
Première lecture
En ces jours-là, un nouveau roi vint au pouvoir en Égypte. Il n’avait pas connu Joseph. Il dit à son peuple : « Voici que le peuple des fils d’Israël est maintenant plus nombreux et plus puissant que nous. Prenons donc les dispositions voulues pour l’empêcher de se multiplier. Car, s’il y avait une guerre, il se joindrait à nos ennemis, combattrait contre nous, et ensuite il sortirait du pays. » On imposa donc aux fils d’Israël des chefs de corvée pour les accabler de travaux pénibles. Ils durent bâtir pour Pharaon les villes d’entrepôts de Pithome et de Ramsès. Mais, plus on les accablait, plus ils se multipliaient et proliféraient, ce qui les fit détester. Les Égyptiens soumirent les fils d’Israël à un dur esclavage et leur rendirent la vie intenable à force de corvées : préparation de l’argile et des briques et toutes sortes de travaux à la campagne ; tous ces travaux étaient pour eux un dur esclavage. Pharaon donna cet ordre à tout son peuple : « Tous les fils qui naîtront aux Hébreux, jetez-les dans le Nil. Ne laissez vivre que les filles. »
Psaume
Notre secours est dans le nom du Seigneur.
Sans le Seigneur qui était pour nous – qu’Israël le redise – sans le Seigneur qui était pour nous quand des hommes nous assaillirent, alors ils nous avalaient tout vivants, dans le feu de leur colère.
Alors le flot passait sur nous, le torrent nous submergeait ; alors nous étions submergés par les flots en furie. Béni soit le Seigneur qui n’a pas fait de nous la proie de leurs dents !
Comme un oiseau, nous avons échappé au filet du chasseur ; le filet s’est rompu : nous avons échappé. Notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la trouvera. Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »
Lorsque Jésus eut terminé les instructions qu’il donnait à ses douze disciples, il partit de là pour enseigner et proclamer la Parole dans les villes du pays.
Méditer avec les carmes
Saint Matthieu a regroupé en un même discours un bon nombre de consignes de Jésus concernant la mission chrétienne et le style de vie des missionnaires chrétiens ; c’est la conclusion de ce discours que l’Église nous fait lire aujourd’hui.
Comme vous l’avez remarqué, ces quelques versets sont centrés sur l’idée d’accueil ; mais l’accueil peut être vu à plusieurs niveaux.
Il y a d’abord l’accueil des envoyés de Dieu.
Disons tout de suite que ces envoyés ne portent pas forcément tous la petite croix des clercs ou des religieuses. Hommes ou femmes, prêtres ou non, il s’agit des prophètes de la nouvelle Alliance, donc de tous ceux et de toutes celles qui ont quelque chose à dire dans l’Église de Jésus, non parce qu’ils l’ont lu dans une revue ou dans leur journal, mais parce qu’ils l’ont expérimenté, dans la force de l’Esprit Saint, parce qu’ils interprètent authentiquement les événements que traverse le peuple de Dieu.
« Qui accueille un prophète en qualité de prophète recevra une récompense de prophète. » Cette parole de Jésus, nous pouvons la comprendre d’abord à la lumière de la première lecture : la femme qui a accueilli dans sa maison le prophète Élisée s’entend dire par l’homme de Dieu : « L’an prochain à cette époque, tu tiendras un fils dans tes bras. » Autrement dit : celui qui accueille les messagers de Dieu, le message de Dieu, les suggestions de Dieu, voit venir dans sa vie une fécondité inespérée : c’est la récompense accordéepar le prophète
Mais on peut comprendre aussi : celui qui accueille un prophète reçoit la même récompense que le prophète. Si c’est vraiment un prophète que nous recevons, et si nous l’accueillons à cause du message qu’il porte, à cause du Christ qu’il représente, à cause de l’appel qu’il nous transmet, lui « l’homme juste », il faut nous associer, librement et courageusement, à l’œuvre du prophète, il faut laisser entrer en nous l’espérance nouvelle et l’exigence inattendue dont il est le témoin, et c’est pourquoi Jésus nous promet, à nous aussi, une récompense de prophète et d’homme juste.
Évidemment, on ne peut accueillir tout le monde à la fois, on ne peut investir ses forces chrétiennes dans toutes les directions à la fois, ni non plus participer à la fois à toutes les entreprises missionnaires. Il y a d’authentiques disciples du Christ qui ne feront que traverser notre vie. L’important, nous dit Jésus, est de ne pas manquer le moment du verre d’eau.
Autour de nous, des hommes, des femmes peinent pour le Royaume, ou simplement cherchent le Seigneur, qu’il s’agisse de jeunes, d’adultes ou de personnes âgées. Nous les rencontrons fortuitement, au hasard de notre métier ou sur la route des vacances. Ils ne demandent rien, mais ils ont soif, soif d’un moment d’amitié ou de compréhension, soif d’un accueil aussi simple, aussi limpide, aussi opportun qu’un verre d’eau fraîche en pleine chaleur.
Mais l’accueil le plus fondamental se situe à un autre niveau : celui de notre relation directe au Christ Sauveur.
« Celui qui aime son père ou sa mère, son fils ou sa fille, plus que moi, n’est pas digne de moi », c’est-à-dire n’est pas de niveau avec ce que je lui offre, dit Jésus. Bien sûr, le Christ ne cherche absolument pas à déprécier ni même à relativiser les affections familiales. Lui-même, au moment de mourir, se souciait encore de sa mère, et il a tenu à ce que Marie soit intégrée à sa vraie place dans la communauté chrétienne. Le Christ ne veut pas non plus opposer les attachements humains et l’attachement à sa personne, comme s’ils étaient inconciliables, mais il proclame cependant avec force que, si nous voulons marcher à sa suite, notre marche ne doit pas être arrêtée ni même gênée par des liens affectifs.
En d’autres termes, le Christ ne peut se contenter des restes de nos forces, de notre temps, de notre amour. Il veut tout et tout de suite, et l’amour pour lui est premier et total. Toute autre affection, tout autre lien d’amitié ou d’amour doit être vécu, pour ainsi dire, à l’intérieur de ce don total que nous faisons au Christ. Mais - et c’est là une richesse inouïe du message de Jésus - nos affections humaines, ainsi ressaisies dans notre don au Christ, loin d’être niées, loin d’être dévaluées, loin d’être taries ou stérilisées, trouvent une vérité plus grande et se libèrent des contraintes de l’égoïsme.
On n’aime jamais autant que lorsqu’on aime en Dieu. Tant que Dieu, dans un cœur humain, reste le concurrent, quelque part se glisse la tristesse. Quand Dieu est accueilli comme source de tout amour, la tristesse même se change en joie, et l’on apprend à aimer avec tout son cœur.