
Première lecture
Ainsi parle le Seigneur :
Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable.
Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit.
Psaume
Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur.
Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit !
Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira. Tel n’est pas le sort des méchants.
Mais ils sont comme la paille balayée par le vent, Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra.
Deuxième lecture
Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Réjouissez-vous, tressaillez de joie, dit le Seigneur, car votre récompense est grande dans le ciel. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Méditer avec les carmes
Dans l’Évangile de Luc, le discours inaugural de Jésus commence par deux séries, rigoureusement symétriques, de quatre béatitudes et quatre malheurs, adressées directement aux auditeurs, et qui opposent les pauvres et les riches, les affamés et les repus, les pleurs et le rire, ceux qui sont repoussés à cause du Fils de l’Homme et ceux qui sont en honneur partout.
C’est en rapprochant, dans chaque cas, la béatitude et le malheur correspondant, que l’on peut le mieux saisir les nuances de la pensée de Jésus.
Jésus commence par la pauvreté, mais non par la misère. La misère est un mal, tandis que la pauvreté, comme Jésus l’entend, est source de la vraie joie, car elle ouvre le cœur aux richesses du Règne de Dieu. Cette mention du Règne de Dieu dans la première Béatitude montre bien que Jésus ne vise pas seulement la pauvreté matérielle, mais aussi et surtout l’attitude de ceux que la pauvreté du cœur a libérés et qui ont appris, par elle, à espérer en Dieu seul.
Inversement le riche, pour Jésus, est celui qui n’attend plus rien de Dieu, parce qu’il a refermé les mains sur son avoir et qu’il a mis « toute sa consolation » dans une sécurité immédiate.
La vraie pauvreté est donc celle qui rend disponible pour le Règne de Dieu, et par rapport à ce Règne de Dieu elle n’est jamais qu’un moyen. C’est pourquoi, lorsque nous réfléchissons sur la manière de vivre notre vœu de pauvreté, il est si important de toujours regarder ce que Jésus attend de notre famille spirituelle dans la perspective du Règne de Dieu.
« Heureux, vous qui avez faim maintenant », poursuit Jésus ; non parce que vous avez faim, mais parce que Dieu lui-même vous rassasiera. Là encore la pensée de Jésus ne s’arrête pas au pain matériel, car « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu », et c’est cette parole qui rassasie. Jésus sait ce qu’est la faim qui taraude le ventre et qui égare l’esprit, et c’est pourquoi il a nourri cinq mille hommes dans le désert ; mais il veut nous révéler cette nourriture que nous ne connaissons pas : la volonté du Père qui nous a envoyés.
Celui, au contraire, qui est « repu maintenant », celui qui a tellement goûté au monde qu’il ne désire plus Dieu, celui-là n’aura plus qu’une faim dévorante quand le monde lui sera ôté.
« Heureux, vous qui pleurez maintenant » : telle est la troisième Béatitude. Heureux êtes-vous ; non pas qu’il faille aimer la souffrance pour elle-même, mais parce que Dieu lui-même nous réserve sa joie.
Oui, nous rirons avec Dieu, et Dieu rira avec nous. Éternellement nous goûterons près de lui la joie des cœurs libres, la joie de ceux qui se savent aimés. Tandis que ceux qui aujourd’hui s’installent dans le rire, dans le superficiel, dans l’insouciance ou l’ironie, ne trouveront plus que le vide de leur cœur quand viendront les deuils et la solitude.
Le quatrième bonheur, c’est d’être haïs, repoussés, insultés, méprisés, si tout cela nous arrive à cause de notre attachement au Fils de l’Homme.
Être contestés et dénigrés à cause de notre égoïsme ou du mensonge de notre vie, ce n’est pas la béatitude : c’est le salaire de notre péché. Mais si nous sommes rejetés et comptés pour rien à cause du choix que nous avons fait de suivre un Seigneur crucifié, alors laissons dire, laissons médire, laissons sourire ; car Jésus ne nous a pas envoyés pour nous conformer aux modes du monde ni pour changer de vie « à tout vent de doctrine » (Ep 4, 14) : il nous a placés, là où il a voulu, « pour que nous portions du fruit, un fruit qui demeurera » quand la haine depuis longtemps se sera tue.
Jésus y insiste : pour comprendre ce qu’est véritablement la réussite ou l’échec, il faut se référer à l’existence des prophètes. Certains ont été applaudis à longueur de vie ; mais ils n’apportaient que leur propre message, et ce message de facilité est mort avec eux (Jr 23). Les vrais prophètes, eux, annonçaient jugement et miséricorde ; ils lisaient les événements à la lumière du dessein de Dieu et appelaient le monde à la conversion. Le monde du refus ne les a pas compris et n’a vu en eux que des gêneurs ; mais Dieu connaît les siens et les a pris dans sa joie.
Il n’y a, au fond, qu’une seule béatitude : c’est d’entrer dès maintenant dans ce bonheur de Dieu.