
Jésus « veut que tout soit pour lui »
Mise en contexte
En janvier 1889, la jeune postulante âgée de 16 ans vit sa retraite avant sa prise d'habit, retraite marquée par l'aridité spirituelle. Elle écrit à sa sœur Pauline (Sr Agnès), évoquant un moment pénible vécu avec une autre sœur de la communauté, Sr St Vincent de Paul.
Thérèse m'écrit
« Aujourd'hui plus qu'hier, si cela est possible, j'ai été privée de toute consolation ; je remercie Jésus qui trouve cela bon pour mon âme, et puis, peut-être que si il me consolait je m'arrêterais à ces douceurs, mais il veut que tout soit pour lui !… Eh bien, tout sera pour lui, tout, même quand je ne sentirai rien à pouvoir lui offrir, alors comme ce soir je lui donnerai ce rien !… Si Jésus ne me donne pas de consolation, il me donne une paix si grande qu'elle me fait plus de bien !… Et la lettre du Père ?… Je la trouve céleste, mon cœur y trouve de bien belles choses, mais le bonheur ?… Oh ! non, pas le bonheur… le bonheur, il n'est que dans la souffrance et dans la souffrance sans aucune consolation !… Petite sœur, ma Maman à moi, qu'allez-vous penser de votre petite fille, oh ! si ce n'était pas vous je n'oserais pas envoyer ces pensées, les plus intimes de mon âme !… Je vous EN PRIE, déchirez ces papiers après les avoir lus !… Priez pour que votre petite fille ne refuse pas à Jésus un atome de son cœur. »
Je comprends
Thérèse avait choisi Pauline comme nouvelle « Maman » à la mort de leur mère (Manuscrit A 12-13), elle lui livre vraiment ici « [les pensées] les plus intimes de [son] âme ». En parlant de la « lettre du Père », Thérèse évoque une lettre du Père Pichon, son directeur spirituel.
Thérèse écrit une phrase qui peut paraître choquante si on la sort de son contexte : « le bonheur, il n'est que dans la souffrance et dans la souffrance sans aucune consolation ! » Il ne s’agit pas de masochisme, mais Thérèse veut probablement dire par là qu’au cœur de cette petite souffrance de la vie communautaire, elle peut offrir à Jésus un amour qu’elle sait vraiment gratuit, puisque la situation ne lui procure aucune consolation en contrepartie, et c’est là son bonheur : aimer Jésus pour lui seul et non pour ce qu’il donne.
Je prie et j'agis
Lorsqu’aucune consolation ne se présente à moi, est-ce que j’accepte de rester comme cela, de m’offrir comme je suis à Jésus, sans chercher à me procurer des consolations par moi-même ? Aujourd’hui, en ce Jeudi Saint, je peux m’offrir à Jésus qui a désiré d’un grand désir manger la Pâque avec ses amis avant de souffrir (Lc 22,15).