
Première lecture
Frères, l’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. Désormais nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine : si nous avons connu le Christ de cette manière, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu.
Psaume
Le Seigneur est tendresse et pitié.
Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.
Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches.
Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Heureuse Vierge Marie ! Attentive à garder la parole de Dieu, elle la méditait dans son cœur ! Alléluia.
Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume. À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents. Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher.
C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.
Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.
Méditer avec les carmes
De ce récit, si émouvant et si humain, retenons la dernière phrase, qui nous dit tant de choses sur la vie spirituelle de la Vierge Marie.
Déjà dans le récit de Noël, après la visite nocturne des bergers, nous lisions : « Marie, elle, conservait avec soin toutes ces choses [ou : toutes ces paroles], les méditant dans son cœur ». La même phrase revient ici, mais légèrement modifiée : « Sa mère gardait toutes les choses dans son cœur ». Toutes les choses, donc pas seulement les derniers événements de Jérusalem, mais aussi l’attitude constante de Jésus à Nazareth : « Il leur était soumis ». La disparition de Jésus dans la ville sainte a dû, bien sûr, beaucoup frapper Marie ; mais de toute façon, c’était son habitude de tout garder dans son cœur.
Pourquoi ? Si l’on veut répondre à cette question, il faut s’interroger sur le sens de l’expression : « garder dans son cœur ». On croirait volontiers qu’elle est fréquente dans la Bible ; mais pas du tout : on ne la retrouve que deux fois, dont une, particulièrement éclairante, en Gn 37, 11. Le parallèle est d’autant plus intéressant qu’il s’agit, là encore, d’un jeune.
Le jeune, c’est Joseph, le douzième fils, que Jacob aimait plus que les autres parce qu’il était « le fils de sa vieillesse ». Or voilà que le jeune Joseph commence à avoir des songes, qu’il raconte, innocemment, à ses frères. Entre autres celui-ci : « J’ai encore fait un rêve : il me paraissait que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi ». Il rapporte cela à son père et à ses aînés, mais son père le gronde, et lui dit : « En voilà un rêve que tu as fait ! Allons-nous donc, moi, ta mère et tes frères, venir nous prosterner à terre devant toi ? »
Ses frères furent jaloux, mais son père « gardait les choses dans son cœur ».
Jacob - sans le dire, en bon éducateur - a été impressionné, et il garde le souvenir en réserve dans son cœur, jusqu’au moment où Dieu, dans sa providence, lui donnera le sens de l’incident.
Des années vont passer. Joseph, vendu par ses frères, deviendra le grand vizir du pharaon. Et quand ses frères, lors d’une famine, descendront en Égypte pour acheter du blé, ils se présenteront devant Joseph, sans le reconnaître, et « se prosterneront devant lui, la face contre terre ». De la même manière, si Marie garde des événements dans son cœur, c’est en attendant que Dieu en dévoile le sens. Elle a vécu quatre journées atroces, à la recherche de son fils, avec Joseph tout aussi angoissé ; et quand elle l’a retrouvé, les paroles qu’il a dites ne pouvaient pas lui faire plus mal : « Pourquoi me cherchiez-vous ? », ce qui revient à dire : « Je l’ai fait exprès ; non pas pour vous faire de la peine, mais parce que je viens d’avoir douze ans, que je suis maintenant responsable de moi-même selon la Loi. Il est normal que je sois dans la maison de mon Père, dans ce temple de Jérusalem où il a voulu habiter. Nazareth, c’est la maison de ma mère ; la maison de mon Père, vous le savez bien, c’est ici ! »
Mais, dit saint Luc, ils ne comprirent pas la parole qu’il venait de leur dire. Il fallait du temps pour comprendre ; et Marie se donnait le temps en faisant confiance à Dieu pour lui révéler ses desseins.
Jésus est revenu avec Marie et Joseph à Nazareth. Il leur était soumis. Il se plaisait à Nazareth ; il y restera jusqu’à ses trente ans. Un jour Marie l’a vu ranger ses outils. Puis il est parti sur les routes, près de trois ans. Ils se sont retrouvés, de nouveau à Jérusalem, plus tendrement que jamais. Mais il était sur une croix. Cela aussi, Marie l’a gardé dans son cœur, jusqu’à la Pentecôte où elle a presque tout compris.