
La bienheureuse Eugénie Joubert, catéchiste de feu
Eugénie Joubert naît à Yssingeaux (Haute-Loire, France) en 1876. Intelligente et sensible, la fillette vit en union avec Jésus dès son plus jeune âge. Aspirant à être religieuse, elle est admise chez les Sœurs de la Sainte-Famille du Sacré-Cœur et, en plus de la prière, consacre son temps à la catéchèse des enfants. Atteinte par la tuberculose, elle meurt à Liège le 2 juillet 1904, à vingt-huit ans. Eugénie Joubert a été béatifiée par le pape Jean-Paul II en 1994 et donnée comme « modèle » pour les catéchistes du monde entier. « Chacun, dès son plus jeune âge, est appelé à rendre témoignage à la vérité », souligne-t-il pendant l’homélie de béatification.
Les raisons d'y croire
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Eugénie manifeste très précocement une piété forte, un amour sincère de la prière et une attirance pour la vie religieuse. Ainsi, une relation personnelle avec Dieu peut naître dès le plus jeune âge et de façon naturelle. Chez une enfant, une telle soif de Dieu est ingénue et vient nécessairement d’un appel réel.
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Plus grande, Eugénie s’illustre comme une catéchiste hors du commun ; peu importe le lieu et le milieu social dans lequel elle intervient : son annonce de l’Évangile convertit à tour de bras.
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Atteinte de la tuberculose à partir de 1902, Eugénie a souffert longuement et intensément, mais avec une paix et une joie qui ont impressionné son entourage. Face à ce qui semble n’avoir aucun sens (la douleur, la maladie…), sa positivité et sa force intérieure semblent illogiques et sont difficiles à expliquer sans une source transcendante.
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Elle explique : « Je suis heureuse de souffrir avec Jésus. » Ce n’est pas du masochisme, mais une expérience véritable du mystère chrétien de la rédemption : la souffrance, unie à celle du Christ, peut devenir féconde.
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En juillet 1911, Marie, adolescente du Dahomey (actuel Bénin), souffre de toux persistantes, de vomissements sanguins, de fièvre… Après lui avoir diagnostiqué une tuberculose (maladie dont est morte Eugénie Joubert), les médecins tentent de la sauver par de multiples moyens, en vain. Un prêtre, le père Barril, lui procure une relique d’Eugénie Joubert et lui dit d’entreprendre une neuvaine en son honneur. À la fin de celle-ci, Marie est guérie. Elle entre chez les Petites Sœurs des pauvres et prend le nom de sœur Eugénie, selon la promesse faite par le père Barril.
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Le miracle ayant servi à sa béatification est celui de la guérison inexplicable d’un Belge, Émile Legaye, atteint d’emphysème pulmonaire et de problèmes cardiovasculaires. Le 1er octobre 1928, après deux opérations infructueuses, au prix d’un ultime effort et bien qu’éloigné de la religion depuis des années, il se décide à se rendre sur la tombe d’Eugénie Joubert, au cimetière Saint-Gilles, parce que son épouse lui en parle régulièrement. Il ressort du cimetière debout, sans aucune douleur, parfaitement guéri, ce que les médecins constatent le lendemain, effarés. Émile Legaye a vécu encore vingt-deux ans, en parfaite santé.
En savoir plus
Eugénie Joubert naît le 11 février 1876 à Yssingeaux (Haute-Loire, France), près du Puy-en-Velay. Elle est la quatrième des huit enfants de Pierre Joubert et d’Antoinette Celle, vignerons.
Jusqu’en 1887, la fillette est scolarisée chez les ursulines de Monistrol, où elle fait sa première communion et sa confirmation. À cette époque, alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente, Eugénie fait preuve d’une maturité spirituelle et humaine exceptionnelle. Elle écrit à l’une de ses jeunes sœurs : « Le Bon Dieu n’interdit pas le rire et l’amusement, pourvu qu’on l’aime de tout son cœur et qu’on garde l’âme toute blanche, c’est-à-dire sans péché [...]. Le secret pour rester enfants du Bon Dieu, c’est de rester enfants de la Sainte Vierge. Nous devons beaucoup aimer la Sainte Vierge et lui demander chaque jour de mourir, plutôt que de commettre un seul péché mortel. »
Elle est ensuite l’élève des sœurs de Saint-Joseph, à Yssingeaux, où elle reste un an, puis elle entre au collège Sainte-Marie, au Puy. Ses camarades de classe admirent sa bonté, son énergie et la fidélité avec laquelle elle se réveille tôt chaque matin pour aller à la messe.
Elle mène dès lors une vie spirituelle d’une immense profondeur. Elle sait que Jésus la veut proche de lui et elle prie de longues heures pour garder son âme dans la paix du Seigneur. Son projet de se faire religieuse prend corps.
Eugénie aide également sa mère dans les tâches ménagères et rend visite aux malades et aux pauvres, avec lesquels elle partage sa nourriture. Elle s’aperçoit également qu’elle remporte un succès incroyable lorsqu’elle fait le catéchisme aux enfants d’Yssingeaux. Le curé de la paroisse l’a aussi parfaitement remarqué. « Pourvu que Jésus soit content ! », répète-t-elle souvent.
En octobre 1893, Eugénie effectue une retraite spirituelle de quelques jours à La Darne, chez les sœurs de la Sainte-Famille du Sacré-Cœur, où sa sœur aînée est entrée quelque temps auparavant. La future bienheureuse sent que c’est là que Dieu l’appelle. Le 2 juillet 1895, elle s’entretient avec le père jésuite Louis-Étienne Rabussier, directeur des Sœurs zélatrices du Sacré-Cœur de Bourges, qui lui confirme son choix : elle entrera dans cette communauté. Le 6 octobre 1895, elle entre officiellement comme postulante. Là, ses sœurs en religion la trouvent surprenante et admirable : cette petite postulante est un modèle de foi et de vertu. Elle écrit alors dans son journal : « Si je vis par l’esprit de foi, si j’aime vraiment Notre Seigneur, il me sera facile de créer une solitude au plus profond de mon cœur et surtout d’aimer cette solitude, d’habiter seule avec Jésus seul. »
Le 13 août 1896, Eugénie reçoit l’habit des mains du père Rabussier. « Que mon cœur, comme une boule de cire, simple comme un enfant, se laisse maintenant revêtir d’obéissance, d’un désir absolu de la volonté divine, sans offrir d’autre résistance que celle de vouloir donner toujours plus », note-t-elle quelques heures plus tard dans son journal. Au printemps de 1897, le noviciat est transféré à Saint-Denis-sur-Seine, dans un ancien carmel. Eugénie, toujours joyeuse, y accomplit des tâches modestes : lessive, nettoyage des locaux et de la chapelle, aide à la cuisine, etc. Elle explique son comportement quotidien et son abandon à la Providence : « Je ne suis jamais seule, mais toujours avec Jésus, Marie, Joseph. »
Le 8 septembre 1897, elle prononce ses vœux temporaires. Elle est alors envoyée à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis, France), dans la communauté installée au 154, avenue Victor-Hugo, à proximité de l’église Notre-Dame-des-Vertus. Elle prend alors en charge le catéchisme des enfants, dont les familles sont souvent éloignées de l’Église catholique. Là, au milieu de filles et de garçons démunis, victimes de conditions sociales et familiales compliquées, Eugénie réussit à communiquer dans un langage simple mais extrêmement fort la vie de Jésus et le message évangélique. En 1898, elle revient au Puy. C’est un même succès pour la jeune catéchiste. Trois ans plus tard, elle est demandée à Liège : même réussite, partout où elle prend la parole !
En mars 1902, Eugénie éprouve quelques difficultés à respirer. Confiante en Dieu, elle ne dit rien à personne. Mais une hémorragie impressionnante la fait changer d’avis. Elle se confie alors à un médecin qui ne voit aucun signe d’inquiétude et qui juge bon de la renvoyer à ses activités. En juin 1902, la religieuse infirmière de sa communauté s’aperçoit que les traits de sœur Eugénie sont tirés et qu’une fatigue inhabituelle s’est emparée de la religieuse, à qui elle ordonne de garder le lit. Eugénie obéit. Dès lors, son état ne fait plus mystère : elle est atteinte de tuberculose. Contrainte à l’isolement et clouée au lit, elle veut obéir à Dieu en toutes choses et œuvrer à la conversion des pécheurs : « Être fidèle dans la souffrance. C’est Jésus qui vient. Je peux ainsi faire beaucoup pour les âmes... », écrit-elle.
Pour obtenir sa guérison, les supérieurs de la congrégation font le vœu de l’accompagner en pèlerinage à Rome et au sanctuaire Notre-Dame de Lorette (Italie centrale), du moins si ses forces reviennent. C’est le cas. Le 2 mai, elle visite le sanctuaire de Lorette, puis elle s’installe temporairement à Rome, où, malgré sa santé chancelante, on lui confie des tâches administratives importantes au sein de la nouvelle communauté romaine de sa congrégation. En octobre 1902, Eugénie retourne à Lorette. À cette date, sa mort prochaine semble une évidence. Cependant, Eugénie prie toujours davantage, demandant à Jésus de lui accorder assez de force pour poursuivre son travail de catéchiste.
Le 6 mai 1904, en compagnie d’une autre religieuse, elle quitte définitivement Rome pour revenir à Liège. À partir du 18 juin, elle est définitivement alitée. Le 26, elle reçoit l’onction des malades et demande à ses sœurs de prier pour elle. Le 1er juillet, elle communie une dernière fois. Lorsque l’une des religieuses lui montre une statuette de l’Enfant Jésus ; elle dit faiblement : « Quand, quand viendra-t-il ? » Le 2 juillet 1904, vers dix heures du matin, elle demande l’heure : c’est très précisément à la même heure que, neuf ans plus tôt, Dieu, par la bouche du père Rebussier, l’a appelée parmi les Sœurs de la Sainte-Famille du Sacré-Cœur. Sœur Eugénie prononce alors par trois fois le nom de Jésus, puis expire en souriant.
Déposée dans un cercueil placé dans la salle communautaire, au milieu d’un parterre de roses et de lys, Eugénie Joubert est vénérée par ses sœurs en religion comme par tous ceux et celles à qui elle avait annoncé la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Sa tombe, au cimetière Saint-Gilles, à Liège, devient tout de suite un but de pèlerinage et un lieu de prières. Des années avant sa béatification, la bienheureuse est déjà l’objet de toutes les attentions de l’Église catholique, et sa figure spirituelle suscite un grand engouement.
En 1927, Mgr Clément, archevêque de Monaco, parle au sujet d’Eugénie Joubert en ces termes : « Une âme magnifiquement prévenue des grâces de Dieu et digne d’être proposée comme modèle de ferveur et de généreuse immolation. »
Le procès informatif diocésain débute à Liège dès le 26 septembre 1919, à peine quinze ans plus tard. Des commissions rogatoires ont lieu à Paris, de 1921 à 1922, au Puy et à Rome, de 1923 à 1924. Le 28 avril 1936, le décret sur les écrits est publié et, le 1er juin 1938, le décret introductif de la cause, qui marque le début du procès apostolique – malheureusement retardé à cause de la Seconde Guerre mondiale. Le 9 juin 1983, le pape Jean-Paul II autorise la promulgation du décret par lequel sœur Eugénie peut être déclarée vénérable. Eugénie est béatifiée par Jean-Paul II le 20 novembre 1994, et sa fête liturgique est fixée au 2 juillet.
En 1948, alors que les religieuses de la Sainte-Famille du Sacré-Cœur quittent Liège pour Dinant (diocèse de Namur, Belgique), la sépulture de sœur Eugénie est transférée du cimetière Saint-Gilles, à Liège, où elle reposait depuis le 2 juillet 1904, jusqu’à l’église située dans leur nouveau lieu de vie. À Saint-Gilles, le cénotaphe est toujours vénéré ; il est fleuri d’un buisson orange dont plusieurs générations de visiteurs évoqueront le caractère pérenne, quelle que soit la saison !
Puis en 2024, la retour des reliques de la bienheureuse dans une chapelle de l’église Saint-Gilles, sur les hauteurs de Liège, est organisée. À Dinant, la mémoire d’Eugénie Joubert est préservée grâce à l’installation d’un nouveau reliquaire dans la collégiale.
Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.
Aller plus loin
Un site est dédié à la bienheureuse Eugénie Joubert .
En complément
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La page du site Santi e Beati : « Beata Eugenia Joubert », en italien.
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Maurice Dechaud, Eugénie Joubert, vingt-huit ans de sourire, Le Puy-en-Velay, Imprimerie Jeanne d’Arc, 1994.
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Les vidéos de la chaîne YouTube Amis Bienheureuse Eugénie Joubert .
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Eugénie Domini, Bienheureuse Eugénie Joubert. Un sourire du ciel pour les jeunes, Signe, 2024.
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L’article de CathoBel : « Qui était Eugénie Joubert, la bienheureuse dont les reliques seront inhumées à l’église Saint-Gilles le 30 juin ? »