
Première lecture
Bien-aimé, je t’écris avec l’espoir d’aller te voir bientôt. Mais au cas où je tarderais, je veux que tu saches comment il faut se comporter dans la maison de Dieu, c’est-à-dire la communauté, l’Église du Dieu vivant, elle qui est le pilier et le soutien de la vérité.
Assurément, il est grand, le mystère de notre religion : c’est le Christ, manifesté dans la chair, justifié dans l’Esprit, apparu aux anges, proclamé dans les nations, cru dans le monde, enlevé dans la gloire !
Psaume
Grandes sont les œuvres du Seigneur !
De tout cœur je rendrai grâce au Seigneur dans l’assemblée, parmi les justes. Grandes sont les œuvres du Seigneur ; tous ceux qui les aiment s’en instruisent.
Noblesse et beauté dans ses actions : à jamais se maintiendra sa justice. De ses merveilles il a laissé un mémorial ; le Seigneur est tendresse et pitié.
Il a donné des vivres à ses fidèles, gardant toujours mémoire de son alliance. Il a montré sa force à son peuple, lui donnant le domaine des nations.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie ; tu as les paroles de la vie éternelle. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « À qui donc vais-je comparer les gens de cette génération ? À qui ressemblent-ils ? Ils ressemblent à des gamins assis sur la place, qui s’interpellent en disant : “Nous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé. Nous avons chanté des lamentations, et vous n’avez pas pleuré. ” Jean le Baptiste est venu, en effet ; il ne mange pas de pain, il ne boit pas de vin, et vous dites : “C’est un possédé ! ” Le Fils de l’homme est venu ; il mange et il boit, et vous dites : “Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs. ” Mais, par tous ses enfants, la sagesse de Dieu a été reconnue juste. »
Méditer avec les carmes
Des gamins qui s’ennuient sur une place et qui se renvoient la responsabilité de leur ennui commun : voilà le portrait que Jésus trace de sa génération, peut-être aussi de la nôtre.
Et les gamins n’ont pas d’excuse à bouder ainsi : on ne leur demande pas de faire le jeu, ni d’être le jouet des autres, mais simplement d’entrer dans le jeu, de jouer à la noce pendant que les garçons soufflent dans leur flûte, de jouer à l’enterrement pendant que les filles entonnent la lamentation. On ne leur demande que de jouer, or justement ils ne veulent pas faire leur part, et ils aiment mieux rester là, assis, durant des heures, en dénigrant toutes les initiatives. Rien ne les intéresse de ce qui vient des autres, et ils préfèrent manquer le jeu que d’aider les autres à s’amuser.
Ainsi ont réagi les Pharisiens : ils ont refusé le baptême de Jean, et maintenant ils se raidissent devant l’appel de Jésus ; et pour garder leur autonomie, pour se rassurer sur leur bon droit, ils dévalorisent les deux messagers : « On nous donne le choix entre un demi-fou et un buveur ! »
Les braves gens, eux, ont choisi, et bien choisi. Ils ont reconnu dans les paroles de Jésus l’appel de la Sagesse de Dieu : « Venez, mes fils, écoutez-moi... Venez, mangez de mon pain... Venez, même sans argent, et rassasiez-vous ! » (Pr 9, 5).
Quant à nous, comment se fait-il qu’après tant d’années nous nous retrouvions assis sur la place, boudant la joie de Dieu et plus ou moins insensibles aux signes qu’il nous fait, à toute la musique qu’il invente pour nous ? Comment se fait-il que notre réponse journalière à Dieu soit encore donnée du bout des lèvres, comme si nous traînions avec nous une perpétuelle déception de ce que Dieu nous propose ?
Certains diront peut-être : « Je ne sais plus où j’en suis, et les changements de style me désorientent : faut-il choisir entre l’ascèse ou la liberté ? »
Fausse question sans doute ; faux dilemme. Ce qui est à choisir et à préférer, c’est le Christ ; et la lumière du Christ, comme une lanterne qui avance avec nous (Ps 119, 105), éclairera chaque jour les nouveaux pas à faire. Il y a plus de véritable ascèse que partout ailleurs dans la liberté que le Christ nous offre, et nulle part nous ne serons plus libres que dans l’effort auquel il nous convie.
En un sens, c’est Dieu qui a choisi, et nous avons à entrer librement dans son choix. Dieu a choisi en nous donnant son Fils, et le christianisme est avant tout un chant de noces, avant tout un banquet où l’on mange ensemble, où l’on « mange avec », comme Jésus avec ses amis les pécheurs.
Mais ces noces fêtent un étrange époux, présent pour la foi et absent pour les yeux, et le banquet rassemble ceux qui gardent faim et soif, selon la parole de Jésus à propos de ses disciples, une de ces paroles sans fond qui restent pour nous la charte du voyage :
« les gens de la noce ne vont pas jeûner alors que l’Époux est avec eux ; mais un jour viendra où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront ».