les colons espagnols à une pratique plus fervente de la foi.

Le 14 juillet 1610, en la fête de saint Bonaventure, grand saint franciscain, sentant sa vie toucher à sa fin, il demande aux frères du couvent de chanter le Magnificat et le Credo. Aux mots : « Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine »Le Verbe divin s’est incarné par le Saint-Esprit de la Vierge Marie »), comme les cloches du monastère annoncent l’élévation de la sainte hostie lors de la messe conventuelle, il rend son dernier souffle.

L’enquête sur ses vertus et ses miracles commence l’année même de sa mort, tant sa réputation de sainteté est importante et très largement connue. Il est béatifié en 1675 par le pape Clément X et canonisé en 1726 par le vénérable pape Benoît XIII.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Au delà

Le frère François Solano montre à tous que le Christ ne rejette pas le plaisir. Certains plaisirs sont bons : celui de poser un acte vertueux, par exemple en accomplissant avec soin son devoir d’état au travail et à la maison, ou encore en venant en aide à autrui. La finalité de ces actes se trouve d’abord ici-bas : c’est tel ouvrage à accomplir ou tel homme à seconder ; mais, ultimement, elle est purement surnaturelle : c’est pour Dieu qu’on agit.


Aller plus loin

José Garcia Oro , San Francisco Solano: Un hombre para las Americas, Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 1988.


En complément

  • José Maria Iraburu, Hechos de los apostoles de America, Pampelune, Fundacion Gratis date, 2003, p. 150-155. Le livre (en espagnol) est disponible en ligne .

  • Fray Alvaro Diaz, San Francisco Solano. Gloria de los misioneros de America. Esta edicion se hace en conmemoracion del primer centenario de la Parroquia de San Francisco Solano de Montilla: Enero 1891-1991, Cordoue, Monte de Piedad y Caja de Ahorros, 1991.

  • Le site « Franciscanos » présente une courte biographie du frère Solan o, rédigée par le jésuite Ruben Vargas Ugarte.

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