
Première lecture
En ces jours-là, Moïse exécuta tout ce que le Seigneur lui avait ordonné. La demeure de Dieu fut érigée la deuxième année après la sortie d’Égypte, le premier jour du premier mois. Moïse érigea ainsi la Demeure : il en posa les bases, les poutres et les traverses, et il dressa les colonnes. Au-dessus de la Demeure, il déploya la Tente et la recouvrit comme le Seigneur le lui avait ordonné. Il prit le Témoignage et le déposa dans l’arche. Il mit à l’arche ses barres et la recouvrit de la plaque d’or appelée propitiatoire. Il introduisit l’arche dans la Demeure, et posa le rideau pour voiler l’arche du Témoignage comme le Seigneur le lui avait ordonné.
La nuée couvrit la tente de la Rencontre, et la gloire du Seigneur remplit la Demeure. Moïse ne pouvait pas entrer dans la tente de la Rencontre, car la nuée y demeurait et la gloire du Seigneur remplissait la Demeure. À chaque étape, lorsque la nuée s’élevait et quittait la Demeure, les fils d’Israël levaient le camp. Si la nuée ne s’élevait pas, ils campaient jusqu’au jour où elle s’élevait. Dans la journée, la nuée du Seigneur reposait sur la Demeure, et la nuit, un feu brillait dans la nuée aux yeux de tout Israël. Et il en fut ainsi à toutes leurs étapes.
Psaume
De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur de l’univers !
Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ; mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant !
L’oiseau lui-même s’est trouvé une maison, et l’hirondelle, un nid pour abriter sa couvée : tes autels, Seigneur de l’univers, mon Roi et mon Dieu !
Heureux les habitants de ta maison : ils pourront te chanter encore ! Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s’ouvrent dans leur cœur !
Oui, un jour dans tes parvis en vaut plus que mille. J’ai choisi de me tenir sur le seuil, dans la maison de mon Dieu, plutôt que d’habiter parmi les infidèles.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Seigneur, ouvre notre cœur pour nous rendre attentifs aux paroles de ton Fils. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Le royaume des Cieux est encore comparable à un filet que l’on jette dans la mer, et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes et les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. » « Avez-vous compris tout cela ? » Ils lui répondent : « Oui ». Jésus ajouta : « C’est pourquoi tout scribe devenu disciple du royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. » Lorsque Jésus eut terminé ces paraboles, il s’éloigna de là.
Méditer avec les carmes
Pour les Galiléens, le retour des barques de pêcheurs au petit matin était un spectacle familier, et Jésus s’en est inspiré pour la parabole d’aujourd’hui.
Tant que le filet traîne dans l’eau et que la pêche se poursuit, on ne peut discerner le contenu de ce filet. C’est sur le rivage que l’on peut apprécier la pêche, c’est sur le rivage que l’on a de bonnes surprises ou que l’on perd ses illusions.
De même il y aura un tri à la fin des temps, et personne ne saurait y échapper. On trouvera, pêle-mêle, dans le grand filet de l’histoire, du « beau » et du « moins beau », des justes et des mauvais. Et ce ne sera plus le temps des demi-mesures : quand le filet est tiré sur la grève, on n’a plus le temps de se demander si le demi-avarié est encore à moitié comestible : il n’y a de paniers que pour le poisson mangeable, le reste n’est pas intéressant ; on le rejette à l’eau sans se poser de questions.
Quant à nous, nous nous en posons une, et Jésus désire que nous nous la posions : irai-je dans le panier ? ou serai-je rejeté à la mer ? irai-je du côté des pleurs, ou du côté de la joie ? Question redoutable, si importante et si radicale qu’elle pourrait parfois induire de véritables malaises dans la vie spirituelle.
Et ici, il y a deux écueils à éviter :
le premier serait d’éluder la question, en se disant : « Elle ne me concerne pas. Un bon chrétien ira forcément dans le panier, dans le panier des justes ».
l’autre écueil serait de céder à la peur, la peur de soi et la peur de Dieu.
D’un côté la suffisance de l’insouciance, de l’autre toutes les formes du désespoir. Or l’Évangile ne veut ni l’un ni l’autre. L’attitude que Jésus attend de nous et qu’il veut nous inculquer par sa parabole, c’est une sorte de réalisme de la foi, à base d’humilité et de confiance.
Humilité, car la force pour être fidèle ne viendra pas de nous ; confiance, parce que rien ni personne ne nous arrachera jamais de la main du Père ni de la main de Jésus, et parce que Dieu veut notre bonheur plus encore que nous ne le voulons nous-mêmes.
Humilité, car les consacrés eux aussi doivent manger chaque jour à la table des pécheurs ; confiance, parce que Jésus nous a aimés et s’est livré pour nous : « Il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus » (Rm 8, 1)
Humilité, car l’argile vivante que nous sommes peut toujours trahir la main du Potier, confiance, car le Potier peut toujours repétrir en objet d’art l’argile qui l’a déçu.
Elles sont si fortes, elles sont si douces, les mains de Dieu, si habiles et si précises ! Ce sont des mains d’artiste, ce sont des mains de Père, qui à la fois redressent et libèrent, à la fois remodèlent et guérissent. Saint Irénée les a nommées : les mains du Père sont pour nous le Verbe et l’Esprit.
De la parabole de Jésus nous pouvons tirer une autre leçon, qui va, elle aussi, dans le sens du réalisme de la foi : si nous voulons aborder sereinement le grand tri de la fin des temps, le moment de vérité à la fin de notre vie, le plus sûr et le plus apaisant est d’anticiper nous-mêmes le triage, d’opérer nous-mêmes, chaque jour, le discernement de ce que nous voulons vivre ou privilégier. C’est la grâce que Salomon demandait à Dieu dans sa prière : recevoir de lui un « cœur écoutant », capable d’entendre Dieu et de discerner sa volonté.
Dans le filet de notre cœur, nous ramassons tant de choses, et parfois n’importe quoi ; du dévouement, de la simplicité, de la tendresse, mais aussi des désirs qui nous encombrent, des amertumes qui nous rongent, des agressivités qui s’entassent dans notre mémoire et nous rendent malheureux ou désagréables.
C’est chaque jour, en pleine mer, en pleine vie, qu’il nous faut faire le choix, sous le regard de Dieu, avec le nouveau regard que Jésus nous donne, afin de ramener au port uniquement ce qui nous fera vivre, nous et ceux que Dieu nous donne à aimer.
Que nous soyons jeunes, dans la force de l’âge, ou déjà entamés par la fatigue, l’heure est venue pour nous - et elle vient chaque jour - de rejoindre vraiment notre liberté d’enfants de Dieu, de dire joyeusement et courageusement les oui et les non qui s’imposent, de choisir déjà le bonheur, comme Dieu nous l’offre, comme Jésus nous le montre.
Choisir la vie, c’est cela qui rend heureux.