
Raymond Nonnat prend la place d’esclaves pour l’amour du Christ (+1240)
Saint Raymond Nonnat est un religieux de l’ordre de la Merci, dédié au rachat des chrétiens captifs des musulmans d’Afrique du Nord. Il endure de longues souffrances en prenant la place de plusieurs d’entre eux, jusqu’à avoir les lèvres percées et cadenassées de fer. Il meurt en 1240, à l’âge de trente-six ans.
Les raisons d'y croire
Le jeune Raymond entre encore adolescent dans l’ordre des Mercédaires. Cet ordre, d’abord chevaleresque, a été fondé par saint Pierre Nolasque et quelques compagnons de son âge pour porter secours aux chrétiens enlevés lors de razzias par les pirates musulmans, et vendus comme esclaves sur les marchés. Détenus ensuite au service de riches propriétaires, la détresse physique, morale et spirituelle de ces malheureux est immense, et la tentation de l’apostasie, pour échapper à la mort, aux fers ou aux brimades, est récurrente. En 1223, l’ordre devient religieux. Il prend plus tard le nom de Notre-Dame-de-la-Merci, qui est attesté dès 1291. Les religieux se placent ainsi sous la protection de leur Mère du Ciel.
La règle de l’ordre veut que les religieux prennent librement et volontairement la place des esclaves chrétiens et tiennent lieu d’otages, tant que l’argent de la rançon ne peut encore être rassemblé. Le nom de l’ordre l’exprime : la « merci » est la pitié miséricordieuse que les religieux exercent à l’égard des esclaves.
Raymond est ordonné prêtre à dix-huit ans et il réalise bientôt l’idéal chrétien : risquer sa vie pour ses frères, jusqu’à la mort si elle se présente, pour l’amour de Dieu. Jésus-Christ, qui a souffert les tourments de la Passion et la mort cruelle de la Croix pour arracher les hommes à l’esclavage de Satan, est en effet le modèle de tous ceux qui portent son nom, les chrétiens, et qui veulent marcher à sa suite : « Si quelqu’un m’aime, qu’il prenne sa croix et me suive » ( Mt 16,24 ).
C’est ainsi que Raymond se livre lui-même aux Sarrasins pour obtenir la libération de plusieurs esclaves. Ses geôliers le traitent avec dureté et violence. Malgré tout, il réconforte ses compagnons d’infortune et prie avec eux. Il évangélise même quelques Sarrasins, qui se convertissent, puis les baptise.
Mais ces conversions ne demeurent pas longtemps secrètes : découvertes, elles révèlent au grand jour le courage héroïque de Raymond et excitent la fureur de ses geôliers, qui le fouettent jusqu’au sang. Puis ils lui percent les lèvres au fer rouge pour les celer par un cadenas. Ainsi ne peut-il plus prêcher l’amour du Christ autour de lui. Le cadenas n’est ôté de ses lèvres que pour lui fournir, parfois, un peu de nourriture.
En savoir plus
Raymond est originaire de Portell (aujourd’hui Sant Ramon) en Catalogne. Son père est allié aux maisons de Foix et de Cardon. On l’a surnommé « Nonnat », diminutif des mots latins non natus, c’est-à-dire « non né », parce qu’il n’est pas venu au monde par les voies naturelles. La mère de Raymond meurt en effet en couches en l’attendant. Son époux, refusant l’idée d’avoir perdu à la fois son épouse et son enfant, demande alors à un membre de la famille d’ouvrir de son poignard le ventre de sa femme, pour permettre la naissance de l’enfant. Nous sommes en 1204.
Otage des pirates musulmans, et donc lui aussi réduit à l’esclavage, il devient célèbre dans l’ordre et en Catalogne pour sa charité au milieu des esclaves chrétiens.
Quand saint Pierre Nolasque parvient enfin à réunir la rançon exigée, Raymond regagne l’Espagne. Le pape Grégoire IX lui demande alors de se rendre auprès du roi de France Louis IX, futur Saint Louis, afin d’encourager ce dernier à se croiser pour délivrer les lieux saints.
Afin de lui témoigner la reconnaissance de l’Église, et pour le montrer à tous en exemple, le pape crée Raymond cardinal. Mais le religieux, épuisé par tant de peines et d’épreuves, meurt sur le chemin de Rome, près de Barcelone, en 1240. Il a trente-six ans. Comme le prêtre mandé pour lui administrer les derniers sacrements tarde à venir, Raymond reçoit le saint viatique de la main des anges, qui lui apparaissent sous le costume de religieux de son ordre.
Le pape Alexandre VII l’élève au rang des saints en 1657.
Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.
Au delà
La poétesse Marie Noël a publié en 1930 les Chants de la Merci (Paris, éd. Crès & Cie), dans lesquels elle fait clairement référence à l’ordre religieux du même nom. Dans le « Chant de la divine Merci », elle exalte la miséricorde de Jésus-Christ, qui a accompli le rachat des hommes par le sacrifice de la Croix. La « divine Merci » est la miséricorde de Dieu, qui veut qu’aucun homme ne se perde.
Aller plus loin
Yves Dossat, « Les ordres de rachat. Les Mercédaires » dans Assistance et charité, Toulouse, éd. Privat, 1978, p. 365-387. (Cahiers de Fanjeaux, no 13). Disponible en ligne .
En complément
Guillermo Vazquez Nunez, Mercedarios ilustres, Madrid, Publicaciones del Monasterio de Poyo no 22, 1966, XV et 770 p.
Une notice est disponible sur le site Internet américain de l’ordre des Mercédaires .
L’article 1 000 raisons de croire : « Le christianisme fut un moteur essentiel de l’abolition de l’esclavage ».
L’article 1 000 raisons de croire : « Saint Pierre Nolasque, apôtre de la liberté chrétienne ».