
Première lecture
Que mes yeux ruissellent de larmes nuit et jour, sans s’arrêter ! Elle est blessée d’une grande blessure, la vierge, la fille de mon peuple, meurtrie d’une plaie profonde. Si je sors dans la campagne, voici les victimes de l’épée ; si j’entre dans la ville, voici les souffrants de la faim. Même le prophète, même le prêtre parcourent le pays sans comprendre.
As-tu donc rejeté Juda ? Es-tu pris de dégoût pour Sion ? Pourquoi nous frapper sans remède ? Nous attendions la paix, et rien de bon ! le temps du remède, et voici l’épouvante ! Seigneur, nous connaissons notre révolte, la faute de nos pères : oui, nous avons péché contre toi ! À cause de ton nom, ne méprise pas, n’humilie pas le trône de ta gloire ! Rappelle-toi : ne romps pas ton alliance avec nous ! Parmi les idoles des nations, en est-il qui fassent pleuvoir ? Est-ce le ciel qui nous donnera les pluies ? N’est-ce pas toi, Seigneur notre Dieu ? Nous espérons en toi, car c’est toi qui as fait tout cela.
Psaume
Pour la gloire de ton nom, Seigneur, délivre-nous !
Combien de temps, Seigneur, durera ta colère ? Ne retiens pas contre nous les péchés de nos ancêtres : que nous vienne bientôt ta tendresse, car nous sommes à bout de force !
Aide-nous, Dieu notre Sauveur, pour la gloire de ton nom ! Délivre-nous, efface nos fautes, pour la cause de ton nom !
Que monte en ta présence la plainte du captif ! Ton bras est fort : épargne ceux qui doivent mourir. Et nous, ton peuple, le troupeau que tu conduis, sans fin nous pourrons te rendre grâce.
Évangile
Alléluia. Alléluia. La semence est la parole de Dieu, le semeur est le Christ ; celui qui le trouve demeure pour toujours. Alléluia.
En ce temps-là, laissant les foules, Jésus vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : « Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ. » Il leur répondit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ; ils les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Méditer avec les carmes
Quand Jésus, dans ses discours à la foule, aborde les événements de la fin de ce monde, il se réfère spontanément au livre de Daniel, dont il a longuement médité les divers scenarii. Après avoir évoqué brièvement la double résurrection ; pour la vie éternelle et pour l’opprobre éternel, Daniel écrivait :
« Les doctes resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand nombre, comme les étoiles, pour l’éternité. »
C’est un des textes les plus consolants pour les anciens enseignants, les catéchistes et les prédicateurs : Dieu ne les oubliera pas au moment de la résurrection.
Ici Jésus reprend l’image dans sa description du jugement dernier, en parlant, non plus des professeurs de justice, mais directement des justes : « Alors les justes brilleront comme le soleil dans le Royaume de leur Père. »
Les justes sont les hommes et les femmes qui auront su s’ajuster, dans leur vie, au dessein de Dieu, et nous savons, par l’autre description du jugement dernier, en Mt 24, que les justes seront « bénis du Père », pour avoir nourri, abreuvé, accueilli, vêtu et visité leur Seigneur dans les plus petits de ses frères et de ses sœurs.
Quelle sera leur récompense, quel sera notre bonheur ? Nous brillerons comme le soleil ! Curieuse récompense, curieuse occupation ! Briller, briller éternellement.
Briller pour qui ? Jésus ne le dit pas, mais il précise où nous brillerons : « dans le Royaume de notre Père ». Or ce Royaume est déjà tout lumineux, puisque Dieu est lumière. Notre éclat à nous n’ajoute rien à la lumière de ce Royaume ; bien plutôt c’est nous qui emprunterons à Dieu et à son Royaume la clarté spirituelle dont nous brillerons.
Nous serons tout entiers lumineux de la lumière même du Très Saint. Nous serons tout entiers vivants de sa vie. Nous aimerons grâce à l’amour dont nous serons aimés ; et nous serons unis désormais sans efforts et sans reprises, parce que Dieu sera tout en tous.
Ce sera, dans l’éternité, notre réel en Dieu avec Dieu, et Jésus ne craint pas de tourner nos regards vers cet achèvement de toutes choses et de nous-mêmes, car cette lumière de demain illumine notre aujourd’hui de voyageurs : « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté, mais dès maintenant nous sommes enfants de Dieu », dès maintenant nous sommes des fils de lumière, dès maintenant nous mettons en œuvre parmi nos frères et nos sœurs l’amour dont nous l’aimerons éternellement.
Chaque jour l’Esprit nous donne d’anticiper le monde à venir dans le monde qui se fait sous nos yeux, mais sa voix n’est perçue que dans le silence du cœur et l’apaisement des passions, c’est pourquoi Jésus insiste pour nous ouvrir dès aujourd’hui ces grandes perspectives si mystérieuses :
« Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »