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© Flickr/Jornal O Bom Católico
Les visionnaires
Couvent de Tuy (Galice, Espagne)
Nº 680
13 juin 1929

La théophanie de Tuy

Le message du Ciel à Fatima n’est pas clos avec le grand miracle du 13 octobre1917 . Jusqu’à leur mort prématurée, Francisco et Jacinta Marto seront, au milieu de leurs souffrances, favorisés de locutions et d’apparitions privées. Quant à leur cousine, Lucie dos Santos , entrée en religion, il lui reviendra, comme Notre Dame le lui avait annoncé, de compléter le message céleste et d’avertir les autorités ecclésiastiques des périls auxquels elles exposaient le monde et l’Église en ne déférant pas aux pressantes demandes de consécration de la Russie au Cœur immaculé de Marie. Une vision méconnue, survenue le 13 juin 1929 au couvent de Tuy, en Galice, inaugure cette nouvelle période dans la vie de sœur Lucie.


Les raisons d'y croire

  • Au sein de la communauté religieuse qu’elle a rejointe en 1926, Lucie ne cherche en rien à se singulariser et tente de préserver son anonymat. Par tempérament, elle ne cherche jamais à se rendre intéressante. Mais la jeune fille connaît encore des expériences mystiques, des apparitions et des visions. En décembre 1925, L’Enfant Jésus lui est apparu, qui formule diverses demandes qui ne seront pas écoutées, malgré l’insistance de Lucie auprès de ses supérieures et de son évêque. Dans ces conditions, eu égard aux complications que cela engendre pour elle, la jeune religieuse n’a aucun intérêt à inventer de nouveaux phénomènes surnaturels. Il faut donc supposer que les faits du 13 juin 1929 sont exacts.

  • Cette nuit-là, comme chaque semaine, elle prie seule dans la chapelle du couvent, exécutant l’Heure Sainte demandée par le Christ lors des apparitions du Sacré Cœur à Paray-le-Monial. Elle vient juste de s’agenouiller, preuve qu’elle ne s’est pas assoupie, lorsqu’elle a une vision très complexe.

  • Il s’agit, comme Lucie va le comprendre, d’une vision imagée complexe du mystère de la Très Sainte Trinité, sur lequel elle reçoit des « lumières ». Le niveau d’études de Lucie, comme ses connaissances théologiques, étant très faible, il est impossible de supposer qu’elle ait inventé cette vision compliquée qui récapitule toute la relation trinitaire et le mystère de la Rédemption et de la Passion par des symboles en adéquation avec l’enseignement du Credo de Nicée. Tout cela la dépasse complètement.

  • Notre Dame lui dit alors que le moment est venu de consacrer la Russie à son Cœur immaculé, et qu’elle la sauvera par ce moyen. Elle ajoute : « Elles sont si nombreuses, les âmes que la justice de Dieu condamne pour des péchés commis contre moi, que je viens demander réparation. Sacrifie-toi et prie à cette intention. » Lucie, dans son couvent de Galice, est alors dans une totale ignorance de ce qui se passe en Union soviétique. Là encore, elle ne peut inventer ces mots.

  • Ce n’est cependant qu’à l’anniversaire de la théophanie, un an plus tard, après avoir pris le temps du recul et du discernement, que le confesseur de Lucie fera transmettre le message, qui ne recevra pas de réponse. Lucie en sera si contrariée qu’elle en tombera sévèrement malade. Là encore, il ne peut s’agir d’autosuggestion.

  • En convalescence au bord de la mer, à Rianjo, à l’été 1931, alors qu’elle prie dans une chapelle pour la conversion de la Russie et de toutes les nations d’Europe et du monde, le Christ lui dit combien cette prière lui est agréable, et il la charge d’informer « ses ministres qu’en retardant l’exécution de ses demandes, ils suivent l’exemple du roi de France et qu’ils le suivront dans le malheur ». Il s’agit d’une allusion au refus de Louis XIV et de ses successeurs d’obéir aux demandes du Sacré Cœur, qui leur promettait pourtant la victoire sur tous leurs ennemis. Ce sont des points d’histoire que Lucie ne connaît pas.

  • Jésus précise que l’Église finira par obéir, mais « qu’il sera tard et que la Russie aura déjà répandu ses erreurs dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église ». Le Saint-Père en souffrira beaucoup. Plus tard, elle précisera néanmoins qu’il ne sera jamais trop tard pour obéir. On ne peut imaginer l’audace qu’il aurait fallu à cette petite religieuse, si cela ne venait pas d’abord de la bouche de Jésus lui-même, pour inventer cela et faire de pareils reproches à la hiérarchie catholique.


En savoir plus

En juillet 1926, Lucie, bien qu’elle eût préféré entrer au Carmel, comme elle y sera autorisée plus tard, arrive au noviciat des Sœurs de Sainte-Dorothée – la communauté religieuse où elle a poursuivi ses études après les événements de Fatima –, à Tuy, en Galice espagnole. Elle y prononce ses vœux en octobre 1928. Des trois voyants des apparitions de Fatima, Lucie dos Santos, en religion sœur Marie des Douleurs, est la seule survivante.

La seule dispense qu’elle a réclamée, afin de demeurer fidèle à sa volonté de se sacrifier pour les pécheurs, comme l’a demandé Notre Dame, est de pouvoir, chaque jeudi soir entre onze heures et minuit, suivre la pratique de l’Heure Sainte inspirée par le Christ à Marguerite-Marie Alacoque lors des apparitions du Sacré Cœur, à Paray-le-Monial. Chaque semaine, elle est donc autorisée à rester seule en prière à la chapelle, prosternée devant le tabernacle.

Ainsi, le 13 juin 1929, elle vient de réciter la prière de l’ange lorsqu’une vive lumière se répand dans la chapelle, jusqu’alors uniquement éclairée par la veilleuse de l’autel, et quasiment plongée dans l’obscurité. Cette clarté provient d’une croix qui vient d’apparaître sur l’autel et qui monte jusqu’au plafond. « Dans une lumière plus claire, l’on voyait sur la partie supérieure de la croix une face d’homme avec un corps jusqu’à la poitrine. Sur sa poitrine, une colombe également lumineuse, et, cloué sur la croix, le corps d’un autre homme. Un peu en dessous, suspendu en l’air, on voyait un calice et une grande hostie sur laquelle tombaient quelques gouttes de sang qui coulaient sur les joues du Crucifié et d’une blessure à la poitrine. Coulant sur l’hostie, ces gouttes tombaient dans le calice. Sous le bras droit de la croix se trouvait Notre-Dame avec son Cœur immaculé dans la main. C’était Notre Dame de Fatima avec son Cœur immaculé dans la main gauche, sans épée ni roses, mais avec une couronne d’épines et de flammes. Sous le bras gauche de la croix, de grandes lettres, comme d’une eau cristalline qui aurait coulé au-dessus de l’autel, formaient les mots grâce et miséricorde. »

Notre Dame de Fatima lui dit alors qu’il faut prier pour les pécheurs qui ne veulent pas s’appliquer ces remèdes de salut et se perdent. C’est le prélude à l’insistante demande de consacrer la Russie au Cœur immaculé de Marie afin qu’elle se convertisse et qu’elle cesse de répandre ses erreurs à travers le monde. Tous les efforts que Lucie déploiera du fond de son couvent pour faire aboutir les demandes du Ciel se heurteront au silence de l’Église, malgré les avertissements de plus en plus solennels. Jamais la religieuse ne sera pleinement satisfaite de leur réalisation…

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin

Sœur Lucie, Mémoires, Téqui, 2005.


En complément

  • Carmel de Coimbra, Un chemin sous le regard de Marie, Le Parvis, 2017.

  • Dans L’Homme Nouveau : Cent ans de Notre Dame de Fatima, hors-série 26 et 27, 1917.

  • Le film de Daniel Costelle, Apparitions à Fatima, NS Video, 1991.

  • Le film de Ian et Dominic Higgins, Le 13e jour, SAJE distribution, 2016.

  • Le film de Marco Pontecorvo, Fatima, SAJE distribution, 2020.

  • Les articles 1000 raisons de croire déjà parus au sujet de Francisco Marto , Jacintha Marto , Lucie Dos Santos et Fatima .

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