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© apasciuto, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons.
Histoires providentielles
Dans l’océan Pacifique
Nº 623
Janvier 2025

La conversion de Fabrice Amedeo, au beau milieu de l’océan (2025)

Pendant l’édition 2024 du Vendée Globe, une expérience spirituelle convertit Fabrice Amedeo, en plein océan Pacifique. Depuis, le navigateur en témoigne avec simplicité et sincérité auprès de son entourage et dans les journaux. Cette expérience s’est produite un soir, alors que le navigateur observait une aurore australe dans le ciel : « Je ressens quelque chose de très fort, un immense amour qui m’enveloppe et m’habite. C’est la première fois de ma vie que je ressens cela. Rien à voir avec d’autres expériences que j’ai pu avoir en mer, rien de comparable avec cet amour. À cet instant précis, j’ai l’impression de ne pas être seul et d’être accompagné. Là, il y a vraiment un avant et un après. Je n’ai plus peur. Pour la première fois sur cette course, j’ai vraiment confiance. » Fabrice explique que cela l’a transformé en croyant « avec une certitude absolue » et qu’il a pu terminer la course en sentant la protection offerte par la Vierge Marie.


Les raisons d'y croire

  • Depuis son enfance, Fabrice Amedeo est un familier de la religion catholique. Mais la vision de Dieu qu’il adopte adulte est plutôt inspirée de la philosophie de Spinoza : Dieu est immanent, présent dans le cosmos. C’est la Nature, avec un grand N. Pourtant, l’expérience qu’il vit en mer le fait changer d’avis : elle lui donne la certitude de la vérité du christianisme.

  • Le marin a déjà vécu des expériences esthétiques très fortes au contact de la mer, notamment un coucher de soleil extraordinaire, qui a suscité en lui une sorte d’émotion spirituelle. Pourtant, il identifie l’amour qu’il ressent cette fois-ci comme très différent de tout le reste. Il interprète ce qu’il a vu comme étant le manteau de Marie descendant sur lui pour le protéger.

  • On ne peut expliquer sa conversion et son expérience surnaturelle par de l’émotivité face à l’océan ou par une faiblesse psychologique due à la solitude de la course. En effet, Fabrice Amedeo connaît bien le Vendée Globe : c’est la troisième fois qu’il y participe. Il est navigateur professionnel depuis 2015 et c’est la première fois qu’il vit quelque chose de semblable.

  • Face aux difficultés qu’il rencontre en mer, Fabrice commence à prier la Vierge Marie. Au début, sa prière est « sans foi », « de l’ordre de la superstition », selon ses propres mots. Il cherche ce à quoi il peut se raccrocher lorsque ses forces lui font défaut. Sa prière aurait pu rester la même jusqu’à son arrivée au port. Cependant, elle évolue après qu’il a observé le signe dans le ciel : avant tout autre chose, il remercie Dieu et lui confie les autres autant que lui-même.

  • Avec le recul, Fabrice Amedeo identifie les différentes étapes qui ont préparé sa conversion. Parmi celles-ci, un prêtre, le père Florent Millet, recteur du sanctuaire de Rocamadour, est passé providentiellement avant le départ et lui a offert une statuette de la Vierge noire, que Fabrice a embarquée. « Cela ne peut pas faire de mal », s’est dit le navigateur. C’est ainsi que, lorsque la difficulté est survenue, au milieu de l’océan, il a pensé à se tourner vers la Vierge.

  • Notre Dame de Rocamadour est la patronne des marins. Le recteur du sanctuaire de Rocamadour témoigne que, dans une de leurs chapelles, une cloche du VIe siècle témoigne de la protection que la Vierge Marie accorde aux marins. La cloche sonne seule, miraculeusement, quand un marin est sauvé par son intercession.

  • Le signe dans le ciel est survenu le soir du 1er janvier, jour de solennité mariale : la fête de Marie mère de Dieu.

  • Un dernier clin d’œil : Fabrice désirait que le prêtre qui lui a confié la petite statue de Notre Dame de Rocamadour soit présent à son arrivée aux Sables-d’Olonne. Or, ce dernier n’a qu’un seul jour disponible : le mardi 4 mars. Fabrice est arrivé ce jour-là.

  • Depuis qu’il est revenu à terre, Fabrice ressent le besoin de témoigner. « Pour moi, c’est une certitude absolue. Ce sentiment d’amour que j’ai ressenti, il ne vient pas de nulle part. C’est très déconcertant. Mais ça résiste à la raison critique. »


En savoir plus

Ancien journaliste au Figaro, Fabrice Amedeo est navigateur professionnel depuis 2015. Pour préparer sa troisième participation au Vendée Globe, la course qui a débuté le 10 novembre 2024, il a dû faire face à plusieurs contrariétés. Il se retrouve d’abord à devoir acheter un vieux bateau, ce qui met en berne ses envies de performance. Ensuite, l’équipe qui travaille à mettre en état le bateau pour la course se révèle être malhonnête et lui vole du matériel. La mère de Fabrice décède aussi à cette période…Le marin parvient tout de même à se qualifier pour la course, mais avec un goût amer.

Sur l’eau, les problèmes continuent : problèmes hydrauliques de quille, black-out informatique et appareils électroniques cassés… « Clairement, à ce moment-là, je perds toute confiance en mon bateau. Et tous les naufrages passés me reviennent. Je suis très inquiet. » En parcourant l’océan Indien, les difficultés se poursuivent. La mer est hachée et la météo peu clémente. « Pour la première fois de ma vie en mer, je me dis : là, si j’ai un souci, le radeau de survie ne suffira pas. Je mets vraiment la compétition entre parenthèses et le Vendée Globe en mode aventure, qu’il faut surtout terminer. »

C’est à partir de ce moment que Fabrice Amedeo commence aussi à prier. Il se met à genoux devant la petite statue de la Vierge noire de Rocamadour que lui a offerte un prêtre avant le départ. « Mais ce n’était pas la prière d’un croyant, plutôt celle d’un superstitieux : ça ne peut pas faire de mal et ça me raccroche à quelque chose. Donc, tous les jours, je prie dans mon bateau pour que tout se passe bien. » Cette démarche de prière, c’est la reconnaissance de quelque chose qui est plus grand que lui ; il s’ouvre à la transcendance.

Fabrice a été baptisé et il a fait ensuite sa profession de foi et sa confirmation. Mais, depuis ses études en khâgne et sa maîtrise de philosophie, le journaliste avait plutôt rejoint la vision du Dieu immanent de Spinoza. « Pour lui, Dieu, c’est plutôt la Nature avec un grand N, donc la totalité du cosmos, d’une certaine manière. Et ça fonctionne assez bien pour vivre, Spinoza. D’ailleurs, comme marin, j’ai eu des expériences esthétiques très fortes sur l’eau. En 2013, sur la Transat Jacques-Vabre, au large du Brésil, j’ai un coucher de soleil vraiment magnifique, que j’appelle mon crépuscule d’éternité. À cet instant-là, j’ai l’impression de toucher Dieu de la main, en fait, et d’avoir une espèce d’expérience holistique, très en phase finalement avec une vision spinoziste de la religion. »

Sur son bateau, le marin fait tout de même de la prière une routine réconfortante. C’est ainsi qu’il est en train de prier, le soir du 1er janvier, lorsque se produit l’événement qui change sa course et le reste de sa vie. « Je regarde au-dessus de moi et, là, je vois un cercle vert, très très grand, un peu comme un dôme. Ça me fait penser à la pupille d’un œil. Et je me dis : tiens, c’est marrant, si j’étais un peu mégalo, je pourrais penser que je suis l’élu. Je retourne finir ma prière. Et quand je remonte sur le pont, ce cercle est toujours là, et je vois descendre de ce cercle une aurore australe. Et, à ce moment-là, je ressens quelque chose de très fort, un immense amour qui m’enveloppe et m’habite. C’est la première fois de ma vie que je ressens cela. Rien à voir avec d’autres expériences que j’ai pu avoir en mer, rien de comparable avec cet amour. À cet instant précis, j’ai eu la conviction absolue que je n’étais pas seul et que j’étais protégé. Il y a vraiment un avant et un après. Je n’ai plus peur. Pour la première fois sur cette course, j’ai vraiment confiance, et je me sens super bien. »

Fabrice Amedeo écrit sur le champ un message au père Florent, le prêtre qui lui avait donné la petite statue, pour lui raconter tout cela. « Il me répond juste : "Cher Fabrice, j’y vois le signe du manteau de Marie qui descend pour vous protéger et vous envelopper." Il a mis des mots sur ce que j’ai ressenti – je n’avais pas besoin de cette confirmation, parce que c’était très fort, ce que j’avais vécu –, mais ses mots m’ont bouleversé. »

Après cela, « j’ai continué à prier. Cette fois, une vraie prière de conviction, trois fois par jour, pour remercier. » Finalement, la Vierge Marie est bel et bien à bord pendant cette course en solitaire. « Je pourrais presque être disqualifié pour assistance », plaisante Fabrice.

Pendant sa longue remontée de l’Atlantique, Fabrice Amedeo tente aussi d’analyser ce qui lui est arrivé : « Pour la première fois, j’ai eu une expérience très forte, directement en relation avec les religions du Livre. Avant, j’étais dans Spinoza, dans la contemplation bouddhiste, dans la contemplation de la nature. Là, c’est la première fois que je vis quelque chose directement connecté à la religion de mon enfance. Si tout ça c’était vrai, finalement ? Aujourd’hui, je pense vraiment que ça existe, en fait. C’est d’autant plus puissant que je n’ai pas rencontré Dieu ou Jésus-Christ. C’est quelque chose de directement lié à Marie avec laquelle, pour moi, avant, il n’y avait rien, aucune histoire. »

Depuis son arrivée, l’évidence du témoignage s’est imposée. « Il y a aussi beaucoup de pudeur. Je sais qu’il y a des gens qui vont trouver ça bizarre, d’autres ridicule ; je ne suis pas dupe, sourit-il. Peut-être que, si j’avais été à terre et armé de la rationalité du terrien, je me serais dit : "Tu priais, tu es sorti, il y avait une aurore australe. Le fait qu’il y ait cette concomitance chronologique entre ces deux événements t’a rassuré et, donc, c’est le signe de rien du tout, c’est juste une illusion." J’aurais déconstruit le truc. Là, le fait d’être au large m’a ouvert à autre chose et, pour moi, c’est une certitude absolue. Ce sentiment d’amour que j’ai ressenti, il ne vient pas de nulle part. C’est très déconcertant. Mais ça résiste à la raison critique. »

Solveig Parent


Aller plus loin

Sur le site du sanctuaire de Rocamadour , les pages qui relatent l’histoire du lieu, du pèlerinage, de la statue, de la cloche miraculeuse, du livre des miracles…


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