
Première lecture
Bien-aimé, en présence de Dieu qui donne vie à tous les êtres, et en présence du Christ Jésus qui a témoigné devant Ponce Pilate par une belle affirmation, voici ce que je t’ordonne : garde le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. Celui qui le fera paraître aux temps fixés, c’est Dieu, Souverain unique et bienheureux, Roi des rois et Seigneur des seigneurs ; lui seul possède l’immortalité, habite une lumière inaccessible ; aucun homme ne l’a jamais vu, et nul ne peut le voir. À lui, honneur et puissance éternelle. Amen.
Psaume
Allez vers le Seigneur parmi les chants d’allégresse.
Acclamez le Seigneur, terre entière, servez le Seigneur dans l’allégresse, venez à lui avec des chants de joie !
Reconnaissez que le Seigneur est Dieu : il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau.
Venez dans sa maison lui rendre grâce, dans sa demeure chanter ses louanges ; rendez-lui grâce et bénissez son nom !
Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d’âge en âge.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Heureux ceux qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance. Alléluia.
En ce temps-là, comme une grande foule se rassemblait, et que de chaque ville on venait vers Jésus, il dit dans une parabole : « Le semeur sortit pour semer la semence, et comme il semait, il en tomba au bord du chemin. Les passants la piétinèrent, et les oiseaux du ciel mangèrent tout. Il en tomba aussi dans les pierres, elle poussa et elle sécha parce qu’elle n’avait pas d’humidité. Il en tomba aussi au milieu des ronces, et les ronces, en poussant avec elle, l’étouffèrent. Il en tomba enfin dans la bonne terre, elle poussa et elle donna du fruit au centuple. » Disant cela, il éleva la voix : « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »
Ses disciples lui demandaient ce que signifiait cette parabole. Il leur déclara : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume de Dieu, mais les autres n’ont que les paraboles. Ainsi, comme il est écrit : Ils regardent sans regarder, ils entendent sans comprendre.
Voici ce que signifie la parabole. La semence, c’est la parole de Dieu. Il y a ceux qui sont au bord du chemin : ceux-là ont entendu ; puis le diable survient et il enlève de leur cœur la Parole, pour les empêcher de croire et d’être sauvés. Il y a ceux qui sont dans les pierres : lorsqu’ils entendent, ils accueillent la Parole avec joie ; mais ils n’ont pas de racines, ils croient pour un moment et, au moment de l’épreuve, ils abandonnent. Ce qui est tombé dans les ronces, ce sont les gens qui ont entendu, mais qui sont étouffés, chemin faisant, par les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie, et ne parviennent pas à maturité. Et ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont les gens qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance. »
Méditer avec les carmes
La semence, c’est la parole de Dieu : toujours saine, toujours adaptée au coeur de l’homme, toujours riche de promesses. Il n’y en a pas de meilleure : Dieu lui-même l’a sélectionnée.
Si donc les fruits ne viennent pas, ce ne sera pas la faute de la semence, mais la faute du terrain. On pourrait objecter : « Pour le terrain, on a de la chance ou on n’en a pas ! Que voulez-vous, moi je suis de la rocaille, je n’y peux rien ! »
Or nous y pouvons quelque chose, et c’est justement cela que Jésus veut nous faire saisir dans sa parabole. Personne n’est victime d’un fatalisme : les terrains ne sont pas distribués à la loterie, car ce ne sont pas des terrains que nous avons, mais des terrains que nous sommes, ou que nous devenons.
Quel terrain sommes-nous ? - Regardons ce que produit en nous la parole de Dieu.
Parfois nous l’accueillons dans la région la moins apaisée de notre être. Elle n’est alors qu’une information parmi d’autres, une curiosité parmi beaucoup d’autres encore plus attirantes. Elle tombe en nous à l’endroit où passent et repassent les impressions, les réactions superficielles, les rêves et les velléités. Négligée, piétinée, écrasée, la parole ne germera jamais, ou bien l’Ennemi, grain par grain, insensiblement, viendra nous l’ôter. Elle semblera banale, puis lassante, puis superflue,... puis plus rien : plus un grain de parole dans le cœur, plus un réflexe évangélique dans la vie, plus un moment de véritable écoute en équipe, en foyer ou en communauté.
Parfois la parole germe bien et vite. C’est le premier émerveillement devant les Psaumes, les Paraboles, le Sermon sur la montagne, c’est la découverte de saint Luc, le coup de foudre pour l’épître aux Colossiens. Mais très vite l’enthousiasme retombe, parce que sous la première couche, trompeuse, qui accueille le grain, le terrain est dur : l’intelligence regimbe, ergote, demande à voir, compare les suggestions discrètes de l’Écriture aux évidences plus faciles des autres connaissances. Ou bien c’est le cœur qui est dur, qui se raidit quand viennent l’effort ou le sacrifice, qui refuse la fidélité, la constance, l’enracinement. Après la joie du début, c’est la frustration, puis l’aigreur, l’agressivité parfois, contre cette parole qui ordonne en même temps qu’elle promet.
D’autres fois notre accueil est bon et sincère, et la parole de Dieu trouve une certaine résonance au profond de nous-mêmes ; mais elle n’est pas seule à grandir en nous, et d’autres voix sont admises qui couvrent celle de Jésus. On a semé du bon blé ; on a commencé loyalement à écouter le Maître, et l’on tend l’oreille aux voix du refus. La parole devait nous rendre libres, mais elle est étouffée par les ronces qui foisonnent.
Et Jésus d’énumérer nos herbes folles :
les plaisirs de la vie, qui occupent parfois tout le champ du désir ;
les richesses : c’est une herbe qui repousse toujours et qui peut devenir le véritable chiendent du cœur, car on veut toujours refermer les mains sur quelque chose ou sur quelqu’un ;
les soucis : c’est une graminée qui vient aussi bien dans le monde que dans les cloîtres, et qui pousse en toute saison. Souci des choses à faire, des choses qu’on rêve, de l’avenir qu’on ignore ou qu’on redoute. Souci du passé qu’il faut intégrer courageusement dans l’aujourd’hui de la mission.
Si la parole de Jésus ne lève pas en nous, ne s’épanouit pas, peut-être nous résignons-nous trop vite à la laisser s’asphyxier. Il y a, heureusement, en nous de la bonne terre, retournée, convertie depuis longtemps, le bon terreau épais qui a recueilli toutes nos feuilles mortes. C’est la région de notre cœur et de notre vie qui reste sans cesse en attente de la parole, de la volonté aimante de Dieu. Et Jésus la décrit en trois mots :
droiture dans l’écoute,
accueil actif de ce qui vient de Dieu,
constance dans l’effort de conversion.
Trois qualités d’une vie généreuse. Trois secrets du bonheur.