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Lacrymations et images miraculeuses
Rome (Italie)
Nº 687
Du 25 juin 1796 à mi-janvier 1797

Des images vivantes de Marie en Italie

Le 9 juillet 1796, à Rome, un phénomène déroutant se produit : l’image vénérée de la Madonna dell’Archetto,peinte sur pierre en 1690, ouvre et ferme ses yeux de manière visible à plusieurs reprises. Cet événement est observé par de nombreux fidèles et reconnu comme authentique après enquête. Ce prodige s’inscrit dans une série de miracles mariaux survenus entre juin 1796 et début 1797, principalement à Rome, où plus d’une centaine d’images de la Vierge semblent s’animer (mouvements oculaires, larmes…). Tout cela survient dans un contexte particulièrement troublé, tandis que Napoléon mène sa campagne d’Italie et occupe une partie des territoires pontificaux. Ces images sont pour la plupart conservées dans la rue (enchâssées dans le mur d’un édifice) ou dans un édifice religieux, plus rarement dans une maison privée. Nombre de ces images sont aujourd’hui encore visibles un peu partout dans la Ville éternelle. La petite chapelle appelée Santuario della Madonna dell’Archetto, dans laquelle se trouve l’une de ces images, est désormais un lieu de pèlerinage, où se tient une fête annuelle le premier dimanche de juillet en mémoire de l’événement.


Les raisons d'y croire

  • Lors de la grande enquête diligentée par le cardinal Giulio Maria della Somaglia en octobre 1796, 26 des prodiges recensés font l’objet d’un procès-verbal de reconnaissance en bonne et due forme et 962 témoins sont interrogés sous la foi du serment.

  • Aucune des explications matérialistes ne tient debout : il n’existe à ce jour aucune branche du savoir capable de rendre compte d’un tel phénomène. Il ne peut s’agir d’une tromperie – on conçoit mal une machination à l’échelle d’une capitale entière, et dans quel but ? De plus, sur le plan technique, un trucage est strictement impossible : en 1796, l’électricité et le cinématographe n’existent pas, et il n’existe alors aucun moyen d’illusionner une foule en actionnant les paupières d’une image enchâssée dans la paroi d’un édifice depuis plusieurs siècles.

  • Une « épidémie » visionnaire – un délire collectif à l’échelle de Rome – ne pourrait pas non plus expliquer ces images vivantes de la Vierge. Les témoins, très différents par leur âge et leur situation, se comptent par plusieurs centaines et le phénomène s’étend sur de longs mois. D’ailleurs, s’il s’agissait d’hallucinations, on comprendrait difficilement pourquoi uniquement des représentations de la Vierge ont fait l’objet de ces prodiges. Pourquoi aucune peinture « profane » n’a-t-elle été impliquée ?

  • Des illusions d’optique ne peuvent pas non plus rendre compte du phénomène. Celles-ci peuvent parfaitement exister, mais elles ne s’étendent jamais dans la durée et sont circonscrites dans l’espace : rien de tel ici !

  • Parmi les multiples témoins, le père Vallepietra, capucin, mérite une attention spéciale. Celui-ci est témoin oculaire, à partir du 15 juillet 1796, de la fermeture et de l’ouverture des yeux d’une reproduction de Notre Dame de Guadalupe, dans l’église romaine San Nicola in Carcere, près de l’Aventin (miracle reconnu). Or, ce religieux est l’auteur d’un traité sur les lois de l’optique ; il explique : « Je vis les lois de la nature rompues […]. Je vis que les prunelles demeurèrent en cet état pendant quatre secondes au moins, descendirent ensuite avec le même mouvement, et reprirent leur première place. »

  • Les fruits spirituels recueillis lors du phénomène, et dans les mois qui ont suivi, sont nombreux et durables : paix, pardon, retour à la pratique sacramentelle, conversions... Ces prodiges sont source de réconfort pour les Romains, unissant le peuple autour de la foi mariale et du soutien au pape, en pleine crise politique et militaire. Ces conséquences humaines, toutes positives, sont absolument incompatibles avec des hallucinations morbides.

  • Les dates du phénomène ne sont pas le fruit du hasard : avant juin 1796 et après janvier 1797, rien ne se passe. Ce moment correspond bien au danger que fait courir Bonaparte à la papauté et à divers sanctuaires italiens, et à la peur ressentie par les catholiques italiens face à l’avancée militaire des troupes napoléoniennes.

  • Par la suite, plusieurs images et statues miraculeuses ont été couronnées par les responsables ecclésiastiques, ce qui marque une reconnaissance exceptionnelle d’une manifestation divine et leur confère une distinction et une place toute privilégiée parmi les sanctuaires catholiques. C’est par exemple le cas de l’image de la Regina Sanctorum Omnium dans la cathédrale d’Ancône, couronnée le 13 mai 1814 par le pape Pie VII, ou celui d’une petite statue de Notre Dame du Mont-Carmel installée dans l’église romaine Saint-Martin-aux-Monts, dont le miracle est authentifié par décret épiscopal le 28 février 1797, et qui est couronnée le 28 juin 1959 par le cardinal Eugène Tisserand († 1972).


En savoir plus

Tandis que Napoléon mène sa campagne d’Italie à la tête d’une armée forte de 45 000 hommes (il entre dans Milan le 15 mai 1796), menaçant le pape Pie VI, octogénaire, bientôt prisonnier des Français, un phénomène insolite et unique, demeuré totalement inexpliqué, va secouer la péninsule italienne.

Du 25 juin 1796 au 23 janvier 1797, une image de la Vierge Marie, dite Regina Sanctorum Omnium, conservée dans la cathédrale d’Ancône (Marches, Italie), devient comme vivante. Les témoins directs du phénomène sont nombreux car, ce jour-là, on est venu prier en nombre sur le tombeau du bienheureux Antonio Fatati. L’un d’eux, Francesca Massari, raconte : « Je vis la Vierge qui avait soulevé ses paupières jusqu’à découvrir presque entièrement les pupilles. » Le 6 juillet suivant, le cardinal Vincenzo Ranuzzi (1726 – 1800), évêque d’Ancône et nonce apostolique, également témoin des faits, publie un récit officiel. Le 13 mai 1814, l’image sera couronnée par le pape Pie VII.

Le 9 juillet 1796, dans une petite rue romaine, près du Capitole, une peinture à l’huile de la Madonna dell’Archetto(Notre Dame de Miséricorde) placée sous une arche, ouvre et ferme les yeux pendant de longues heures, quasiment sans interruption. « Je me tenais debout du côté gauche, de telle sorte que je voyais parfaitement le visage entier. Une foule immense remplissait toute la rue […]. Les prières que le peuple faisait à haute voix étaient continuelles. J’entendis plusieurs fois crier : "Vive Marie ! Voilà qu’elle ouvre les yeux !" Je regardais attentivement la Madone, mais je n’apercevais aucun mouvement ; ce qui me confirmait de plus en plus dans mon sentiment qu’il n’existait que dans l’imagination échauffée du peuple [...]. Je restai ainsi trois quarts d’heure devant Marie, observant la scène d’un œil critique. Mais, tout à coup […], étant immobile et les yeux fixés sur l’image, j’aperçus un mouvement bien visible et très sensible dans les deux yeux. J’observais que leurs globes étaient en mouvement, et que les prunelles, s’élevant par degrés, allaient se cacher presque en entier sous les paupières supérieures : on n’apercevait plus leur couleur noire ; on ne voyait plus que le blanc de l’œil. Après un très court instant, les prunelles retournèrent lentement à leur place ordinaire », témoigne l’un des premiers témoins, le père franciscain Giovenale Goani, sous la foi du serment.

Un autre témoin de ce miracle, présent aux côtés du père Goani, relate : « J’observai que le globe des yeux disparut, que la paupière supérieure s’abaissa, et s’unit avec la paupière inférieure, de telle manière que les yeux apparurent entièrement fermés. Je fus tellement frappé que je soupçonnai quelque éblouissement, quelque illusion passagère. Je mis mes mains devant mes yeux que je fermai quelques moments. Je les rouvris ensuite, je les fixai à nouveau sur ceux de la Vierge Marie, et je vis distinctement qu’ils étaient encore fermés. Mais l’instant d’après ils s’ouvrirent... »

Les semaines suivantes, des dizaines d’autres images de la Vierge sont le support d’un tel prodige, aux quatre coins de Rome. Outre celles localisées dans l’espace public, plusieurs se trouvent dans une église, une chapelle, un oratoire ou, plus rarement, dans une maison particulière.

Parmi les cas recensés, plusieurs ont fait l’objet d’une enquête ecclésiastique et civile rigoureuse qui a débouché sur un acte officiel de reconnaissance des faits. En effet, le 1er octobre 1796, face à l’importance des témoignages recueillis, le cardinal Giulio Maria della Somaglia († 1830), patriarche d’Antioche et futur évêque d’Ostie, ordonne une enquête des plus sévères sur les images « vivantes » de Rome et d’Ancône. L’on interroge 962 personnes, parmi lesquelles des responsables politiques, des prêtres, plusieurs dizaines de religieux appartenant à des ordres et des congrégations diverses. Parmi les dizaines de prodiges rapportés, 26 font l’objet d’une reconnaissance par procès-verbal. Plusieurs des images au « regard vivant » seront couronnées dans les décennies suivantes.

Les lieux recensés couvrent toute la ville de Rome : place d’Espagne, via delle Muratte (près de la fontaine de Trévi), place Madame, église des Saints-Quarante-Martyrs-et-Saint-Pascal-Baylon, église Santa Maria dei Miracoli (place du Peuple), église Notre-Dame-de-la-Consolation (Forum), palais de la Consulta (près du Quirinal), etc.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Aller plus loin

Patrick Sbalchiero, Enquête parmi les voyants, Paris, Éditions de Paris, 2007, p. 151-159.


En complément

  • Histoire des images miraculeuses de Rome et des États de l’Église, 1923. Disponible en ligne .

  • René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Fayard, 2007, p. 918-925.

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