
Des secrets bien gardés
Mise en contexte
Sœur Thérèse est en retraite personnelle depuis le 8 septembre 1896, six ans jour pour jour après sa profession religieuse. Sa marraine, sœur Marie du Sacré Cœur, lui écrit un mot pour recevoir d'elle un écrit évoquant "les secrets de Jésus à Thérèse". Thérèse lui répond avec cette lettre qui ouvre une méditation appelée Manuscrit B.
Thérèse m'écrit
« O ma Sœur chérie ! vous me demandez de vous donner un souvenir de ma retraite, retraite qui peut-être sera la dernière... Puisque notre Mère le permet, c'est une joie pour moi de venir m'entretenir avec vous qui êtes deux fois ma Sœur, avec vous qui m'avez prêté votre voix, promettant en mon nom que je voulais servir Jésus, alors qu'il ne m'était pas possible de parler... Chère petite Marraine, c'est l'enfant que vous avez offerte au Seigneur qui vous parle ce soir, c'est elle qui vous aime comme une enfant sait aimer sa Mère... Au Ciel seulement vous connaîtrez toute la reconnaissance qui déborde de mon cœur... O ma Sœur chérie ! vous voudriez entendre les secrets que Jésus confie à votre petite fille, ces secrets Il vous les confie, je le sais, car c'est vous qui m'avez appris à recueillir les enseignements Divins, cependant je vais essayer de balbutier quelques mots, bien que je sente qu'il est impossible à la parole humaine de redire des choses que le cœur humain peut à peine pressentir... »
Je comprends
Nous aimons spontanément celles et ceux qui nous aiment. Si nous sommes aimés, nous aimons mieux, nous aimons plus ; si nous sommes blessés par des comportements, nous nous retirons par prudence ou par dépit. Sainte Thérèse avait mille et une raison d'aimer sa sa sœur aînée Marie : marraine de baptême, présence maternelle et éducative constante, aiguillon de sa vocation carmélitaine. Autant de raisons d'échanger encore des souvenirs sur cette ligne du temps dont l'issue semblait s'achever au son d'une marche funèbre. La perspective de la mort travaillait toute une joie de vivre déjà grevée par l'épreuve du deuil d'une mère, de la perte d'un père et d'incertitudes sur le sort de Céline et Léonie. Qui avaient-elles été ? Que deviendraient-elles ? Cet enclos du « monde des âmes qui est le jardin de Jésus » (Ms A 2) aurait-il perdu sa fécondité ? Leur faudrait il se réfugier dans le souvenir qui fait chaud au cœur tant qu'il prolonge la mémoire de tout ce qui semble disparaître ?
Eh bien non ! Sainte Thérèse a l'intuition spirituelle, pour le coup féconde, d'accompagner sa sœur du culte du « souvenez vous ! » à l'intelligence active du secret. Voilà ce qu'elle peut lui offrir de meilleur quand bien même elle l'entraînera à tutoyer l'ineffable !
Je prie et j'agis
S'il m'est si bon d'aimer et d'être aimé, dois-je en être, pour autant, le centre ? Cet amour est-il un puits clos ou une source qui irrigue ?